En fait, ce ne sont pas les murs qui nous enferment, mais notre pensée.
Tu sais, parfois, dans la solitude, l'esprit crée ce qu'il ne perçoit pas.
Écrire est un moyen de retrouver l'accès à la liberté en séparant ce qui formait pour moi une pelote de sentiments et de ressentis corporels confus.
L'intensité amoureuse fait naître l'imagination de la solitude.
Respirer, humer est un acte révolutionnaire. Il suffit de flairer la société pour savoir qu’un changement radical s’annonce. A. imagine l’odeur de la liberté aussi prenante que celle de la folie. Le nez détecteur de névroses. L’odeur de la peur, celle de l’angoisse, celle de la prétention, celle de la superficialité. Le nez renseigne avec une précision redoutable. Il flaire le cœur et son absence, le courage et la lâcheté, l’intrépidité. Le nez pense moins que les autres sens, il est l’artiste de la perception directe. Marcher sur le tronc d’un arbre tombé sur la rivière, jouer avec le vent, rester en équilibre, bras ouverts, sentir l’espace complice, recueillir les informations des fluides et de l’oreille interne, se savoir dans l’espace, dans la légèreté, la lenteur, tout le corps à l’écoute, le corps oiseau.
La lecture active en lui des zones secrètes, fait frémir ses organes, hérisser ses poils, provoque des dilatations et des ouvertures. Son corps devient écriture dans une jouissance extrême.
« - Tu n’es plus le même depuis deux jours, tu es comme dans ta peinture, tu flottes, tu voles, tu nages dans le bleu. Que se passe-t-il ?
- Je me sens libre. Plus rien ne peut me retenir.
En fait, ce ne sont pas les murs qui nous enferment, mais notre pensée.
- Tu me caches quelque chose…
- Non, tout est là, dans ma peinture. J’ai lu cette phrase dans Lourdes, lentes… d’André Hardellet, elle m’a beaucoup inspiré : « Presque chaque soir, vers neuf heures, je prends un bouquin et m’allonge sur mon lit. Souvent j’abandonne vite ma lecture ; commence alors l’étendue d’immobilité et de silence apparents où je découvre ma totale liberté. »
Le monde est un immense asile psychiatrique où chacun se croit normal.
Mes camarades se précipitent sur la nourriture, la saccagent plus qu’ils ne la consomment. Je n’ai pas cette frénésie-là. Je laisse venir les aliments. Chacun à son rythme. J’observe les couleurs, les textures. Le lissé, les velours, les creux, les vallées, les anfractuosités. C’est sans doute ce qui me fait préférer les fruits. L’aventure est plus profonde, jusqu’au cœur vertigineux. Le paysage raviné d’un noyau de pêche, sa noirceur et sa lave. Les fruits qui en sont dépourvus ont une structure plus flasque, comme la chair des boulimiques. Dureté au centre. Opposition des couleurs. Il faut mériter son noyau. Travail du corps. Les yeux fermés, je laisse danser la lenteur avec une perception toujours plus subtile de mes membres, de leur position dans l’espace, du relâchement des muscles, du contact du vent sur ma peau nue.
Naître n'est pas un mouvement anodin puisqu'il implique la mort.