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Citations sur La peur et la haine (36)

Parce que cette histoire de groupe à risque, c'est une sacrée machine à créer du racisme. Ca change profondément notre vision du monde et, selon l'origine ou la couleur attribuée à une personne, on va plus du tout regarder les événements de la même façon. Par exemple, quand, le 29 octobre 2020, un Tunisien tue trois personnes dans une église niçoise après avoir crié Allah Akbar et que, deux heures plus tard, un Français attaque des gens à Montfavet avec un flingue après avoir fait un salut nazi, d'un côté on parle de terrorisme islamique, de l'autre d'un déséquilibré. Dans le premier cas, on place l'acte violent dans une continuité. Il rejoint dans notre mémoire d'autres événements similaires, qu'on attribue au même groupe à risque désigné par les politiciens : immigrés, musulmans, arabes. C'est une communauté tout entière qui reçoit la responsabilité en fardeau. On demande d'ailleurs aux musulmans de se désolidariser, comme s'ils avaient été, par nature, solidaires du criminel. Alors que, dans le second cas, l'acte est isolé de toute notion de groupe. On ignore volontairement le fait que l'homme a fait savoir son allégeance au nazisme. Non, son geste n'est jamais connecté à d'autres violences commises par des personnes d'extrême droite. [...] C'est un système vicieux. Ca donne l'impression que seules certaines communautés - les étrangers, les personnes non-blanches, les immigrés -, produisent de l'insécurité. Ca rend naturel de les jeter en pâture aux chiens, au prétexte de la sécurité.
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– On a vraiment pas d’argent, tu sais. C’était même pas un mensonge. On était tous fauchés. Le gars avait monté la voix, veines saillantes, cou tendu. Il s’était rapproché, son petit poing serré, sa mâchoire contractée. Il voulait être intimidant, ça marchait pas si mal. Je m’étais dit : « Frappe. » C’était le moment
« Frappe. » Rien. Mes muscles ne voulaient pas bouger. Il y avait eu un flottement. Puis le gars nous avait détaillés, lentement, de haut en bas, comme s’il venait juste de nous voir vraiment. On ressemblait à rien. Une espèce de résignation était passée dans son regard. Il avait soupiré.
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[...] D'un côté nous, les gentils, en en face les méchants, responsables de tout. C'était une pensée extrêmement binaire. Profondément dangereuse. Parce qu'évidemment, il allait pas chercher des boucs émissaires dans sa propre communauté. Hors de question de perdre des électeurs. Du coup, c'était toujours les mêmes qui dérouillaient : les non-blancs, les pauvres, les immigrés. Les coupables idéaux. Ceux qui n'avaient ni voix pour se faire entendre ni pouvoir pour se défendre.
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Parce que chaque fait divers à la télé, chaque histoire qu''on se répétait, chaque intervention politique sur la sécurité, tout ca s'agglomérait en un magma de terreur qui saturait nos vies. [...] Et on se rendait pas compte que la majorité de nos peurs venaient pas d'expériences personnelles mais de discours entendus, répétés et déformés. Qu'au fond, l'insécurité qui nous bouffait se basait précisément sur une idéologie.
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On venait juste de se remettre ensemble. C’est toujours le bordel un couple qui tente sa deuxième chance. On avait pas besoin de ça pour s’engueuler … C’était bizarre. On avait été ensemble cinq ans, mais les choses voulaient plus revenir comme avant. Il y avait une hostilité triste entre nous. Ça retenait parfois nos gestes. Comme une simplicité qu’on aurait perdue, même si les cœurs battaient toujours comme des fous
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À  l’époque, la droite, la gauche, pour nous, c’étaient des notions floues. Mais lui, son père, il faisait les marchés. Sa grosse saison, c’était les fêtes de Noël. Quand les gens n’achetaient pas, heureusement qu’il avait son chômage. Je pense que le type l’avait fait exprès. Il suffisait de voir comment Jeremy était habillé pour savoir que ça allait pas passer. Le ton était monté. On avait frôlé la bagarre…
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Parce qu'exploiter la peur, c'est tout ce qui reste quand on a fondé son pouvoir uniquement sur l'argent.
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Et là, on a enfin vu l’Amérique. De grandes rues raides, dressées, géométriques, avec partout l’amas de béton des buildings brillants. Et en bas, écrasés dans leurs ombres, les trottoirs qui grouillaient d’un flot humain qui semblait infini. De la fenêtre, on voyait que des ombres et c’était comme une marée d’insectes dont les mandibules semblaient vouloir dévorer jusqu’à la moelle des cieux. C’était magnifique. Sacré presque. Puis on s’est retrouvés sur le pont à foncer au-dessus des eaux noires. Le type disait plus rien, moi je pensais à mon enquête. Je me disais que dans des villes aussi grandes, j’allais en trouver plein, des survivalistes. C’était prometteur. On est restés comme ça, dans un silence pensif jusqu’à l’arrivée à Oakland. Là, on a pris un drôle de virage qui tournait sur lui-même. La voiture a ralenti. On était complètement sous l’Interstate 580. Quelques réverbères éclairaient à droite à gauche, mais c’était surtout noir. C’est quand on s’est approchés de la sortie qu’on a compris ce qu’on regardait.
En fait, tout autour de nous, des deux côtés de la route, il y avait comme un campement. Une longue ligne de tentes et de cartons avec des dizaines et des dizaines d’hommes et de femmes allongés sur le sol, enroulés dans des grosses couvertures ou des sacs de couchage. À ce moment-là, on aurait pu remonter dans l’avion, parce qu’il n’y avait plus rien à voir. Elle était là tout entière, l’Amérique. Dans la raideur vide des buildings d’acier et la longueur infinie de la misère au sol.
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J’allais tuer la peur. Oui, tuer la peur ! Pour une fois, le ciel de Lyon était simplement bleu. Je souriais. Et c’était comme l’étincelle d’une longue traînée de poudre. L’appel d’une explosion qui aurait lieu des années plus tard et qui recommencerait, encore et encore et encore, jusqu’à ce que j’en puisse plus. Le premier pas d’un voyage qui prendrait les dix premières années de ma vie d’adulte et m’emmènerait loin, très loin dans la brutalité humaine. Là où la violence est partout. Là où vivent les hommes en guerre, les cinglés comme moi, ceux dont je ne sais jamais s’ils sont mes frères ou mes ennemis… Ceux dont j’ignore si j’ai plus peur qu’ils soient des monstres ou qu’ils soient des humains.
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Comment le futur nous jugera-t-il ? Mal, certainement. C’est qu’après coup, le progrès s’évalue toujours moins par l’argent amassé que par la valeur accordée à la dignité des plus faibles. Et si la vie est le mètre-étalon de notre humanité, nous avons beau nous imaginer immenses, nous restons tout petits.
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