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EAN : 9782710389613
272 pages
La Table ronde (02/05/2019)
3.7/5   23 notes
Résumé :
Le 1er mai 1947, Evelyn McHale monte à la terrasse panoramique du 86e étage de l’Empire State Building, saute dans le vide et s’écrase sur le toit d’une limousine. Quelques minutes plus tard, Robert Wiles, étudiant en photographie, immortalise son corps, miraculeusement intact, la disposition harmonieuse de son cadavre épousant parfaitement le linceul de métal. Si le cliché du «plus beau suicide», l’une des images les plus célèbres publiées par le magazine Life, a i... >Voir plus
Que lire après Je ne ferai une bonne épouse pour personneVoir plus
Critiques, Analyses et Avis (10) Voir plus Ajouter une critique
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« Saisir la langue à pleines mains, fermement. »
Dès la première ligne, tu sais que cela ne va pas être un énième roman sur les états d'âme dits féminins, mais que tu vas découvrir une auteure singulière à l'univers fort qui n'hésite pas à démarrer avec une scène incroyablement incisive et dérangeante, à la Joyce Carol Oates : une housewife cuisine avec dégoût une langue de boeuf pour se conformer à ce qu'on attend d'elle, être un cordon bleu, meilleure que ses voisines.

Nadia Busato a eu l'idée de ce roman en découvrant une photographie de Robert Wiles datant de 1947 : le corps d'Evelyn McHale qui s'est jetée du 86ème étage de l'Empire State Building. «  le plus beau des suicides » avait titré Life magazine qui l'avait choisie pour sa Une. Il faut dire que cette photographie a de quoi fasciné, au point de devenir de faire d'Evelyn une icône pop célébrée par Bowie et Warhol : un visage surprenant de beauté intacte, comme endormie dans un berceau de tôle, presque souriante, trois doigts autour de son collier de perles, les jambes élégamment croisées. Comme si elle allait les ouvrir les yeux à tout moment. Sauf qu'elle est morte

« Je veux que personne ne voie mon corps, pas même ma famille. Faites-le incinérer, détruisez-le. Je vous en supplie : pas de cérémonie, pas de tombe. Mon fiancé m'a demandé de l'épouser en juin prochain. Je pense que je ne ferai une bonne épouse pour personne. Il se portera bien mieux sans moi. Dites à mon père que je ressemble trop à la mère. »

A partir de ce mot laissé par Evelyn avant de se donner la mort et de cette obsédante photographie, l'auteure a construit un roman magnétique entre biographie et fiction, entre vérité et liberté artistique. Pour reconstruire la vie d'Evelyn telle qu'elle l'a sentie, elle s'est attelée au préalable à un travail de recherche poussée.
Elle nous fait découvrir son Evelyn à travers la voix de plusieurs personnages : sa mère, son fiancée, une copine, le photographe ... comme un thriller dans lequel chaque chapitre nous apprendrait un peu plus sur Evelyn, chaque pièce s'assemblant à la suivante.

Et à l'arrivée, on se moque complètement de savoir si c'est réellement ainsi que les choses se sont déroulées tant toute la reconstruction littéraire est véridique et cohérente, dans le respect de la femme qu'a été Evelyn, quelle qu'elle fut. Nadia Busato lui a donné une voix comme à une amie.

Au final, c'est un magnifique portrait de femme, intellectuellement très poussé dans la réflexion, à l'écriture très travaillée et pourtant où affleure une émotion dingue. Un tableau fort de la condition féminine dans les années 40 où il n'est pas si simple d'être une femme lorsqu'on aspire à la liberté, à l'émancipation hors de la famille et du mariage. Qu'on essaie de s'y conformer mais qu'on sent que ça craque, que ça déchire l'âme au point de se dire que ces tremblements de l'âme vous confinent en périphérie de la vie, dans la solitude.
Coup de coeur !
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Une femme saute du 86ème étage de l'Empire State Building à New York ce matin du 1er Mai 1947 et s'écrase sur le toit d'une Cadillac stationnée dans la rue. Elle s'appelait Evelyn McHale, elle avait 23 ans. Son corps est pratiquement intact. La photo de couverture du livre est la photo prise par un jeune photographe Robert Wiles dont ce sera le seul cliché publié dans Life Magazine.

