Le Paradis est une exploitation agricole tenue d'une main ferme par Émilienne, veuve, mère de Marianne, Marianne mariée à Étienne, ex enseignant reconverti dans la "ruralité"; retour aux racines et à la terre notre mère nourricière. Marianne et Étienne ont deux enfants : Blanche l'aînée et Gabriel son cadet de deux ans.
Le Paradis, c'est aussi un cocon "familial", un refuge au-delà d'un monde voué au superflu.
La survie du cocon a un prix d'exigences et d'excellence : le travail sans compter, l'abnégation consentie, la dévotion et le respect dûs aux bêtes... à l'écosystème, dirions-nous persuadés que nous maîtrisons tout le contenu sémantique dont ce mot est porteur.
Le Paradis, c'est aussi et surtout la liberté, et pour commencer celle d'être ce qu'on est, sans artifices, sans faux-semblants, sans tricheries...
Un jour de mauvais temps, Marianne et Étienne trouvent la mort dans un accident de la route, dans une épingle non loin du Paradis.
Émilienne prend en charge l'éducation de ses deux petits-enfants devenus orphelins.
Blanche se raccroche à cette femme que la dureté de la vie ne semble pas parvenir à ébranler.
Elle rentre sa douleur et l'endurcit.
Le Paradis devient l'épicentre, le coeur de sa vie son tout, son moi...
Gabriel, plus fragile que sa soeur,a le deuil à fleur de l'âme.
Il survit au milieu des souvenirs, des regrets, des ombres, de l'amour confisqué. Empli de bleus au coeur, le Paradis a pour lui le goût de l'absence...
Et puis chez ces chez gens-là, il y a Louis, le commis qu'a recueilli Émilienne un soir d'orage, un soir où le gamin de seize ans alors, s'était fait rouer de coups par une bête humaine, une brute paternelle à laquelle le silence complice de la mère autorisait l'au-delà de tout.. Louis est resté au Paradis, intégrant cette famille qu'il a faite sienne...
Il seconde Émilienne et veille comme un frère aimant sur Blanche et Gabriel.
Et puis un jour, à l'école Blanche fait la connaissance d'Alexandre. C'est un Apollon, un charmeur à la voix enjôleuse, au sourire carnassier, un chérubin dévoré par l'ambition et l'appât du gain.
Pour Blanche, Alexandre c'est le coup de foudre, l'Amour en lettres capitales.
Seul Louis prend la mesure de la menace...
Ce roman qui s'inscrit dans une filiation littéraire dans laquelle pourraient figurer
Giono,
Marie-Hélène Lafon,
Franck Bouysse et auxquels pourraient s'adjoindre
Simenon et Dard, ce roman est une somme de petits chapitres tous introduits par un verbe à l'infinitif... "L'inconscient s'exprime à l'infinitif", disait
Freud...
Il s'ouvre sur une scène dans laquelle Blanche devenue octogénaire, vient jeter un bouquet de fleurs sur la fosse aux cochons, désormais condamnée... et elle se souvient...
D'entrée, le lecteur sait donc que cette fosse aux cochons va jouer le rôle du fusil de
Tchekhov ( loi de conversion des genres ) ; il n'y a plus qu'à suivre la plume tellurique, riche, sensuelle et maîtrisée de
Cécile Coulon dans ce drame d'une réelle "époustouflance."
Un roman qui m'a marqué, qui a laissé une empreinte émotionnelle forte dans mon petit coeur de lecteur.
Cécile Coulon a un talent monstre... ce livre le montre avec toute la force et toute la violence d'un tragique intemporel et universel.
Un très grand roman !