Harquin

Cet album de l'auteur-illustrateur britannique John Burningham, qui date de 1967 est étrange autant qu'intéressant avec une certaine grille de lecture. En effet, il est tout à fait représentatif des modes de son époque, que cela soit picturalement parlant ou sur le plan des idées véhiculées.

D'un point de vue graphique, on est très loin de ce qui se fait à l'heure actuelle. C'est très typé, cela alterne des ambiances proches de la peinture de Nicolas de Staël avec des univers picturaux qu'on rencontre plus communément dans La Panthère Rose. le dessin n'est pas léché, policé, édulcoré comme les images créées sur ordinateur. On sent encore la main de l'artiste, les imperfections, les expérimentations, la matière...

Sur le plan des idées, c'est amusant car cela fait très " revendications de mai 68 ". Harquin, le jeune renard est sous la férule de sa famille qui lui interdit de s'aventurer dans la vallée sous peine d'ameuter les chasseurs qui, en retour, s'il désobéit, mettront fin à la jolie tranquillité de la famille renard qui vit pour l'heure sereinement sur sa colline.

Le message, vous vous en doutez, est bien entendu une invitation à la transgression, pour le bien de tous, sauf des chasseurs, évidemment. Personnellement, j'y vois une allégorie du comportement de la génération des parents, ayant connu la seconde guerre mondiale et ses traumatismes, qui ne se souciaient plus que de respecter les règles établies par les puissants (politiques et industriels, probablement) et qui les pensaient inviolables.

Et donc, je ressens dans le désir d'émancipation d'Harquin le même appel de la liberté que celui qui tenaillait la jeunesse d'alors, désireuse de se démarquer de la génération précédente, toute prête à voler de ses propres ailes et dans les chemins qu'elle se sera elle-même choisie.

Probablement pas un album génial, mais intéressant à comparer avec ce qui se fait de nos jours. du moins c'est mon point de vue, moi qui aime bien descendre de temps en temps dans les vallées, un point de vue qui, je le concède, ne signifie pas grand-chose.

Joli album, dont les dessins, à l'ancienne, s'accorde parfaitement avec la thématique de la forêt/chasse.
Le clin d'oeil au conte de la Chèvre de Monsieur Seguin est sympathique, avec les inversions de lieu (ici, il ne faut pas descendre dans la vallée et non monter dans la montagne), et de personnages : le "prédateur" habituel (loup, ici renard) devient la proie, tandis que l'Homme prend le rôle dudit prédateur... Intéressant d'en discuter avec l'enfant.
L'histoire elle-même plaît aux enfants (surtout aux garçons), le texte, très gros mais suffisamment consistant, peut être lu par un jeune lecteur soutenu par un parent.
Petit bémol sur la "morale" : oui, bien sûr, c'est un hymne à la liberté d'être, de penser, le petit héros, plus rusé (ce n'est pas pour rien qu'il s'agit d'un renard) amène à la défaite des méchants, les chasseurs, ridiculisés.
Alors oui, évidemment, on rit, on est content, mais deux choses me chiffonnent : la fin n'apprend pas aux enfants qu'il est tout de même important d'être prudent et d'écouter (et en tenir compte, bien sûr) les conseils et recommandations des plus expérimentés que soi (en l'occurence, les parents renards), mais, surtout, elle ne responsabilise pas les enfants sur les conséquences de leurs décisions/actes individuels sur les autres (en particulier leurs proches). Ici, contrairement à la chevrette de Monsieur Seguin qui certes peinait son maître, du moins ne mettait que sa propre vie en danger par son choix, le renardeau, bien que prévenu des risques encourus pour TOUTE sa famille, n'hésite pas à faire passer son désir avant, et même une fois la menace avérée, est accueilli par sa famille tel l'enfant prodigue, sans aucune remise en cause. Je trouve cela dommage, mais bon, nous pouvons nous mêmes en tant que parent prendre le temps de discuter de cet élément avec son enfant .
Donc, pour conclure, livre sympa, mais à accompagner d'une réflexion parent-enfant !
(4-7 ans)

Harquin et sa famille vivent dans un terrier en haut d'une colline. En bas, dans la vallée, vit un châtelain qui chasse tous les renards. Mais, n'étant pas au courant qu'une famille vit sur la colline, Harquin et les siens sont tranquilles. D'ailleurs Père renard sermonne souvent ses petits pour qu'ils ne s'aventurent pas au-delà de la colline. Mais Harquin, très curieux, s'y faufile tous les soirs. Malheureusement, un jour le garde forestier l'aperçoit et part donc prévenir le châtelain. Une chasse aux renards s'organise au plus vite. Terrée au fond de sa demeure, la famille renard craint le pire. Harquin, conscient que c'est de sa faute, bondit du terrier et fait diversion. Il emmène les chasseurs dans une partie que seul lui connaît : un marécage où tous s'empêtrent, tandis que lui, reste au sec sur un chemin secret. Harquin a sauvé sa famille.

On fait un bond en arrière avec ce récit, qui ne fut publié en France que tardivement, mais date de plusieurs dizaines d'années en pays anglophone. Une histoire simple, mais racontée comme une poésie pour en faire un instant de douceur. Les illustrations sont particulières et ne m'ont pas plu au premier abord, mais finalement elles collent particulièrement bien à l'ambiance de l'album. Une histoire bien sympathique à faire découvrir à tous !

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