La fosse aux sorcières

Un cauchemar peut-il se poursuivre malgré le choc subi quand on est brusquement immergé dans une eau glacée ? J’ai toute une foule de questions pertinentes à me poser, mais je ne trouve aucune réponse. Le ciel, maintenant dégagé de tous ses nuages, est constellé d’étoiles. Leur lumière transforme la surface du lac en un sombre miroir poli. Quelque part dans la nuit, une chouette ulule encore une fois et je frissonne au souvenir de ce que j’ai ressenti en traversant les bois.

Pour une charmante vieille dame, elle avait vraiment des idées avancées sur ce qui convient à sa nièce. D’accord, elle a la cervelle un peu dérangée. Toutes ses sornettes sur une guirlande d’amanites et roseaux… Mais elle n’avait tout de même pas l’air tellement folle quand elle parlait. Il s’agit peut-être d’une obsession qui n’a cessé de grandir dans son esprit depuis qu’elle a découvert le cadavre de sa sœur flottant parmi les roseaux du lac.

Elaine, en chemise d’homme et blue-jeans, parait encore plus jeune qu’avec la robe qu’elle portait au début de la matinée. Depuis le moment où elle est revenue à la cuisine, cinq minutes après le départ de sa sœur ainée, elle ne m’a pas adressé plus d’une douzaine de monosyllabes. Maintenant, elle s’obstine à concentrer son attention sur le paysage, le regard rivé sur le lac, les bras étroitement serrés sous ses petits seins.

Qu’elles s’amènent à cheval sur leurs balais et autres salades du même genre ? Les derniers procès de sorcellerie dans ce pays remontent au début du dix-huitième siècle, pour autant que je me rappelle. Autrement dit, la plus jeune de vos sorcières descendant sur son balai au bord du lac en ce moment aurait au moins deux cent cinquante ans !

Les seules émanations nocturnes que je désire rencontrer sont celles qui portent des jupes moulantes et volètent le long de Broadway, tard le soir. Mais tu peux partir avec ma bénédiction et si jamais je ne te revois pas, je chérirai toujours le souvenir d’une magnifique amitié.