Comprendre ce qui a poussé Evelyn McHale à ce geste, elle qui n'a laissé qu'un court billet avant de sauter destiné à son fiancé, Barry Rhodes, qu'elle devait épousé deux mois plus tard :

« Je ne veux que personne ne voie mon corps, pas même ma famille. Faites-le incinérer, détruisez-le. Je vous en supplie : pas de cérémonie, pas de tombe. Mon fiancé m'a demandé de l'épouser en juin prochain. Je pense que je ne fera une bonne épouse pour personne. Il se portera bien mieux sans moi. Dites à mon père que je ressemble trop à ma mère. »

Aucune autre explication, « justification » de son acte.

A partir de quelques informations existantes Nadia Busato, à la manière d'une enquêtrice, va imaginer qui était cette jeune femme, ce qui l'a amenée à ce geste, en donnant la parole à tous ceux qui ont approché vivante ou morte Evelyn McHale pour tenter d'en dresser le portrait et de laisser les lecteurs en tirer des conclusions.

Nous ne connaissons rien d'elle mais cette photo saisissante de son visage intact avec seulement quelques effets vestimentaires déplacés, la main gauche tenant son collier de perles va marquer, à l'époque, les témoins et lecteurs mais également, aujourd'hui ceux qui liront ce récit.

L'auteure commence par écouter sa mère, dépressive, en 1927, alors qu'elle s'apprête à abandonner ses enfants (7) et son mari. Elle, elle n'a pas sauté mais à préférer fuir. Peut-être une rupture qui a marqué à jamais la petite Evelyn âgée de 3 ans.

Puis elle donne la parole à tous ceux qui ont connu Evelyn : une camarade rencontrée dans une organisation para-militaire, sa soeur aînée, Helen qui a reconnu son corps et exécuté ses dernières volontés, son fiancé Barry mais aussi le premier suicidé de l'Empire State Building, l'agent de police qui se trouvait à régler la circulation près de l'immeuble, les rédacteurs de Life magazine qui décide de mettre à la une cette photo

Nous ne publions pas la mort mais la beauté de ce qui nous effraie et nous fascine. le mystère. C'est ce que nous devons respecter. Tandis que tout le reste continue, que nous laissons les choses arriver. Cette image est un final, un rideau qui se baisse, un générique de fin. (p201)

et enfin à Elvita Adams, dont la tentative de suicide en 1979 dans le même lieu a échoué.

Le dernier chapitre revient à l'intéressée elle-même qui retrace sa dernière journée, avec calme et une sorte de lucidité terrifiante. Elle-même avoue son impuissance à comprendre son geste, mais c'est la seule issue qu'elle entrevoit à sa vie.

La vraie vie ne peut se réduire à quelques paroles rapportées ou écrites, personne n'y arrive jamais. Mais les images, c'est différent. Elles ne sont pas l'histoire, qui peut se permettre d'être indulgente envers elle-même. Ni l'information, qui ne cesse de se contredire. Les images que nous imprimons dans notre mémoire sont les fragments avec lesquels nous étayons nos ruines tout au long de la vie (p160).

Au-delà d'imaginer qui fut Evelyn McLane, Nadia Busato, porte un regard sur l'Amérique d'après-guerre, sur le milieu de la presse, sur les victimes de la crise économique à différentes époques, sur la fascination de ce building qui surplombe New-York, comme surplombaient les tours jumelles du World Trade Center, symboles d'une toute puissance.

Face à cette toute puissance, des hommes et des femmes, parfois fragiles, parfois démunis devant les difficultés de la vie, New-York ville de tous les contrastes : humains, architecturaux, sociétaux. Choisir un tel lieu pour mettre fin à ses jours a-t-il une signification, qu'en penser, s'agit-il de mettre en scène ses derniers instants ? Beaucoup de questions et pas forcément de réponses, mais Nadia Busato tente de démêler les fils et les histoires.

