La maison de cendres

Je suis seule, se dit-elle. Et je dois me suffire à moi-même.

Je suis pareille à un cheval préparé pour la parade, songea-t-elle amèrement. Lustrée, crinière brossée et lissée, puis poussée sur la piste afin que tous puissent admirer le spectacle.

Les cieux sont vastes et nous sommes si minuscules. Les orages me le font clairement ressentir, Mila, avait-il dit. Ils me donnent la sensation que mes péchés ne sont peut-être pas si graves que cela, en fin de compte.

Son père adorait les orages, même s'ils rendaient les chevaux nerveux. Il affirmait se sentir, à ces moments, petit et de peu d'intérêt. Pour Mila, c'était un sentiment assez négatif, mais John Kenton levait alors la tête vers les étoiles et lui expliquait qu'il aimait éprouver sa propre insignifiance.

Les hommes désirent ardemment se sentir importants, Mila. Penser qu'ils ont la main. Si tu leur donnes ça, tu peux obtenir à peu près n'importe quoi d'eux. Tu ferais bien de t'en souvenir.

Nous devons veiller l'une sur l'autre, Wynn, chuchota Mila. Nous sommes une équipe. Ils ne pourront pas nous briser si nous restons ensemble.

On dit que l'endroit était maudit, ou hanté, enfin quelque chose de ce genre. Et, après qu'elle a été réduite à un tas de cendres, personne ne voulait plus s'en approcher. On prétendait que les lieux étaient le mal incarné.

Qui aurait cru que l'existence puisse être si fragile, qu'à n'importe quel moment quelqu'un que l'on aimait pouvait s'emparer de toute votre vie et la tordre pour en faire quelque chose d'impossible à reconnaître ? Tel était pourtant le cas. Ensuite, on vous laisse ramasser les morceaux.

À l'hôpital, ils avaient changé Tom en quelque chose qui n'était plus son père. Ils en avaient fait un zombie désarticulé et gavé de médicaments, parce qu'il était plus simple de le déconnecter complètement de lui-même que de lui laisser un peu de sa personnalité.

La maison. Cette foutue maison. Parfois, il rêvait d'y mettre le feu pour qu'elle soit réduite en cendres.