Étonnant ce titre, qui laisse place à l'imagination... sont-ce des monstres, ces mangeurs de nuit ? Non, rien que des lucioles canadiennes, plus grosses que les habituelles.
C'est une des histoires et contes naturels qui parsèment ce roman offert dans le cadre du Jury Magasins U/Livre de poche, dont je fais partie cette année.
L'autrice, française, a réussi à me mettre dans l'ambiance "Nature writing", ce style propre aux grands auteurs américains, plein de belles descriptions d'une nature authentique et riche.
On pose les bases :
On va suivre en parallèle Jack, un "creekwalker" qui recense les saumons le long des rivières nord-américaines, et Hannah, descendante d'une japonaise arrivée comme nombre de ses congénères, dans les années 20 au Canada.
Hannah, on le comprend dès le début, va être blessée dans le périmètre de la maison de Jack, par un ours blanc, animal qui n'est pas du tout censé descendre jusqu'en territoire de Colombie-Britannique.
Jack, poussé par le médecin local, va recueillir cette jeune femme chez lui, même s'il n'en a pas du tout envie, étant un grand solitaire, et l'autrice en profite pour nous raconter leur histoire à tous les deux.
Leur histoire personnelle :
On commencera par suivre la maman d'Hannah, Aika, fraîchement arrivée de son Japon natal à 17 ans, et les désillusions permanentes qu'elle va subir tout au long de sa vie, après le premier mariage arrangé et forcé avec Kuma, 45 ans, le père d'Hannah. Cette dernière l'aimera pourtant tendrement, il est un peu poète et lui raconte des histoires régulièrement.
Aika, va subir de plein fouet le racisme ordinaire au quotidien, être envoyée dans des camps où seront parqués tous les Japonais ensemble, devra passer d'un quartier à l'autre en fonction de l'Histoire avec un grand H, une histoire difficile et lourde. Trop, pour une jeune femme, d'hier, comme d'aujourd'hui.
Jack, lui, qui fait partie d'une famille recomposée, se sent responsable de la mort probable de son demi-frère Mark, "propulsé" au combat pendant la Seconde Guerre mondiale.
Ce dernier, né d'une mère d'origine autochtone, a été envoyé de force à l'école, pendant des années, et donc éloigné de sa famille, par un gouvernement qui voulait abolir toutes les différences.
Et puis il y a Eugène et Larry, les frères Davis, à l'enfance violente et difficile, qui vont se mettre régulièrement sur la route de Jack et d'Hannah.
On fait en lisant, des allers-retours entre l'histoire des parents de Hannah, son histoire actuelle en 1956, et la décennie précédente, où elle a fait connaissance de Jack.
L'histoire avec un grand H :
Je ne connaissais absolument pas l'histoire des immigrés japonais au Canada,
Marie Charrel m'a tout appris !
Comment ces hommes travaillant dur et ne trouvant pas de femmes de leur nationalité, les faisaient venir du Japon en leur mentant sur leur âge et leurs conditions de vie, comment ces "picture brides" (fiancées sur photos), déchantaient alors, arrivées en terre étrangère.
Comment ces japonais, les Issei, étaient ostracisés à cette époque-là (il y avait déjà des émeutes anti-japonais en 1907 !), comment leurs descendants, les Nisei, qui se sentaient pourtant canadiens, ont peiné à trouvé leur place. Je me rends compte que partout dans le monde c'est la même histoire...
Pourquoi je n'ai pas mis un coup de coeur, alors que j'ai passé un bon moment ?
Je crois être passée un peu à côté des contes qui émaillent l'histoire, et précisément comment ils influent sur la vie des personnages. Je suis trop cartésienne, ça me perdra ! 😉
Et je pense que j'en ai voulu tout au long du roman à Aika, de ne pas avoir aimé sa fille :
"Chaque fois qu'elle posera les yeux sur sa fille, Aika sera submergée par la honte".
Et puis faisant partie d'un jury, il faut bien "comparer" les livres, on ne peut pas tous les aimer avec la même force.
En honneur à tous les déracinés, j'ai choisi de prendre la photo de mon livre devant la maison des relations internationales de Montpellier.