La photo prise par Robert Wiles est le centre du récit car au-delà des personnes présentes qui virent le corps, elle fascina tout le monde. Ce jeune étudiant photographe admirait ces aînés qu'étaient Cartier-Bresson et Robert Capa, et lisait tout ce qu'il pouvait sur eux mais n'aurait jamais imaginé être celui qui serait, non pas sur une scène de guerre, mais présent sur le lieu d'un drame, être celui qui saisirait la mort dans son immédiateté, intacte, presque belle et élégante, être l'auteur d'un cliché qui marquera.

(….) il serrait entre ses doigts, sans s'en rendre compte, le volume qui l'accompagnait partout depuis des semaines. Il l'avait lu en une nuit, avait souligné des passages, copié des phrases qui semblaient s'adresser à lui et à aucun autre lecteur. Il ne suffit pas de lire des mots, il faut les comprendre, les sentir pour de vrai. Ce livre était devenu sa vie. (p165)

Evelyn gardera a jamais son secret et les motifs de son suicide resteront un mystère. le lecteur devient également témoin, enquêteur et tente de se faire sa propre opinion mais faut-il avoir des réponses ? C'est peut-être un enchaînement de faits personnels mais aussi parfois sociétaux qui poussent à mettre fin à ses jours, d'une manière aussi spectaculaire et violente, même si quelques comportements étranges et surprenants pouvaient laisser penser à un déséquilibre, un mal-être.

J'ai beaucoup aimé la construction de ce roman, utilisant une narration à plusieurs voix, passant des proches aux témoins plus ou moins éloignés du drame mais aussi le regard porté sur l'Amérique, sur New-York, pays et ville de tous les rêves mais aussi de tous les excès, de la démesure. A travers un cliché, interroger tous les protagonistes, écouter ce qu'ils ont à dire, leurs explications, leurs versions et ce que cette vision à provoquer en eux. Car il y a les faits mais au-delà de ceux-ci il y a des existences qui resteront à jamais marquées, impactées, bouleversées.

Dès les premières pages on est saisi par la narration, par le mystère qui entoure cette femme et j'ai à maintes reprises regarder la photo, moi aussi saisie par le calme et une sorte de sérénité qu'elle dégage. Ce n'est pas l'image de la mort que l'on peut en avoir et toutes les hypothèses sont possibles.

Cela se lit comme une enquête de police, une étude psychologique et sociétale, comme un regard sur la femme dans la première partie du 20ème siècle, sur sa condition, sur son travail.

Il découvrait, comme dans un jeu de rôle improvisé à l'issue inattendue et cruelle, que Life et Time étaient comme le reste des Etats-Unis : on envoyait des femmes guerrières au front et on leur réservait, à leur retour, une place debout aux fourneaux, derrières des landaus, des bureaux ou des caisses enregistreuses. (p205)

Un roman polyphonique sur un drame de la vie, qui ne donne aucune véritable réponse mais fait un état des lieux de l'époque et à nous d'y voir tous les indices qui ont mené à ce saut vertigineux.

C'est original, bien écrit et construit, cela interroge sur ces gestes ultimes, leurs sens mais aussi sur l'utilisation qui est faite des faits divers dans les médias. Nadia Busato ne porte aucun jugement, elle restitue les faits, imagine les circonstances et nous laisse méditer sur le fait que l'on ne connait souvent jamais la vérité.

La connaissance que l'on a de soi repose sur ce que les autres ignorent de nous. (p34)
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Traduit par Karine Degliame-O'Keeffe

"Je ne veux que personne ne voie mon corps, pas même ma famille. Faites-le incinérer, détruisez-le. Je vous en suplie : pas de cérémonie, pas de tombe. Mon fiancé m'a demandé de l'épouser en juin prochain. Je pense que je ne ferai une bonne épouse pour personne. Il se portera bien mieux sans moi. Dites à mon père que je ressemble trop à ma mère."

