Avec Une princesse se souvient, nous entrons dans une culture, ô combien différente de la nôtre, celle de l'Inde et plus particulièrement du Rajasthan, sur les terres des maharajas.
Gayatri Devi, princesse de Jaipur, nous fait partager ses souvenirs d'enfance, de femme amoureuse, de femme publique, de femme libre à l'époque où les autres vivent dans le zénana (quartier réservé aux femmes) et dissimulées derrière le purdah (le rideau) selon la tradition très vive à Jaipur. D'ailleurs les deux premières épouses de l'homme qu'elle aime ne sortent du palais de la Cité qu'entièrement cachées.
Gayatri Devi, qui a passé plusieurs années en Angleterre, est une jeune femme émancipée, habituée à vivre à l'occidentale, elle ne supporte pas cet enfermement exigé. Elle sera souvent rappelée à l'ordre.
Nous assistons aux cérémonies grandioses qui conduisent Gayatri au rang de troisième maharani selon la coutume rituelle.
Gayatri a 12 ans lorsqu'elle rencontre le maharajah de Jaipur, Sawai Man Singh II. Il en a 21. Il est beau, sportif, élégant, séduisant. Elle est impressionnée, il la fait rêver, elle devient amoureuse de lui, sans savoir que c'est réciproque. Il fut marié à 12 ans avec la soeur du maharajah de Jodhpur, plus âgée que lui. Une seconde femme lui est destinée : la nièce de la mariée qu'il épouse en 1932.
Avec Son Altesse Première, Jai eut une fille, Prenn Kumari, surnommée Mickey, puis un fils, Bhawani Singh, appelé Bubbles. Son Altesse Première est une femme simple, discrète, sérieuse. Elle a la priorité des cérémonies officielles. Elle est très attachée à sa famille qui demeure à Jodhpur, elle y passe la majeure partie de son temps.
La maharani Seconde, Jo Didi, originaire elle aussi de Jodhpur, lui donne deux fils : Joey et Pat. Jo Didi est vive, gaie, bavarde, elle a trois ans de plus que Gayatri. Elle est plus moderne que Son Altesse Première. Elle dirige le zénana. Quatre cents femmes vivent dans le zénana : parents, veuves, personnel des deux épouses de Jai.
Gayatri Devi deviendra sa troisième épouse. En choisissant d'unir sa vie à la sienne, Jai espère qu'elle fera le maximum pour supprimer le purdah de Jaipur. Il veut qu'elle soit un exemple de femme libre pour les autres femmes afin qu'elles deviennent libérées à leur tour. Il fait un mariage d'amour.
Ils auront ensemble un fils, Jagat Singh.
Les trois épouses s'entendront à merveille, sans rivalité, sans jalousies et tout au long de sa vie qui durera quatre-vingt-dix années, Gayatri entretiendra d'excellents rapports avec les enfants de Jai.
L'auteur nous parle des fêtes données en maintes circonstances, dont quelques-unes sont très importantes : le Diwali, la fête des lumières qui ouvre la nouvelle année sous les feux d'artifice ; le Holi, une célébration exubérante du printemps ; la fête de Durgapuja célébrée par la caste des Kshatiyas à laquelle appartiennent la plupart des familles princières, la caste des guerriers. Elle nous raconte aussi les règles de savoir-vivre des familles princières.
Les mémoires de
Gayatri Devi retracent la fin de la domination anglaise en Inde, la marche vers l'indépendance après la Seconde Guerre mondiale, la suppression des états princiers avec la perte de leur autonomie et la disparition des maharajahs. Son témoignage historique et personnel est capital parce que cette époque est révolue.
Un regret cependant à la lecture de ce magnifique témoignage : la qualité de la traduction et la relecture avant impression laissent à désirer. C'est dommage pour un livre de cette envergure qui mérite d'être plus soigné par respect pour l'auteur et ses descendants.