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Merveilleux hommage à la beauté du monde et de la vie! Camus a ici la hauteur du Prophète de Gibran, version contemplative. J'ai aussi pensé au "Manusrict de l'éternité d'or" de Jack Kerouac.

Chaque phrase est à boire lentement, comme un nectar dont on se délecte, le sentant divin. Éblouissement de soleil à chaque page, parfums, extase.

Une merveille à lire absolument, avec le soin de prendre une pause dégustation après chaque phrase, les yeux fermés, le coeur et l'âme ouverts. Je ne parle que de "Noces". Les autres nouvelles accolées à la suite, je n'ai pu les lire au complet, tant la marche était basse en comparaison. Je croyais tomber; j'ai eu peur de me briser la nuque. Mais "Noces"? Wow!!!!!
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On rentre dans Noces comme l'on reviendrait vers une terre où l'on se sent chez soi.

« Sentir ses liens avec une terre, son amour pour quelques hommes, savoir qu'il est toujours un lieu où le coeur trouvera son accord, voici beaucoup déjà de certitudes pour une seule vie d'homme. »

Pour Camus, l'Algérie, ce sont les siens. Les algérois, il les appelle ses frères. C'est ici qu'il se « rapatrie », selon l'expression consacrée dans L'Envers et l'Endroit, son recueil de nouvelles qui s'inscrit, avec Noces, dans ce duo des écrits algériens publiés avant que Camus n'arrive en France. Oeuvre de jeunesse, donc, mais déjà tellement brillante, singulière et intime.
Noces est une célébration d'une très grande beauté.

Ces essais où se mêlent délicieusement une philosophie et une poétique tout à fait sublimes se trouvent au seuil de la grande oeuvre protéiforme de l'auteur, et l'éclairent profondément. C'est une sorte de préambule, auquel il faudrait toujours revenir, pour ne pas oublier que c'est ici, en Algérie, sous le soleil brûlant, que les fleurs entrent dans les ruines, que la nature rejoint l'histoire, que l'homme retrouve ce qu'il est.

Qu'est-ce que le rapatriement sinon, certes, un retour à la terre natale, mais également un retour de l'homme à sa condition d'homme et à sa nature profonde? C'est un métier que d'être un homme et il faut apprendre lentement cette « science de vivre » qui consiste à ne pas se résigner, c'est-à-dire vivre, et aimer. Et ce devoir, qui prend une importance capitale pour le jeune artiste, lui apparaît là, dans cette communion du ciel et de la mer. C'est là que commence sa philosophie. Il est encore jeune.

Ce que nous dit Camus, dans Noces, mais également dans L'Envers et l'Endroit, c'est que la mort arrête la vie, tout simplement, et arrête par conséquent la jouissance. Elle est donc intolérable et il en va de notre devoir de ne pas l'accepter. Mais Camus, dans une grande lucidité, apprend à refuser la mort tout en ne la dissociant pas de la vie. C'est le balancement entre le oui et le non, entre le consentement et le refus. Qui refuse de mourir consent à vivre, qui consent à mourir renonce à vivre. Il faudrait pourtant consentir à mourir, puisque la mort est présente. Dans ces cimetières en bord de mer, dans la nuit qui tombe, dans la jeunesse qui s'échappe, dans les fleurs qui envahissent les ruines… Les choses tombent. La mort est dans ce qui est beau et dans ce qu'il faut, par devoir, célébrer allégrement. Impossible d'accepter la mort, Camus la refuse.

