" Ô récompense après une pensée
Qu'un long regard sur le calme des dieux !" (P. Valéry,
le Cimetière marin)
D'une lecture plus exigeante que
L'Envers et l'Endroit,
Noces rassemble quatre méditations poétiques, les vanités érémitiques d'un écrivain naissant qui déchiffre "l'écriture du monde".
Dans le couvent de franciscains, à Fiesole, Camus note que les petites tables des moines étaient "garnies d'une tête de mort" : "Florence à leurs fenêtres et la mort sur leurs tables." Frêle épitome de ce recueil qui mêle les arômes sensuels d'une terre recuite aux effluves musqués du temps qui fuit.
Le premier essai,
Noces à Tipasa, s'offre comme les dures grenades entr'ouvertes de
Paul Valéry et "crève en gemmes rouges de jus". Charnel -j'allais oser orgiaque- le texte marche "à la rencontre du désir et de l'amour" et étale "l'heureuse lassitude d'un jour de
noces avec le monde". D'une beauté bouleversante, cette ode à l'hédonisme s'élève comme une prière païenne confiée à la triade adorée : terre, mer et soleil.
Le Vent à Djémila, plus austère, se rapproche du recueillement : derrière la siccité des ruines de la cité romaine, la mort est à l'oeuvre. "De la mort et des couleurs, nous ne savons pas discuter" prévient le philosophe. Contempler sa fin lucidement c'est "diminuer la distance qui nous sépare du monde", il s'agit donc de jouir sans entraves.
Dans L'Été à Alger, les corps exultent ; chaque heure arrachée au temps est glorieuse, on prend "le droit d'aimer sans mesure". Camus chante l'homme nu, la vie sans résignation avant la bascule de l'été et trouve, ici encore, les accents de l'aède.
Enfin le chantre, dans l'astringent le Désert qui couronne le recueil, nous rappelle combien l'art complète la nature. Il s'y emploie avec moins de grâce mais "toute vérité porte en elle son amertume"...
"Ce n'est pas si facile de devenir ce qu'on est, de retrouver sa mesure profonde". Ce précieux bréviaire nous y aide. Superbe.
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