C'est à peu près tout ce que l'on sait de la jeune femme que vous voyez sur la photo. Evelyn McHale, 23 ans, se jeta de la terrasse panoramique de l'Empire State Building le 1er mai 1947 pour atterrir sur le toit de la limousine d'un diplomate des Nations Unies. A ce moment-là, se trouvait par hasard un jeune étudiant en photographie : Robert Wiles. Il immortalisa en un cliché qui lui pris 4 minutes, le cadavre d'Evelyn. Cette photo devient la "Picture of the week" du n° 147 du magazine de photos Life du 12 mai 1947. Ce fut l'unique photo publiée de Robert Wiles, dont on ne sait pas grand chose non plus. Pourtant, cette photo "devint iconique au point de donner naissance à une expression chez les photographes de mode, "l'effet Evelyn" pour parler de portraits de femmes dont le maintien et la grâce s'alliaient à une intensité tragique". Quelle incroyable concours de circonstance et quelle incroyable photo de femme. "Les gens. Les gens la regardaient. Vous ne comprenez pas. Regardez la photo. La cheville. La façon dont elle est délicatement posée sur l'autre. La main droite. Trois doigts serrés autour du collier. Comme si elle jouait avec les perles. Elle était morte et nous étions vivants. Sa sérénité nous séparait. Son lit d'acier et d'éclats de verre était tout ce qu'on pouvait désirer. C'était comme avoir du poison dans le sang. (...) Elle n'allait plus jamais rouvrir les yeux. Jamais? Et pourtant tout le monde la regardait comme si elle allait le faire. Il y avait quelque chose d'étrange dans l'air."
Cette photo inspira Andy Wharol (Suicide/Fallen Body) mais aussi David Bowie (Jump they say), pour ne citer qu'eux.

Nadia Busato a décidé d'écrire l'histoire d'Evelyn en un mélange de vérité tirée d'archives diverses et une grande part d'imagination. Elle laisse la parole à plusieurs personnes sur plusieurs époques pour rendre à la fois hommage à la jeune femme mais aussi au plus célèbre building américain, finalement, dont on sent l'omniprésence.
Un roman choral qui laisse la parole entre autres, à la mère d'Evelyn, à sa soeur, à son fiancé, au policier qui fut sur les lieux, à Robert Wiles, à la première personne qui se suicida après l'inauguration de l'Empire State (un commerçant du Queens ruiné par la crise de 1929), mais aussi à une femme noire qui survécut à sa chute vertigineuse en 1979, à trois femmes rédactrices à Life. Mais bien entendu à Evelyn elle-même. Chaque chapitre est précédé d'une explication sur l'identité des personnes que nous croisons.

Je ne connaissais pas cette photo mais je sais qu'elle a attiré mon attention, à moi aussi, comme couverture du roman. Je ne connaissais pas non plus cette auteure italienne dont c'est le premier roman traduit en français mais le deuxième paru. J'aime les photos. Ça m'intriguait. Je me suis lancée à l'aventure sans trop savoir à quoi m'attendre. Eh bien j'ai eu raison !
J'ai adoré tant la prose de Nadia Busato à travers les mots de sa traductrice que le beau portrait de femme qu'il émane de ce livre. Celui d'une femme fragile, pas facile à vivre, prise dans un labyrinthe de solitude mais qui a décidé de rester elle-même, en dehors des carcans que voulaient lui imposer la société. Une femme libre mais seule. On ne saura jamais vraiment ce qui lui est passé par la tête pour se jeter du haut de l'Empire State Building, elle a emporté son secret avec elle, mais ce pourrait être la solitude et le sentiment d'exclusion, un monde dans lequel elle ne trouvait pas sa juste place. "Il est possible de percevoir la partie d'un tout et de se sentir en même temps confiné à sa périphérie. (...) Dans mon cas, la solitude me donnait davantage le sentiment de vivre sur le bord du rivage. (...) Etre ignoré, c'est comme recevoir un coup de poing. Et ignorer les autres, c'est la même chose : on encaisse le contrecoup(...)".
"La solitude est un lieu à part : elle se trouve sur un territoire que seuls quelques-uns réussissent à atteindre et où presque personne ne veut rester. de l'extérieur, on ne la reconnait pas, elle n'a pas de manifestations épidermiques."
"Il faut être fort. Et puis un jour, on rencontre l'amour, il rend encore plus fort, et en même temps il fait mal, très mal, si profondément mal qu'il vous brise de l'intérieur."
"Tu me dégoûtes, toi et ton amour de poudre de riz, de gâteaux tout chauds et d'attente." (réflexion à sa soeur, qui attend le "prince charmant")
"A quoi ça sert d'avoir cinq paires de coeurs si tu ne peux même pas soupirer ?"(réflexion qu'elle fait en observant des vers rouges !)

