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Yves Citton (Autre)Marie Lechner (Autre)Anthony Masure (Autre)
EAN : 9782378963590
400 pages
Les Presses du réel (16/01/2023)
3.88/5   4 notes
Résumé :
138 entrées pour explorer les non-dits des nouvelles technologies, intelligences artificielles et autres aspects du numérique, d'algolittérature et asservissement machinique à viralité en passant par capitalisme de plateforme, évangélisme technologique, glitch-féminisme, médiactivisme et technopolice.
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Critiques, Analyses et Avis (4) Ajouter une critique
Ce livre est le résultat d'un colloque au château de Cerisy fin 2020. Avec 145 entrées et une trentaine de contributeurices, il offre un panorama dense et protéiforme de la question centrale qu'il se propose de traiter (et qui donne son titre à l'ouvrage) : les angles morts du numérique ubiquitaire.
Autrement dit, un inventaire de tous les aspects oubliés, écartés, tus, du débat public sur les déclinaisons passées, présentes et futur du numérique.

Les contributions viennent de la philosophie, du design, de la sociologie, de l'informatique, des lettres ou des mondes artistique et de l'entreprise. N'étant pas du tout un expert sur ces questions, j'ai parfois eu du mal à suivre, mais l'expérience fut tout à fait plaisante !

Les thématiques sont foisonnantes et en faire une liste exhaustive serait aussi fastidieux à dresser qu'à lire. Je vais donc me contenter de quelques exemples.

L'une des questions qui traverse le glossaire est celle du vocabulaire. S'entendre sur des termes, a fortiori avec un panel disciplinaire aussi large, est un premier chantier de vaste ampleur. D'autant plus que les entrées sont richement documentées, que la bibliographie est imposante et que nombre de personnes sont citées. Parmi ces débats sémantiques, celui sur l'Intelligence Artificielle est particulièrement marquant. L'entrée COGNITION SYNTHETIQUE présente la proposition du même nom en guise de remplacement de l'IA. On trouvera aussi "stupidité artificielle", "intelligence humaine collective étendue" ou "stupidité naturelle".

J'ai particulièrement apprécié le concept de SOUSVEILLANCE, comme l'HUMANECTOMIE ou la DICTATURE DE LA COMMODITE (ou l'empire des renoncements et lâchetés quotidiennes).

L'une des forces de ce glossaire est de permettre une lecture à plusieurs niveaux. J'étais par exemple très content de connaître au moins une des entrées, BULLE DE FILTRES en l'occurrence ! Mais en lisant la notice, j'ai pu m'apercevoir que si le concept n'est pas à jeter, il est néanmoins à tempérer et à complexifier. Les savoirs sont toujours à renouveler, actualiser et le livre pourra distribuer quelques piqures de rappel !

Les deux entrées signées Saul Pandelakis permettent d'ouvrir le débat vers des horizons LGBTQIA+, où l'auteur de science-fiction s'exprime avec sa casquette de chercheur et appuie son propos d'expériences personnelles.

Dans l'article sur les IMAGINAIRES DU NUMERIQUE, une autocritique du glossaire est faite, pointant par exemple le penchant plus dystopique qu'utopique des contributeurices ou l'absence de la question de la cybercriminalité ou des "potentiels réels du numérique au profit de l'éducation, de la santé, de la réduction de la pénibilité, ainsi que de l'écologie et du climat" (229).
L'aspect écologique est régulièrement présent, mais dans l'optique de dénoncer les ravages (tout aussi réels) que cause le numérique.

Au final, une lecture passionnante mais difficile, stimulante mais exigeante.
Un livre que je re-feuilletterai régulièrement, et une critique qui sera peut-être agrémentée de nouveaux paragraphes, au fil de mes réflexions futures !

Merci à Babelio et aux Presses du réel pour ce livre reçu via l'opération Masse Critique.
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Résultant d'un colloque à Cerisy en 2020 qui a réunit une trentaine de chercheurs d'horizons différents (universitaires, artistes, activistes, responsables...) cet ouvrage offre un riche glossaire, avec 140 entrées sur le numérique. Ces entrées sont les principaux résultats des présentations et échanges qui ont été issus de ces jours de colloque, des rencontres et des réflexions qui ont pu avoir lieu.

En effet, il va se concentrer sur le numérique dans sa forme "ubiquitaire", ou omniprésent, et plus particulièrement sur ces "angles morts", tous ces aspects inconnus du grand public, oubliés, mis sur le côté, avant et maintenant.

De prime abord, l'ouvrage est intimidant : on se demande quels sont ces termes complexes, inconnus. Néanmoins, certaines entrées sont intéressantes et permettent d'approfondir notre vision des différents aspects du numérique que nous connaissons de nos jours. Il est toutefois un peu complexe par moment de suivre et comprendre les termes. le fait qu'il soit organisé sous forme de glossaire permet toutefois une lecture adaptée : nous pouvons le lire dans le sens linéaire, mais également aller d'entrées en entrées, selon ce que nous souhaitons découvrir !

