Ouvrage d'une grande densité spirituelle, l'auteur, en se basant sur les travaux de scientifiques "grands publics" (donc bénéficiant d'un crédit intellectuel et d'une licence morale), tels Heisenberg - qui a "déclenché l'incendie" fomentant cette oeuvre, et a même tenu des discussions avec notre écrivain -, Bohr, Bohm, Chew, ... nous sommes amenés à contempler une réalité radicalement différente de celle à la quelle nous sommes habitués, puisque enfermés dans le "réel" et sa dualité (rapport sujet-objet) : postulé par la théorie des quantas, et contrairement à "l'atomisme" antique d'un Démocrite ou Leucippe, nous n'avons pas de "briques fondamentales", des entités réelles infinitésimales indivisibles qui auraient leur existence "par elles-mêmes" ; plutôt, non seulement l'idée d'un "infini petit" est élusive (et de fait de divisibilité perpétuelle, car nous parlons termes d'énergie), mais ces "entités" (pléthore de particules subatomiques) n'existent pas "par elles-mêmes" (comme
Leibniz - malgré quelques bonnes idées - l'admettait), mais n'ont de "existence" - qui n'en est pas une ! - que dans leur interaction avec leur environnement intégral ; elles n'existent que comme support de rapports organiques dans "le Grand Tout" (ou champ quantique, en moins poétique), la corrélation du microsome et macrocosme dont parlent les mystiques d'Orient (hindouisme ou bouddhisme - surtout son école mahayana), et c'est justement le but de l'ouvrage : montrer que nos conceptions physiques modernes, "intellectuelles", coïncident avec les dits, "intuitifs", des grands maîtres d'Orient.
Pour eux, la "réalité" n'est pas : le cosmos est une expansive étoffe où des tissus s'entrelacent, avec une grande complexité (comme la "double nature" de la lumière particulaire-ondulatoire), mais n'ont leur existence que dans leur relation, et non pas dans leur ipséité, et l'existence (...qui n'en est pas une !) est un Océan causal où la vie et mort ne sont que des bulles (pour reprendre Adi Shankara), et donc puisque tout est élusif (le "feu" d'
Héraclite ou samsara bouddhique), rien ne peut "être" au sens ontologique, puisque chaque "étant" est une manifestation temporaire et frivole du Grand Tout (ou l'Âme universelle des néo-platoniciens, Prakriti des hindous, ...) même si notre ignorance (la dualité) peint ces ombres et en fait des étants, "réels" - cela bouscule notre vision du monde, non seulement dans notre connexion aux autres formes de vie (à la fin du livre, l'auteur confesse que cela produit une "écologie" ou même une nouvelle psychologie, dans une tradition jungienne), mais change aussi, radicalement, nos rapports mêmes "métaphysiques", comme celui à l'espace-temps (continuum quadridimensionnel relatif, comme l'impose la théorie de la relativité, et non pas un espace cloitré dans la tridimensionnalité euclidienne, avec un temps divorcé, tous deux "absolus", comme l'aurait voulu la mécanique classique newtonienne).
Il est à préciser que l'auteur met en osmose les théories modernes de la physique avec quelques écoles orientales, comme l'hindouisme, le bouddhisme (mahayana et zen) ou encore le taôisme, mais que cela ne se limite pas ici : il cite
Ibn Arabi (sa wahdat al wujud n'est rien d'autre que ce "monisme existentiel"), mais on pourrait ajouter des traditions de l'Occident, comme le néo-platonisme, la mystique rhénane et, dans un sens "décapité", les théories philosophiques d'un Berkeley ou d'un Hume, qui avaient "les bons outils", mais la mauvaise recette (ils sont arrivés aux bonnes conclusions, mais n'ont pas "mesuré" les implications spirituelles - et théorétiques - de leur changement de paradigme).
Leibniz aussi s'est rapproché de théories bouddhiques (huayan), mais sa "monade", même si c'est un concert de reflets interconnectés, est restée une "substance" (donc avec un degré ontologique que l'Orient ne lui accorde pas)... il n'est pas besoin de préciser que Hume connaissait probablement le bouddhisme par l'intermédiaire des travaux du missionnaire jésuite italien, Ippolito Desideri, qui, en Occident, inaugura l'étude du Tibet (et son école vajrayana), et que
Leibniz a été le premier penseur occidental majeur a abordé aussi explicitement les philosophies de Chine, et que sa "monade" est une incompréhension de théories bouddhiques, comme suggéré par certains.
Là où ces penseurs occidentaux ont quelques fois amené un "scepticisme" (pour dire comme ils étaient loin!), l'Orient propose plutôt des voies de libération (moksha, nirvana, satori, ...) ou d'union avec l'Intellect - "monter sur la barque de Râ, dépasser la douât (enfer) d'Osiris", aurait dit un sage de l'Égypte antique, le Soleil étant symbole de l'Intellect et les eaux osiriennes la matière "infernale" où ne pas sombrer en déchirant "le voile d'Isis" -, et ainsi l'accompli voit tous les degrés de la manifestation des étants dans son Unicité sous-jacente, ne prend pas les rayons fragmentés du Soleil sur un lac pour le Soleil lui-même, ne confond pas "la carte et le territoire", pour reprendre une allégorie sémantique prisée par l'auteur.