"Chaka ! Immortel ! Chaka ! Immortel !"
La comparaison entre Alexandre le Grand et Chaka est évidente et en dit beaucoup sur les 2 personnages. Mais force est de constater que Chaka tient moins du conquérant Macédonien que de Gengis Khan, le semi-fou qui disait entendre les dieux et voulait faire la guerre à la guerre pour unifier les peuples du monde entier (sur le sujet, je vous conseille fortement le visionnage du film "Mongol" de Sergei Bodrov).
J'avais marqué cette épopée africaine de Thomas Day dans mon agenda, mais retardé mon achat car il faut avouer que la version grand format du Bélial était quand même pas donné vu le nombre de pages...
On peut apprécier le côté fun voire trash de l'imagination de Thomas Day avec son diptyque sur le Japon médiéval ("La Voie du Sabre", "L'Homme qui voulait tuer l'Empereur") et son diptyque sur un Sherlock Holmes déjanté et psychopathe ("L'Instinct de l'équarisseur" et "Vie et Mort de Sherlock Holmes"), sans parler de sa collaboration avec Ugo Bellagamba qui avait abouti à "Un Double Corps du Roi" qui m'a laissé un excellent souvenir !
Par contre j'ai toujours été déçu par la brièveté de ses oeuvres (rarement plus de 300 pages, et à chaque foi l'impression que l'histoire finit avoir d'avoir vraiment commencé), et par le côté un peu froid de sa narration : "Le Trône d'ébène" ne déroge pas à la règle et je suis resté sur ma faim...
Le véritable problème, c'est que j'ai eu l'impression que la narration se rapprochait plus d'un docu-fiction que d'un film : on a de long passage volontiers explicatifs entrecoupés d'1 ou 2 lignes de dialogues. Pourtant on quelques scènes de batailles assez sympas. En fait, dès que les dialogues se font plus nombreux, comme quand Chaka adolescent part avec ses compagnons tuer la Chose Terrifiante du Bois d'Usungir, cette impression disparaît et on s'immerge plus complètement dans l'incroyable destin du conquérant-tyran... Mais ces passages sont finalement assez peu nombreux.
L'autre aspect qui m'a un peu tarabiscoté, c'est dès qu'on touche du doigt les sociétés exotiques, certains ne peuvent pas s'empêcher de démystifier leurs croyances :
Jusqu'à la fin on peut se demander si la prophétie des zoulous n'est pas que l'émanation de la terrible ambition de Chaka, et si les sortilèges et les fétiches magiques d'Isangoma ne sont pas que des tours de passe-passe destinés à se donner de l'importance et à impressionner les esprits superstitieux, et si les deux ne sont pas victimes d'un abus de substances hallucinogènes. Les dieux-animaux rencontrés par Chaka sont-ils des divinités de la nature miyazakiennes en train de disparaître devant les progrès de l'Homme Blanc et sa civilisation industrielle, ou juste des mirages issus de l'imagination d'un homme tourmenté, toxicomane et alcoolique qui confond ses transes avec la réalité ???
On peut aussi trouver dommage que tout le roman ne soit qu'une ruse que n'aurait pas renié un Neil Gaiman :
les dieux et démons de l'Afrique éternelle veulent créer un héros historique dont tout le monde se souviendra, pour continuer survivre à travers son souvenir…
Enfin, c'est dommage que les conséquences de création de l'Empire zoulou soient tout juste évoquées : les tribus et les peuples chassés par les guerriers du conquéran-tyran vont se heurter aux autres nations africaines pour provoquer de grandes migrations dont les Boers et les colons anglais vont faire les frais avant le grand affrontement dans le Veldt sud-africain du XIXe siècle entre les boucliers noirs et les fusiliers de Sa Majesté.
Et c'est d'autant plus dommage que d'un autre côté on insiste autant sur la relation incestueuse entre Chaka et Nandi (sans soute un décalque de la relation tumultueuse entre Alexandre et Olympias), avec quelques détails grimm & gritty dont on aurait fort bien pu se passer. Bon cela fait partie des marottes de l'auteur, donc on doit faire avec…
Bref, un roman dense et intéressant mais trop court.
Le cadre exotique mérite le détour quand même !
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3 étoiles et pourtant tous les éléments sont là pour faire de ce récit un chef d'oeuvre...
Un héro plus vrai que nature, une mythololgie interpellante, des protagonistes ambitieux, un cadre à vous couper le souffle et une histoire hors du commun offrent à ce récit force et vigueur mais le livre en lui-même, les mots et la manière ne peuvent contenir toute cette force et cette vigueur et nous laisse un gout de trop peu, un sentiment décalé comme si la dernière page nous avait insufflé un peu de poudre de la petite mort.
Le livre alterne des descriptions larges dans un style documentaire et des zooms sur des situations de vie de Chaka. Cette alternance coupe le coté épique que l'on pourrait attendre d'une telle histoire et si elle nous permet de reprendre notre souffle, elle nous éloigne aussi du coeur du récit. de plus, cette alternance me donne un sentiment de surimpression, comme si l'auteur s'était contenter de boucher les trous du récit historique et de vernir l'ensemble d'une teinte "Fantasy" mais sans vraiment arriver à en faire un ensemble homogène.
J'ai l'impression que l'auteur n'a pas osé/voulu aller au bout des implications de son choix et a toujours gardé un regard "occidental" sur la mise en place de cette "fantasy" africaine. L'auteur essaye de nous partager les croyances mystiques de Chaka et du peuple zoulou alors que lui-même n'y croit pas ne fut-ce qu'un instant et que l'intelligence guerrière, stratégique et tactique de Chaka semble plus importante à montrer voire à démontrer.
Ce récit écartelé entre la réalité historique et le mystère de l'Afrique n'en reste pas moins palpitant et intéressant à plus d'un égard et je conseille ce livre à tout qui s'interesse un peu à l'Afrique et/ou à l'ambivalence des "grands" hommes de l'histoire.
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