Ce roman est aussi le portrait de l'Amérique de la Grande Dépression, du New Deal, mais aussi du New York d'après-guerre, avec ce monstre de béton qui ne cesse d'attirer l'attention, dont Evelyn McHale fut la 12e victime.

Nadia Busato sonde d'une plume élégante et documentée la vie d'une inconnue devenue iconique, "la plus belle parmi les ombres". Une incursion dans le monde des magazines de photos. Un roman original et magnétique dans lequel on plonge avec délectation. Une jolie découverte !
Mon seul bémol va au tout premier chapitre avec une "histoire" de langue de boeuf assez détaillée dont je n'ai pas compris l'utilité mais qui fut totalement oubliée par la suite.
Lien : http://milleetunelecturesdem..
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“L'histoire du plus beau suicide”, imaginé à partir de la photographie réelle qui orne la couverture du roman. La mort spectaculaire d'Evelyn McHale, une jeune femme qui s'est jetée du haut de l'Empire State Building, le 01 mai 1947 pour atterrir sur le toit d'une limousine. Un jeune photographe passant par là a immortalisé son corps brisé, ce qui est devenu l'une des photos les plus célèbres du monde, objet de chansons, de poèmes, et de nombreux détournements commerciaux (j'ai même vu un coussin …).

Nadia Busato, sous la forme d'un roman choral qui donne la parole tantôt à la mère d'Evelyn, tantôt à son fiancé, sa soeur, le policier, le journaliste, ou le photographe, tente de percer le mystère entourant la mort de cette jeune femme, dont on ne sait rien, si ce n'est son suicide, et une lettre laissée juste avant de sauter dans le vide :

Je veux que personne ne voie mon corps, pas même ma famille. Faites-le incinérer, détruisez-le. Je vous en supplie : pas de cérémonie, pas de tombe.

Mon fiancé m'a demander de l'épouser en juin prochain. Je pense que je ne ferai une bonne épouse pour personne. Il se portera bien mieux sans moi. Dites à mon père que je ressemble trop à ma mère.

Ecrit avec beaucoup de sensibilité, ce roman tente de percer le mystère d'une mort inexpliquée : une belle jeune femme de 23 ans, fiancée, qui avait la vie devant elle, se jette dans le vide sans aucun signe avant-coureur. le seul indice réside peut-être dans la dernière phrase de sa lettre : dites à mon père que je ressemble trop à ma mère. Une mère dépressive, qui a quitté sa famille quand Evelyn était encore enfant. Nadia Busato nous dresse le portrait d'une jeune femme très fragile psychologiquement, sujette aux crises d'hystérie, dont le comportement m'a parfois semblé à la limite de la bipolarité. A travers le récit (imaginaire) de ses proches, l'auteure nous fait découvrir les possibles raisons derrière le “plus beau suicide du monde”, dans un texte empathique et sensible.

Si j'ai commencé le livre avec bonheur, je me suis un peu lassée vers la fin du livre, en ayant la sensation de ne pas en apprendre assez sur Evelyn. Certains chapitres m'ont paru trop longs et pas assez centrés sur l'histoire de cette jeune femme, et j'ai refermé le livre avec une certaine frustration : il y a finalement beaucoup de non-dits dans l'histoire et Nadia Busato ne nous livre pas d'explications sur un plateau. C'est au lecteur de se faire sa propre idée sur les raisons du suicide d'Evelyn. L'auteure, au-delà de l'histoire personnelle de la jeune femme, nous dresse un vibrant portrait de l'Amérique, de la crise économique et de la place des femmes dans la société de l'époque.

Je suis restée fascinée par la superbe photo de la couverture, le point de départ du roman, si belle et si tragique que l'on oublie qu'elle représente un cadavre … La jeune femme, les pieds croisés, la main sur son collier de perles, semble endormie et – enfin – apaisée.

