Maria Wyett, 31 ans, mariée, divorcée, mère d'Anna, une petite fille internée, est une actrice de second ordre à Hollywood. À Hollywood, tout peut sembler superficiel. Pour s'évader du vide existentiel l'habitant et celui régissant la vie des Américaines et des Américains autour d'elle, elle roule dans sa Corvette sur les routes de la Californie et elle se rend aussi à Las Vegas ou encore dans le désert du Nevada. Elle ne sait pas où elle va, mais cela n'a pas d'importance, car le désert est là tout comme les serpents à sonnette. Elle dort dans des motels miteux, essaye d'appeler des amis qui n'en sont pas, tente de se guérir à coup de somnifères ou de verres de whisky.
Par le biais de quatre-vingt-quatre chapitres, Maria se dévoile, exprime son mal-être, sa peine d'être séparée de sa fille Kate, handicapée mentale. Son ex-mari Carter n'est jamais loin, tout comme son amie Hélène. Cependant, ils n'ont aucune emprise sur Maria qui vit une descente aux enfers frisant la folie. Son désespoir est extrême tout comme sa solitude.
Mes impressions
Quand tout fout le camp, que reste-t-il ?
Ce roman cherche à peindre la société hollywoodienne d'une époque avec sa vacuité, son « artificialité», son hypocrisie, ses soirées se terminant en orgies, etc. Et cette société,
Joan Didion la décrit très bien à travers les personnages de son récit. Par le recours à un long flash-back, Maria raconte les drames qu'elle a vécus depuis son enfance : sa mère est morte seule dans une voiture, son père était un joueur compulsif, son mari a du succès après leur divorce, sa fille est habitée par une maladie mentale. de plus, Maria a vécu un avortement et dont elle ne s'est pas remise, etc. Son ventre est vidé, tout comme le décor autour d'elle, tout comme le désert. Maria a trouvé comme moyen pour s'évader, pour trouver un peu de réconfort et tout oublier : la route. Rouler, toujours rouler. Parfois, elle pleure en roulant, il faut bien exulter du mal de vivre.
« Elle prenait l'autoroute de San Diego jusqu'à la rade, celle de la rade jusqu'à Hollywood, celle de Hollywood jusqu'au Golden State, celle de Santa Monica, de Santa Ana, de Pasadena, de Ventura. Elle roulait comme un batelier parcourt un fleuve, chaque jour plus habituée à ses courants, à ses traîtrises, et, tout comme un batelier sent l'attraction des rapides dans l'accalmie qui sépare le sommeil de la veille, Maria, allongée le soir dans le calme de Beverly Hills, voyait les grands panneaux défiler au-dessus de sa tête à cent vingt kilomètres à l'heure, Normandie zéro kilomètre cinq, Vermont un kilomètre, Rade un kilomètre cinq. » (p.24)
J'aime ce type de récit, de type de personnage aux prises avec les maux de son époque comme l'alcool, le sexe, la drogue, le néant, la folie, l'incommunicabilité, l'autodestruction. Ces êtres sombres sont parfois victimes des autres et elles n'ont pas d'autres choix pour survivre que de fuir. Maria comprend la superficialité autour d'elle. Ce qu'elle souhaite, c'est retrouver son enfant Kate et vivre une vie de famille remplie d'amour. L'écriture de
Joan Didion apparaît cinématographique. L'instance lectrice porte les lunettes noires de Maria et voit à travers son regard tout le vide autour d'elle, toute cette farce qu'est devenue l'Amérique.
« le reste du temps que Maria passa à Las Vegas elle porta des lunettes noires. Elle n'avait pas décidé de rester à Vegas : elle avait simplement négligé de s'en aller. Elle n'adressait la parole à personne. Elle ne jouait pas. Elle ne nageait pas, elle ne prenait pas de bains de soleil. Elle était là pour faire quelque chose mais quoi, elle n'arrivait pas à le savoir. Toute la journée, presque toute la nuit, elle marchait et elle roulait en voiture. Deux ou trois fois par jour elle entrait dans tous les hôtels du Strip et dans quelques autres dans le centre et elle en ressortait. Elle se mit à prendre goût au choc physique qu'elle ressentait à entrer dans un endroit et à en sortir, avec le changement de température, le vent brûlant qui soufflait dehors, l'air lourd et glacé à l'intérieur. Elle ne pensait à rien. Son esprit était comme une bande vierge sur quoi venaient s'imprimer chaque jour des bouts de conversations surpris, des fragments du boniment des croupiers, des plaisanteries et un vers d'une chanson par-ci par-là. Quand elle finissait par s'allonger la nuit dans la chambre mauve elle se rejouait la bande de la journée, une fille qui chantait dans un microphone et un gros homme qui laissait tomber un verre, des cartes déployées en éventail sur une table, le râteau d'un croupier en gros plan, une femme en pantalon qui pleurait et les yeux bleu opaque du garde qui surveillait une table de baccara. Un enfant dans la lumière crue d'un passage clouté sur le Strip. Une enseigne dans Fremont Street. Une lumière qui clignotait. Dans son demi-sommeil, pour gagner il fallait faire dix, le dix-huit gagnait et elle fredonnait : the only man who could ever reach her was the son of a preacher man, papa avait une veine d'enfer. » (p. 187)
Ce livre, c'est avant tout le portrait d'une femme qui perd pied dans une Amérique qui est aussi en crise. C'est un éloge à la fuite et jamais le néant n'a été aussi bien décrit.
J'ai lu Maria avec et sans rien dans le cadre du défi
Les Classiques, c'est fantastique créé par Moka et Fanny. En ce début de la saison 5, il fallait plonger dans un classique mettant en scène des personnages voulant tout quitter et qui ont besoin de solitude, d'introspection. Maria, avec ses drames, se laisse guider par la route pour tout oublier…
Je vous recommande de lire ce bouquin :
Si vous aimez le style cinématographique ;
Si vous appréciez les personnages écorchés par la vie ;
Si vous souhaitez plonger dans l'Amérique des années 70.
Aviez-vous déjà entendu parler de ce roman-culte américain ?
Bien à vous,
Madame lit
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