Web Tv Culture présente Rendors toi, tout va bien de Agnès Laurent
« Les habitants de la rue décrivent un couple isolé, replié sur lui-même. » Comment peuvent-ils parler de nous comme ça ? Raconter des choses aussi fausses ? C’est vrai qu’on est discrets, on essaie de ne pas se mêler des affaires des autres, et alors, c’est un crime ? Je suis écœuré de voir ce type, presque un inconnu, commenter ma vie à la télé. Plus je l’écoute, plus je suis fou de rage, j’aimerais lui répondre, corriger ses erreurs, me défendre. Mon procès se déroule en direct à la télé, je ne peux rien faire.
Je déteste me faire remarquer. J’ai grandi entre le rire tonitruant de ma sœur et les commentaires acerbes de ma mère sur les autres femmes. Elles se fichaient qu’on les entende et qu’on se retourne sur elles, j’aurais voulu disparaître sous terre.
Christelle a vécu de ce rien que sa mère lui accordait. Elle s’en accommodait, se glissant dans les interstices de la vie familiale, vivant dans les brèches d’une maison trop pleine.
Florence se demande souvent comment il peut occuper un poste aussi élevé en ayant aussi peu l’esprit d’initiative. Sans doute parce que les finances n’exigent pas trop d’imagination.
Mme Dumont parle vraiment très fort désormais. Elle risque d’attirer l’attention des autres clients. Éviter le scandale est une autre règle qu’on leur inculque. Si Sylvain pouvait juste lever les yeux une minute… Il doit être en train de vendre une carte soi-disant très avantageuse pour le client, surtout très rentable pour la banque. À ce jeu, Sylvain est imbattable. Il est beaucoup moins performant quand il s’agit de gérer l’agence.
Il a passé des heures face à cet homme et ne sait toujours rien. Rarement dans sa vie de gendarme un individu lui a résisté à ce point. Au début, il a pris Guillaume Dumont pour un cadre un peu arrogant. Il s’est dit qu’après quelques heures en cellule, ce serait facile, il leur dirait tout. Ils sont comme ça, les gens qui ont de l’argent, ils pensent que ça les protège, ils se croient solides. Ils n’ont jamais eu affaire aux gendarmes, ce sont les premiers à s’effondrer. Il s’est trompé, Guillaume Dumont a vomi dans la voiture, il est resté des heures avec les menottes sur un banc et rien, pas un mot. Comme s’il ne savait rien, réellement.
Paule et Jean rient de voir Belle se comporter comme une folle. Tu crois qu’elle va s’échapper, hein, hein ? Luc, lui, est devenu sérieux, il a compris qu’il y a quelque chose d’anormal, les animaux, ça ne trompe pas. Il s’approche de Marie-Pierre, la dernière fois que je l’ai vue comme ça, on a eu un sacré orage. Sa sœur secoue la tête, impossible, tu as vu le ciel. Regarde mieux, lui crache Luc, et tu comprendras. Il lui montre des petits nuages gris très hauts, qui s’entassent derrière la montagne. Tu vois, ceux-là, dans une heure ou deux, ce sont des éclairs et de la pluie. Marie-Pierre est tentée de rire, son frère n’y connaît rien à la météo, mais il a l’air tellement sérieux, il n’est pas du genre à s’inquiéter pour rien. Elle frissonne, elle pense aux parents, un peu, pas longtemps, de toute façon, elle ne peut rien faire pour eux, elle ne sait même pas où ils sont partis, elle regrette de ne pas avoir été plus attentive quand ils en parlaient ce matin.
Il va quand même pas couler la boutique juste parce que des couillons à Paris ont décidé que boire, c’était pas bon pour la santé.
Elle est arrivée si vite que Gilles en a lâché sa cigarette. Elle a freiné si tard qu’il s’est vu mourir. Sur un passage piéton, à quelques mètres du bureau. Juste parce qu’il avait la tête ailleurs au moment de traverser. Il s’avance pour lui dire ce qu’il pense de sa conduite, elle est déjà repartie d’un coup d’accélérateur. Il a eu le temps de la reconnaître et s’étonne de cette grossièreté. Elle n’a pas toujours été ainsi, il l’a connue polie.
Et ce banc, putain, ce banc ! Ils ont même pas été foutus de le construire plat ! Dès qu’on bouge, on glisse. Y a deux minutes, je me suis rattrapé tout juste. Ils le font exprès ou quoi ? Pour nous déstabiliser ? C’est bien le mot ! Si je commence à faire de l’humour sans m’en rendre compte, c’est que je suis fin prêt pour eux et leurs questions. Allez, les gars, venez, je suis à point…