La vérité ou le néant

Disons-le tout de suite, il n’a pas eu de bon temps parmi nous [Leonardo Castellani]. Parcourir sa biographie suffit à dissuader de suivre une pareille voie. Selon certains de ses contemporains - à commencer par se frères en religion qui aspiraient de plus en plus au vil honneur d’être les témoins de leur siècle -, il fallait l’enfermer. C’est qu’il ne rendait témoignage qu’à la Vérité. Il sut très tôt à quel martyre le vouait ce témoignage. Encore jeune, avec l’humour qui le caractérisait déjà, il demanda qu’on inscrive sur sa tombe :
Ci-Gît qui aima la vérité
Comme un enfant et comme une mule
Bien sûr, ce n’était ni César ni Crésus
Et on lui donna promptement
Permission d’être défunt.
Prologue : Erick Audouard

Saint Thomas ne fut pas seulement un philosophe ; il fut un grand philosophe, ce qui signifie qu’il était au-dessus de sa propre philosophie. Il ne fut pas un solitaire comme Kant, ni un professeur de chaire universitaire comme Suárez, ni un réformateur vagabond comme Descartes, ni un dilettante de génie comme Leibniz, mais une sorte d’athlète intellectuel, membre d’un ordre naissant, impliqué dans le cœur vivant de la vie religieuse, politique et sociale (réalités qui n’en faisaient « « qu’une » », à l’époque) d’un des siècles les plus bouillonnants qui aient été : en dépit des apparences, son chef-d’œuvre ne contient rien d’académique, rien qui s’apparente à la pure technicité et au « virtuosisme », rien qui fasse penser à la superfluité et aux abîmes d’ignorance que crut voir, à travers sa propre superfluidité et sa propre ignorance, le pauvre Hyppolyte Taine.

Chacun a un rôle à jouer dans la vérité chrétienne. Prions pour qu’Apôtres et Chevaliers se rencontrent, car alors nous verrons des merveilles sur la Terre.

C’est pourquoi je ne saurais être communiste, ni « communiste chrétien », pas plus que je ne puis abandonner cette vieille soutane défraîchie. Si je laissais tomber l’idéal catholique, je suis ainsi fait et je ne pourrais me contenter de devenir protestant ; je devrai prendre sur-le-champ ma carte au Parti. Or l’athéisme est le fond du communisme ; et pour finir, s’y trouve aussi la racine de toute idolâtrie. Le communisme voue un culte à la Technique, il adore la Science, il adore l’État et la Tour de Babel. Il aspire à réparer le monde en comptant sur les seules forces humaines. Il veut ressusciter le monde à coups de recettes magiques ! « Maudit soit l’homme qui se confie dans l’homme », avertit Jérémie dans l’Écriture. L’idéal communiste est l’utopie de la confiance absolue en l’Homme pour racheter l’Homme. Le communisme attend un nouveau Messie, et c’est très certainement ce qui lui arrivera : Un Messie naîtra en son sein, qui sera porté tout en haut de la Tour de Babel par la Technique, la Science et l’État – avant d’en tomber.

Le monde moderne a trop exalté l’homme et il l’a trop déprimé ; il l’a flatté et calomnié, et vice versa. Contre l’Église qui dit : « Tu es poussière », le monde moderne dit : « Tu es un demi-dieu », puis il ajoute : « tu es une pourriture. » Le monde ment, et les menteurs sont toujours contraints de corriger leur mensonge par un plus gros mensonge encore. Le siècle de la philosophie du surhomme est le siècle du pessimisme. Le siècle du confort et des plaisirs est le siècle du bolchevisme et de la pauvreté industrielle. Le siècle des grandes découvertes scientifiques est le siècle des grandes misères morales. Le siècle pacifiste est le siècle de la Grande Guerre. Le siècle des Lumières est le siècle de l’ignorance religieuse.

Le Parodique est l’imitation du Sérieux ; son efficacité dans l’art de la comédie est d’autant plus grande qu’il parait semblable au Sérieux, sans l’être. Il diffère du Comique, comme il diffère du faux, bien qu’il participe de ces deux catégories.

C’est en baisant les pieds des lépreux que les reines du Moyen-Âge se faisaient pardonner le faste et la joie d’une époque peut-être plus heureuse que la nôtre – une époque qui avait des reines saintes au lieu de « stars » de cinéma. Désormais les lépreux doivent se contenter d’autographes. Rita Hayworth a visité la léproserie de Barcelone. Les quotidiens ont rapporté une anecdote : la Rita (la Gilda) aurait parcouru le lazaret accompagnée d’une jeune religieuse, plutôt mignonne, qui officiait dans ces lieux. En sortant, l’actrice se tourna vers elle et lui dit :
- Ma sœur, je ne ferais pas ce que vous faites ici pour un million de dollars.
Et la petite Espagnole lui répondit très sereinement :
- Moi non plus.