Même si les musulmans se montrent souvent plus indulgents que les autres hommes devant la mort, partant du constat qu’il n’y a plus rien à dire et que le défunt se trouve désormais face à son Créateur, on a du mal à ne pas s’étonner devant l’ampleur des démonstrations de tristesse ou le déluge d’éloges auxquels a droit le souverain disparu. Pareille démesure traduit sans doute le chagrin et l’inquiétude d’un peuple soudainement privé d’un père et d’un guide. Mais elle montre aussi les limites d’un système dans lequel le peuple marocain ne cesse de se prosterner devant un maître sans qui il n’a pas d’existence réelle. Il y avait probablement enfin, chez beaucoup de Marocains, le soulagement de voir s’achever une longue période souvent ténébreuse, et l’espoir de voir s’ouvrir une ère meilleure.
Lorsqu’on fait la guerre à quelqu’un, c’est pour avoir la paix pendant au moins une génération. Si on n’est pas assuré de la tranquillité pendant trente ans après avoir mis au tapis son adversaire, il vaut mieux éviter de lancer une opération militaire, parce qu’on défigure le présent, on compromet l’avenir, on tue des hommes, on dépense de l’argent pour recommencer quatre ou cinq années après.
Malheureusement, dès son enfance et son adolescence, il lui manque quelques véritables amis pour lui dire ses quatre vérités. Toute sa vie, il est entouré de courtisans qui l’éloignent souvent de la réalité. Ses caprices d’enfant gâté dérapent parfois, le conduisant à faire montre de comportements inhumains et de colères jupitériennes qui terrorisent son entourage.
Mon fils, deux chemins s’ouvrent devant toi. L’un est facile et tu y trouveras tous les agréments de la jeunesse et de la fortune ; tu pourras sans contrainte courir le monde, suivre ton penchant pour les beaux-arts et la littérature. L’existence sera pour toi riante, et sois certain que je ferai de mon mieux pour que tu sois heureux autant qu’on peut l’être ici-bas. L’autre chemin est bien différent. Le moindre faux pas peut y être fatal. Il est difficile, plein de risques inconnus, semé d’embûches. On voudrait parfois s’arrêter, se reposer, mais il faut avancer toujours. C’est tout un peuple, ne l’oublie pas, que l’on guide vers l’indépendance et le progrès, la justice et la paix sociales (…).
La clef de voûte du système makhzen est le sultan, monocrate dynastique héréditaire de fait, dont l’intronisation s’accompagne d’un simulacre de cérémonie d’allégeance à laquelle participent les dignitaires tout à fait domestiqués. Ce pouvoir absolu, aggravé par la pseudo-fonction de “représentant de Dieu sur terre”, forgée et transmise par des générations de despotes orientaux mais qui ne repose en fait sur aucun fondement religieux ou légal...