Les entrées sont variées : asservissement machinique, base de données, bienveillance, dronificationglitch, logistique, neurodiversité... Certaines entrées soulèvent même des questions LGBTQIA+ et ouvrent des horizons, ce qui est d'actualité et d'autant plus intéressant et prometteur de voir que des ouvrages scientifiques s'en emparent.

Les entrées abordant toute la question des intelligences artificielles m'a particulièrement intéressée, puisque bien que complexe, la question est 100% actuelle et propre au débat, et il est enrichissant d'apprendre de nouvelles choses et d'élargir sa vision sur ce sujet.

En bref : un ouvrage riche et intéressant, parfois complexe sur certaines entrées, mais qui sera utile et enrichissant pour toute personne dans le domaine du numérique ou souhaitant s'y intéresser.
Pour ma part, il est certain que je le garde sous le coude au travail pour le re-feuilleter et stimuler mes réflexions. Je l'agrémenterais de citations au fil de mes relectures !

Merci à Presses du Réel et à Babelio pour l'envoi dans le cadre de l'opération Masse Critique
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Souvent, les glossaires et dictionnaires sont à la recherche d'une forme de neutralité et d'exhaustivité qui les rend rébarbatifs. Ce n'est pas le cas de celui-ci, qui assume et revendique ses partis-pris. Tant mieux, cela lui permet d'être particulièrement intéressant. Sous la direction d'Yves Citton, Marie Lechner et Anthony Masure paraît donc "Angles morts du numérique ubiquitaire, glossaire critique et amoureux", aux Presses du réel. Ce glossaire du numérique recense 145 termes pour interroger des notions et moduler nos vocabulaires pour mieux les repolitiser. Où, dans les transformations du numérique, regardons-nous mal ? Quelles ambivalences nous échappent ? Ce dictionnaire des angles morts du numérique cherche à nous montrer là où nous devons être prudents comme là où le numérique offre encore des leviers d'émancipations.

Comme souvent dans les ouvrages collectifs, les contributions sont inégales, mais beaucoup sont particulièrement enthousiasmantes, à la fois par la synthèse qu'elles produisent et par les ouvertures qu'elles tissent. Chaque entrée introduit un enjeu, une question, une critique, une prise. Bien sûr, celles signées d'Yves Citton valent à elles seules le déplacement, mais ce ne sont pas les seules qui sont de qualité. Quand j'ai reçu l'ouvrage, je pensais picorer quelques termes, et au final, j'ai tout lu ! Avec ses entrées souvent courtes, ses références essentielles et surtout sa posture qui cherche les enjeux, ce dictionnaire pourrait parfaitement relever d'un manuel, au même titre que celui de Dominique Cardon ou que le livre de Kate Crawford.

“L'angle mort du numérique ubiquitaire est de prétendre ne pas avoir d'angle mort”, rappelle Yves Citton. Les réseaux se veulent anoptiques, sans point de vue, sans position puisque capables de regarder le monde de partout. Ils sont surtout perspectivistes, c'est-à-dire qu'ils défendent toujours une perspective, qui ne relève pas tant d'un point de vue que “du point de vie”, de leur partialité intrinsèque, comme de défendre leur existence même. C'est au final notre existence par rapport à celles des systèmes qu'interroge ce vivifiant dictionnaire.
Lien : https://hubertguillaud.wordp..
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Extrait de ma chronique :

"Dans la méthode scientifique de modélisation de la réalité, le résultat final est étayé par des prédictions, dont la réalisation confirmera la validité du modèle ; ce retour au réel pour vérifier l'opérabilité du modèle est le quatrième processus, celui qui referme la boucle en quelque sorte (et permet une progression des connaissances par élimination des modèles défectueux).


Au contraire, dans le numérique ubiquitaire, les prédictions éventuellement produites ne servent qu'à capter l'attention des utilisateurs ou utilisatrices en jouant sur leur biais de confirmation, autrement dit à générer des bulles de filtres, précisément parce qu'il manque ce quatrième processus de retour au réel, sans lequel toute démarche scientifique est incomplète.

