Elle ne pouvait pas revenir en arrière. Quand Honor Bright avait brusquement annoncé à sa famille qu’elle allait accompagner sa sœur Grace en Amérique – quand elle avait trié ses objets personnels, ne gardant que le nécessaire, quand elle avait fait don de tous ses patchworks, quand elle avait dit au revoir à ses oncles et tantes, et embrassé ses cousins et cousines et ses neveux et nièces, quand elle était montée dans le coche qui allait les arracher à Bridport, quand Grace et elle s’étaient donné le bras pour gravir la passerelle du bateau à Bristol –, tous ces gestes, elle les avait effectués en se disant en son for intérieur : Je pourrai toujours revenir. Sous cette pensée, toutefois, était tapi le soupçon que dès que ses pieds auraient quitté le sol anglais, sa vie serait irrévocablement transformée.
Ils pensent que les gens de couleur prennent le travail qu'ils devraient avoir, et qu'ils en diminuent le prix. Les Noirs, vois-tu, sont beaucoup plus précieux. Un planteur paiera mille dollars pour un homme de couleur, mais un homme blanc pauvre n'a aucune valeur.
Je crois qu'au fond d'eux-mêmes la plupart des gens du Sud ont toujours su que l'esclavage était une faute, mais qu'ils ont accumulé des couches et des couches d'arguments pour justifier cette pratique. Ces couches n'ont fait que se solidifier au fil des ans. Pas évident de s'extraire de cette logique, d'avoir le cran de dire : "c'est mal".
Si je me fait pincer j'attendrai juste de pouvoir filer à nouveau. C'est ça l'esclavage… vu qu'on te fait travailler, on peut pas te garder enfermé tout le temps. Un peu de patience, et tu trouves toujours l'occasion de t'enfuir. C'est pour ça qu'ils peuvent bien m'attraper et me ramener en Virginie : je m'enfuirai encore, avec mes enfants cette fois. J'ai goûté à la liberté. Et ce goût-là, maintenant, je pourrai jamais plus m'en passer.
Est-il pire de ne pas avoir de principes, ou d'avoir des principes qu'on n'est pas à même de défendre ?
Si ouverts d'esprit soient-ils, les gens avaient tendance à être attirés par leurs semblables.
Le silence prolongé permet de vraiment écouter ce qu'il y a au fond de soi.
Pas de whisky, pas de couleurs, pas de plumes, pas de mensonges… Alors qu'est-ce qui reste ?
- Pas de jurons non plus, ajouta Honor.
Belle éclata de rire.
Honor sourit. "Nous nous qualifions nous-mêmes de "gens étranges", car nous savons bien que c'est l'impression que nous donnons aux autres."
Enfant, elle avait appris que chacun possède en soi une dose de Lumière divine, et si la quantité pouvait varier, chacun devait s'efforcer de faire honneur à cette lumière. Il lui semblait à présent qu'Abigail en possédait une dose infime, et qu'elle ne lui faisait pas honneur.
Elle ne pouvait pas revenir en arrière. Quand Honor Bright avant brusquement annoncé à sa famille qu'elle allait accompagner sa soeur Grace en Amérique_quand elle avait trié ses objets personnels, ne gardant que le nécessaire, quand elle avait fait don de tous ses patchworks, quand elle avait dit au revoir à ses oncles et ses tantes, et embrassé ses cousins et ses cousines
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tous ces gestes, elle les avait effectués en se disant en son for intérieur :
Je pourrai toujours revenir. Sous cette pensée, toutefois était tapi le soupçon que dès que ses pieds auraient quitté le sol anglais, sa vie serait irrévocablement transformée.