« Peu de gens comprennent qu'il y a un refus qui n'a rien de commun avec le renoncement. Que signifient ici les mots d'avenir, de mieux-être, de situation ? Que signifie le progrès du coeur ? Si je refuse obstinément tous les plus tard du monde, c'est qu'il s'agit aussi bien de ne pas renoncer à ma richesse présente. Il ne me plaît pas de croire que la mort ouvre sur une autre vie. Elle est pour moi une porte fermée. Je ne dis pas que c'est un pas qu'il faut franchir : mais c'est une aventure horrible et sale. Tout ce qu'on me propose s'efforce de décharger l'homme du poids de sa propre vie. Et devant le vol lourd des grands oiseaux dans le ciel de Djémila, c'est justement un certain poids de vie que je réclame et que j'obtiens. Être entier dans cette passion passive et le reste ne m'appartient plus. J'ai trop de jeunesse en moi pour pouvoir parler de la mort. Mais il me semble que si je le devais, c'est ici que je trouverais le mot exact qui dirait, entre l'horreur et le silence, la certitude consciente d'une mort sans espoir. »

La beauté n'est pas, sans le désespoir. Camus veut la beauté et le désespoir qui l'accompagne. Espérer serait tricher, ou se cacher. Il ne croit pas en Dieu, il ne veut pas de paradis. Il ne veut pas qu'on lui mente. Amoindrir l'horreur de la mort c'est amoindrir ce qu'il appelle « le poids de la vie », qui est selon moi l'intensité que nous offre la vie, que nous nous devons d'incarner. de vivre par notre chair, au présent. Dans une vérité du corps.

« L'immortalité de l'âme, il est vrai, préoccupe beaucoup de bons esprits. Mais c'est qu'ils refusent, avant d'en avoir épuisé la sève, la seule vérité qui leur soit donnée et qui est le corps. Car le corps ne leur pose pas de problèmes ou, du moins, ils connaissent l'unique solution qu'il propose : c'est une vérité qui doit pourrir et qui revêt par là une amertume et une noblesse qu'ils n'osent pas regarder en face. »

Pourquoi lire Noces, alors que de Camus, ce sont plutôt L'Etranger, La Peste ou La Chute qui viennent à l'esprit des lecteurs et qui suscitent (à fort juste titre) un grand intérêt ? Camus s'interroge sans cesse sur le bénéfice du retour.

« Mais être pur c'est retrouver cette patrie de l'âme où devient sensible la parenté du monde, où les coups de sang rejoignent les pulsations violentes du soleil de deux heures. Il est bien connu que la patrie se reconnaît toujours au moment de la perdre. Pour ceux qui sont trop tourmentés d'eux-mêmes, le pays natal est celui qui les nie. Je ne voudrais pas être brutal ni paraître exagéré. Mais ce qui me nie dans cette vie, c'est d'abord ce qui me tue. Tout ce qui exalte la vie, accroît en même temps son absurdité. »

Il dit lui-même, dans une grande humilité, que depuis L'Envers et l'Endroit, il a beaucoup marché, mais peu avancé. Les écrits algériens sont ainsi une sorte de point de repère.

Ce qui est certain, c'est que l'artiste ne supporterait pas qu'on le nomme « Philosophe de l'absurde », il s'en explique très bien, et non sans ironie, dans ce joli essai qu'est L'énigme. « Nommer c'est perdre ». Et quelle perte sèche de ne voir en Camus qu'un penseur d'absurde, ou pire encore, un homme absurde… Sans oublier que par absurde, la majorité entend : « désespéré ». Camus rétorquerait : « Une littérature désespérée est une contradiction dans les termes ».

Il n'est peut-être pas désespéré, mais il ne porte pas l'espoir dans son coeur.

« de la boîte de Pandore où grouillaient les mots de l'humanité, les Grecs firent sortir l'espoir après tous les autres, comme le plus terrible de tous. Je ne connais pas de symbole plus émouvant. Car l'espoir, au contraire de ce qu'on croit, équivaut à la résignation. Et vivre, c'est ne pas résigner. »

A la lecture de Noces : interroger sans cesse les mots les plus simples (refus, résignation, espoir, désespoir), toujours questionner un sens fuyant, être nuancée sans être mesurée. Balancer. Ne pas oublier la place du corps, du soleil et de la mer, et, dans un retour à notre condition d'homme, dont il faut s'enorgueillir, essayer de vivre au mieux, d'aimer, de jouir. Dans cette force de vie, se révolter et combattre ce qui écrase l'homme. Voici une bien jolie porte d'entrée à la pensée de Camus, dont, je crois, il faut vraiment se saisir.