Evidemment, ce dévoiement de la science va de pair, selon moi, avec la façon dont le numérique se teinte de "divin" (pages 70 ou 371), ne serait-ce précisément parce qu'il est ubiquitaire (attribut de Dieu dans la théologie classique), qu'il a "son centre partout et sa périphérie nulle part" (page 371)."
Lien : https://weirdaholic.blogspot..
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Citations et extraits (8) Voir plus Ajouter une citation
Tout semble a priori opposer les rapports que nous entretenons avec les deux types de viralités [biologique et médiale] : nous cherchons à fuir l'un ("attraper un virus") comme la peste, alors que nous désirons l'autre ("devenir viral") de nos voeux les plus chers. Quoi de pire que de sentir la fièvre monter en nous ? Quoi de mieux que de voir les clics et les likes crever le plafond de nos comptes antérieur de followers ?
[...]
Dans les deux cas, on observe une même dynamique de réplication incontrôlée et imprévisible d'un élément dont le code s'inscrit dans des hôtes à partir desquels il se reproduit et se diffuse d'une façon exponentielle. Dans les deux cas, ce qui circule n'a pas véritablement de vie en soi, mais compte sur la vie qui l'accueille pour mobiliser au profit de sa reproduction la force vitale inhérente à son hôte. Dans les deux cas, il est plus difficile qu'on ne le croit généralement de décider dans quelle mesure la contagion virale est une menace ou une opportunité : notre microbiote est plein de milliards de virus sans lesquels nous ne pourrions pas survivre, et les mêmes virus peuvent suivant les circonstances causer notre mort ou notre guérison (on parle d'amphibiose pour désigner ce phénomène); et nul ne sait lorsque tels de nos messages ou de nos tweets gone viral reviendront nous discréditer par tel imprévisible effet de boomerang. (380)
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Depuis un centre de névrose unique, une infection s'est développée avec une vélocité telle que très vite, il n'y eut plus un coin de la planète qui n'en fut contaminé. Il s'agit du capitalisme, bien sûr. Nous savons toutefois que c'est aussi dans le lit des violences faites au naturel par la métropolisation libérale, à la faveur de l'arasement de dispositifs communaux jugés non rentables et au gré des circuits marchands, que les virus biologiques se forment, s'établissent et se propagent. L'une et l'autre pandémies entretiennent identité de méthode par l'incohérence insinuée dans les systèmes dont elles perturbent les structures traditionnelles sociales et économiques organiques. (67)
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Ce glossaire émane de la conviction qu’étudier les angles morts de la programmation ubiquitaire, à la fois d’un point de vue théorique et à partir d’exemples concrets, permet de prendre davantage de recul envers des savoirs et des imaginaires (technophiles aussi bien que technophobes) qui nous éblouissent souvent autant qu’ils nous éclairent. L’enjeu des 145 entrées proposées ici sera de mieux prendre la mesure des ambivalences propres aux métamédias numériques qui organisent désormais nos communications à l’échelle planétaire. Notre espoir est d’aider à faire apparaître à la fois ce que nous pourrions gagner à repousser localement certaines limites de la computation, et ce que nous risquons de perdre en réduisant indûment certaines oasis d’opacité. [...]
La prémisse générale de notre démarche est que nous ne mesurons nullement ce qui est en train de nous arriver avec l’accélération, l’expansion et l’intensification de la computation du monde rendue possible par le numérique ubiquitaire. Seules des hypothèses et des transformations radicales peuvent espérer casser les oeillères qui nous aveuglent aux mutations en cours.
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L'IA n'est ni artificielle, ni intelligente, elle est à la fois incarnée et matérielle, faite de ressources naturelles, de carburant, de travail humain, d'infrastructures, de logistiques, d'histoires et de classifications. (33)
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Dans un Web qui ne dort jamais, soumis à une compétition généralisée, le travail du start-upper est aussi, et surtout, une question de temps. La veille (pour ne pas rater la prochaine vague d'innovation), la vigilance (face à tout concurrent potentiel) et la curiosité (pour repérer ce qui émerge fatalement d'outside the box) sont des devoirs de tout instant. Pas de sommeil pour les braves ni pour les start-upper. (150)
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Videos de Yves Citton (7) Voir plusAjouter une vidéo
Vidéo de Yves Citton
Nancy Murzilli invite Pierre Bayard & Yves Citton
Dans l'essai de Nancy Murzilli, la fiction est analysée sous le prisme d'une expérience de pensée. Raconter des histoires, jouer au pirate, interpréter un personnage de théâtre ou un rôle social, faire des projets, mentir, rêver, parler aux fantômes ou aux anges, communiquer avec le règne animal, lire l'avenir dans les tarots ou dans les astres, jeter des sorts, écrire des romans… Souvent perçues comme des échappatoires au réel, ces opérations mentales nous permettent de « savoir » et d'« agir » sans utiliser les moyens ordinaires d'information.
En avril et avec la complicité de la comédienne Anne-Laure Sanchez, Nancy Murzilli tirait les cartes à la Princesse de Clèves. Pour cette deuxième rencontre, elle invite deux « personnages » de son livre, Pierre Bayard et Yves Citton, chercheurs reconnus pour leurs travaux sur les fictions littéraires et sociales.
« Tout écrivain qui a discuté un peu longuement avec un lecteur attentif connaît cette expérience d'inquiétante étrangeté où il se rend compte de l'absence de correspondance entre ce qu'il a voulu faire et ce qui en a été compris. » Comment parler des livres que l'on a pas lus ?, Pierre Bayard
À lire – Nancy Murzilli, Changer la vie par nos fictions ordinaires, Premier parallèle, 2023 – Pierre Bayard, Et si les Beatles n'étaient pas nés ?, éd. de Minuit, 2022 – Yves Citton, Altermodernités des Lumières, Seuil, 2022 – Yves Citton, Faire avec. Conflits, coalitions, contagions, Les liens qui libèrent, 2021.
+ Lire la suite
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