Une histoire de banquier très en retrait et en manque de fond
Nul doute que l'oeuvre littéraire de
Mary Elizabeth Braddon, pourtant riche de plus de quatre-vingt romans, n'évoquera pas grand chose au lecteur contemporain.
Elle est présentée comme l'
Agatha Christie de l'époque victorienne, et on verra que nous en sommes loin. L'éditeur tente également un rapprochement avec
Wilkie Collins et là encore, le fossé est conséquent.
"Henri
Dunbar" est pourtant une honnête intrigue, mais malheureusement datée et enserrée dans un récit souvent pesant.
L'histoire repose sur l'assassinat par Henri
Dunbar, riche banquier longtemps exilé aux Indes suite à une erreur de jeunesse et de retour à Londres, d'un de ses anciens complices.
Mais beaucoup de monde doute de l'innocence du banquier millionnaire et va enquêter sur cette affaire.
Bien entendu, époque oblige, le roman est également jonché d'amours purs et passionnés et se termine par un mariage.
Sans doute appréciable à sa sortie en 1864, l'énigme proposée est aujourd'hui rapidement éventée pour quiconque a déjà lu quelques romans policiers dans sa vie. Et comme l' "astuce" extrêmement prévisible intervient très tôt (vers la 90ème page d'un récit qui en compte près de 480 !), le livre finit par ennuyer rapidement et on se surprend à survoler des passages et tourner rapidement les pages.
Il faut dire que, outre l'absence rapide de suspense (on est loin d'
Agatha Christie qui elle, ne s'amusait jamais à livrer les clefs facilement), le style est tout de même assez empesé (et là, nous sommes à des années-lumière du talent d'un
Wilkie Collins) et peu avare de platitudes sermonneuses ("l'homme est faible, et la beauté va droit à l'oeil des gens frivoles, tandis que le mérite ne peut être apprécié que par les sages", ou encore l'intégralité de la page 192 et son évocation shakespearienne ampoulée...).
Braddon arrive même à introduire une piste plutôt habile (l'existence d'un unique portrait d'Henri
Dunbar jeune) qu'on s'attend à voir utilisée...Mais, non. Décidément, quand ça ne veut pas...
Les personnages et la description de la société victorienne rattrapent parfois l'intérêt des romans de cette époque. Mais M.
E. Braddon n'est pas Dickens non plus et les descriptions se révèlent assez neutres et le regard porté, bien peu aiguisé.
Une curiosité quand même.
Page 203, il est écrit : "il faut qu'il soit moralement un
Blondin...".
Un Blondin ?!
Comme je suppose que
Braddon n'évoque pas de manière prémonitoire
Antoine Blondin -qui plus est, en parangon de moralité l'Antoine...- je m'interroge. A qui fait-elle donc allusion ?
La soeur Marie-Anne Blondin (1809-1890) aurait pu correspondre, mais l'article "un" élimine cette hypothèse.
On peut raisonnablement écarter également l'interpellation de
Clint Eastwood par Tuco ("Hé,
Blondin !") dans "Le Bon, la Brute et le Truand", pour des raisons que chacun est à même de comprendre.
Ce mystère à lui seul, justifie une étoile supplémentaire pour un roman qui n'en demandait pas tant.
NB. une coquille p 232 : "mes amis de l'Inde...le monde les a maltraitéEs"