Un très bon roman donc, qui n'est pas passé loin du coup de coeur pour moi, mais il m'a manqué un petit je-ne-sais-quoi …

Je ne ferai une bonne épouse pour personne”, Non saro mai la brava moglie di nessuno, Nadia Busato, Editions de la Table Ronde (Quai Voltaire), 2019, 263 pages
Lien : https://histoiresdenlire.be/..
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Evelyn Francis McHale s'est suicidée en se jetant du quatre-vingt-sixième étage de l'Empire State Building le 1er mai 1947. Les médias qui ont relaté la mort de cette jeune femme de vingt-trois ans n'ont apporté aucun éclaircissement sur les raisons qui l'ont poussée à commettre l'irréparable. Pourquoi et à quel instant quelqu'un décide-t-il de mettre fin à ses jours ? Nadia Busato revient sur ce fait divers en fouillant le passé de cette héroïne tragique, en reconstituant partiellement ses motivations et sa jeunesse et en comblant les vides par une imagination fébrile. Très vite, il ressort que jamais elle n'a subi violences ni brimades. Simplement, elle se sentait mal dans sa peau, dans son corps, et ne se voyait pas épouser un charmant jeune homme qui lui faisait la cour et se félicitait de la demander en mariage. Barry Rhodes, le fiancé en question, était un ancien combattant et avait été étudiant au Lafayette College d'Easton en Pennsylvanie. Selon les témoignages de tous, il représentait un excellent parti. L'auteure parle ici d'une époque et d'un monde qui n'existent plus, avec ses traditions et un rythme particulier. le récit (terrible) se déroule selon un schéma imparable, donnant la parole aux proches de la suicidée, faisant de ce roman une polyphonie d'une extrême précision et chargée d'empathie. A côté de la douleur, il y a surtout l'incompréhension. Et si la vérité était ailleurs ? Evelyn croyait faire une mauvaise épouse et refusait l'engagement matrimonial. Aux chaînes conjugales, aurait-elle choisi la liberté ? Celle de mourir plutôt que de subir un système au sein duquel les femmes sont enclavées !
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critiques presse (1)
LaLibreBelgique
18 juillet 2019
Sans le cliché pris par Robert Miles [...] nous ne saurions sans doute rien de la mort d’Evelyn McHale. Du peu qu’elle a pu recueillir, la romancière italienne Nadia Busato tisse en la nourrissant son histoire avec une écriture qui happe, ébranle, marque profondément.
Lire la critique sur le site : LaLibreBelgique
Citations et extraits (13) Voir plus Ajouter une citation
Il découvrait, comme dans un jeu de rôle improvisé à l'issue inattendue et cruelle, que Life et Time étaient comme le reste des Etats-Unis : on envoyait des femmes guerrières au front et on leur réservait, à leur retour, une place debout aux fourneaux, derrières des landaus, des bureaux ou des caisses enregistreuses. (p205)
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(....) il serrait entre ses doigts, sans s'en rendre compte, le volume qui l'accompagnait partout depuis des semaines. Il l'avait lu en une nuit, avait souligné des passages, copié des phrases qui semblaient s'adresser à lui et à aucun autre lecteur. Il ne suffit pas de lire des mots, il faut les comprendre, les sentir pour de vrai. Ce livre était devenu sa vie. (p165)
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La vraie vie ne peut se réduire à quelques paroles rapportées ou écrites, personne n'y arrive jamais. Mais les images, c'est différent. Elles ne sont pas l'histoire, qui peut se permettre d'être indulgente envers elle-même. Ni l'information, qui ne cesse de se contredire. Les images que nous imprimons dans notre mémoire sont les fragments avec lesquels nous étayons nos ruines tout au long de la vie (p160).
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Comment aurais-je pu ignorer que l’unique dimension à laquelle je me sentais appartenir, c’etait celle de la solitude ? A qui et avec quels mots aurais- je pu transmettre l’incomparable réconfort du détachement ?
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Je ne suis pas faite pour la vie : cette vie ici, celle du monde - tout entier - me broie le coeur.
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