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Composé de plusieurs récits, cet ouvrage est une suite de réflexions produites à des époques différentes. en effet on y trouve des écrits de jeunesse et d'autres quasi contemporains avec sa disparition.

C'est une lecture difficile, où l'accroche n'est pas évidente. Même si les textes sont courts, ils sont toujours exigeants.

Camus évoque "son" Algérie, sa terre, sa lumière, ses paysages, ses gens. Mais pas uniquement, on navigue également vers Florence. Au détour d'un texte on entre également dans le métier d'écrivain.

On sent bien la chaleur, la moiteur de l'été, les corps tannés et tendus de la jeunesse. On sent bien une époque pleine d'envie et dont le tragique ne rime pas avec la tristesse et où l'homme cherche à faire corps avec le monde qui l'entoure.
Lien : http://animallecteur.canalbl..
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Une oeuvre de jeunesse qui révèle déjà tout le talent du grand Camus.Ce qui est particulièrement intéressant dans ce magnifique recueil,c'est qu'on y trouve des moments de pure poésie(genre que Camus n'a pas pratiqué)et quel talent en la matière!Ses Noces avec Tipasa,sa terre natale,sa terre-mère,sont solaires,absolues,méditerranéennes;à la manière d'un Prométhée qui refuse l'Olympe pour épouser l'Humanité.Cet intense moment de bonheur,de plénitude,est à la source de sa pensée de Midi et en lisant ces mots on ressent physiquement cette félicité.Jeune Camus certes mais grand écrivain déjà.
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Une écriture dense où la plus grande poésie côtoie de profondes réflexions philosophiques parfois difficiles à appréhender.

Avec beaucoup de puissance méditative et de sens lyrique, Camus évoque les liens qui l'unissent par le chair, le coeur et l'esprit à quelques lieux de son Algérie natale et à l'Italie des peintres toscans pour le texte ultime « desert ».
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Noces, suivi de L'Été est un recueil de courts récits, ou plutôt devrais-je dire, un recueil de réflexions de l'auteur, à plusieurs époques de sa vie. Mais qui dit courts, ne dis pas moins exigeants. Les phrases sont belles, et l'impression générale de cette oeuvre est agréable. Mais elle demande de l'attention. Des textes qui sentent l'Algérie, sa lumière, ses odeurs, ses paysages. Il nous parle également du métier d'écrivain. Bref, autant de sujets qui lui sont chers. Des beaux écrits.
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« Réimprimés aujourd'hui [1945], ces premiers essais ont été écrits en 1936 et 1937 puis édités à petit nombre d'exemplaires en 1938, à Alger. Cette nouvelle édition les reproduit sans modifications, bien que leur auteur n'ait pas cessé de les considérer comme des essais, au sens exact et limité du terme » (NdE).
Il faut donc comprendre le mot « essai » comme « tentative littéraire » plutôt que comme « dissertation sur un sujet particulier ». En fait, le terme de « confidence » ou de « souvenir » conviendrait tout autant, tant l'empreinte autobiographique et personnelle imprègne ces récits : et si le philosophe ne peut s'empêcher d'extrapoler à partir du moment présent en considérations pertinentes sur la condition humaine, ou sur le bonheur – à la fois destination et chemin – il n'en reste pas moins que ces « Noces » sont celles de Camus avec sa terre natale.
« Noces à Tipasa » : ici, point de mariage, pas de cortège nuptial, la célébration est celle de l'auteur avec une terre, la sienne. L'essai, ici, prend la forme d'un poème en prose où domine la couleur : Camus ne décrit pas une carte postale – ce serait si facile – il nous plonge dans une orgie de couleurs : « Nous arrivons par le village qui s'ouvre déjà sur la baie. Nous entrons dans un monde jaune et bleu où nous accueille le soupir odorant et âcre de la terre d'été en Algérie. Partout des bougainvillées rosat dépassent les murs des villas ; dans les jardins, des hibiscus au rouge encore pâle, une profusion de roses thé épaisses comme de la crème et de délicates bordures de longs iris bleus » … « Noces à Tipasa » est une fête des sens. Et donc un appel à la vie : « il me suffit de vivre de tout mon corps, et de témoigner de tout mon coeur. Vivre Tipasa, témoigner, et l'oeuvre d'art viendra ensuite. Il y a là une liberté ». Les noces sont aussi celles de la terre et de la mer, de la terre et du ciel, du ciel et de la mer… les noces de Tipasa avec l'univers.
« le vent à Djemila » : le vent donne une autre dimension au décor : « Mais le vent souffle sur le plateau de Djemila. Dans cette grande confusion du vent et du soleil qui mêle aux ruines la lumière, quelque chose se forge qui donne à l'homme la mesure de son identité avec la solitude et le silence de la ville morte ». C'est le mouvement, la vie, et le sentiment de l'existence : « Oui, je suis présent. Et ce qui me frappe, à ce moment, c'est que je ne peux aller plus loin. Comme un homme emprisonné à perpétuité ». Et « pour un homme, prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre ». (Vous avez dit « absurde » ?)
« l'été à Alger » : encore une déclaration d'amour à son pays : « Ce pays est sans leçons. Il ne promet ni ne fait entrevoir : il se contente de donner, mais à profusion. Il est tout entier livré aux yeux et on le connaît dès l'instant où l'on en jouit ». le thème des « Noces » revient au galop : « L'Unité s'exprime ici en termes de soleil et de mer. Elle est sensible au coeur par un certain goût de chair qui fait son amertume et sa grandeur ». Il faut donc vivre, vivre intensément, parce que « vivre, c'est ne pas se résigner ». (Vous avez dit « révolte ?)
« le désert » : le titre peut prêter à confusion. Rien à voir ici avec l'Algérie. Camus est en Toscane où il visite Pise, Florence, Fiesole avec deux amies. Il est ébloui par la peinture italienne : « il s'agit bien vraiment de pittoresque, d'épisode, de nuances ou d'être ému. Il s'agit bien de poésie. Ce qui compte, c'est la vérité. Et j'appelle vérité tout ce qui continue ». L'art serait donc vérité ? « Mais on comprend aussi que par vérité je veux seulement consacrer une poésie plus haute : la flamme noire que de Cimabue à [Piero della] Francesca les peintres italiens ont élevée parmi les paysages toscans comme la protestation lucide de l'homme jeté sur une terre dont la splendeur et la lumière lui parlent sans relâche d'un Dieu qui n'existe pas ». Mais, alors, le désert ? Camus nous le livre dans les dernières lignes : « La terre ! Dans ce grand temple déserté par les dieux, toutes mes idoles ont des pieds d'argile ».
Quatre très beaux textes qui donnent de Camus une autre image : à celle du philosophe et du romancier vient s'ajouter celle d'un homme de chair et de sang qui goûte pleinement de la vie, avec sensualité et amour, et aussi celle, plus inattendue, d'un poète qui sait voir au-delà des beautés de la nature.

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Un vrai bonheur de lire ces essais. L'écriture est magnifique. Les premières pages "Noces" sont pleines de poésie, d'amour de la nature, du soleil et de la mer. On respire les odeurs, on sent le vent brûlant, on admire la végétation, les ruines, les pierres. Tout cela nous parle. Nous ressentons toute l'Algérie chère à Camus. Un enchantement.
Les textes de "l'été" sont plus variés, plus philosophiques mais toujours pleins de sensibilité.
Ce fut un voyage magique, mélancolique
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Ce livre est une déclaration d'amour à l'Algérie, un retour aux origines pour Albert Camus. Ce n'est pas un roman, mais plutôt une poésie en prose, des réflexions de l'auteur, son ressenti.
De magnifiques phrases qui donnent envie de découvrir ce pays.
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Un texte de toute beauté, que l'on parcourt en étant bercé par le chant des mots. Camus s'émerveille face à la nature, se laisse transporter dans une douce mélancolie, s'interroge sur la place de l'homme dans la dimension étirée du temps. Ses descriptions de l'Algérie sont drôles, profondes aussi. Ce livre est comme un soleil triste, caché par les nuages.
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