Citations sur L'Anglais (29)
- Je t’aime avec tous les accents, sauf le québécois, lui dis-je la veille de son retour.
Il rit à gorge déployée.
- Ch’taime ben fort, pis ben gros, répondit-il avec un effort évident et raté pour prendre notre accent.
- Arrête, lui lançai-je. Ca sonne faux et je ne te reconnais plus.
"Il s'appelle Philip, il vient de Liverpool, il est anglais et ma vie de guerrière a trouvé, grâce à lui, son repos."
Dans chacun de ses textes, toujours aussi brefs, il réussissait à ne rien dire de lui-même, sauf à m’informer de ses goûts littéraires qui se résumaient aux écrivains du XVIIIème siècle dont il était un spécialiste avant de s’intéresser à l’histoire du Québec du XIX ème siècle.
Un soir d'automne cependant, alors que le grésil immobilisait Montréal et qu'à Dublin le crachin sévissait depuis trois jours, plongés l'un et l'autre dans la mélancolie, je fis dévier la conversation. Au "M'aimes-tu ?" habituel je poursuivis avec :
- Me désires-tu ?
- Chérie, je t'en prie pas çà.
J'insistai.
- Pourquoi refuses-tu les mots qui excitent ?
Je me jouais de lui gentiment.
- Chérie avant même de t'appeler, j'éprouvais un mouvement de la chair.
- Répète s'il te plaît.
- Non, non, je ne veux pas être troublé en raccrochant le combiné.
Il riait tout en étant sérieux.
Comment arrives-tu à te contrôler ? demandai-je.
Il éclata de rire.
Etendue sur le lit, je luttais contre le sommeil.
A quelques mètres de moi, dans mon séjour, un étranger était couché sur le canapé-lit.
J’étais bouleversée par sa présence, émue par son ingénuité et en même temps déconcertée par tant de spontanéité et de réserve confondues.
Tu es la femme que j'attendais. Toutes ces années, je n'ai pas désespéré. Mais il m'arrivait de me comparer aux hommes de mon entourage. La plupart étaient mariés, ou vivaient en couple. Je me sentais en-dehors de leur réalité. À mes yeux, je n'étais pas tout à fait un homme. Ça ne m'inquiétait pas, mais quelquefois, c'était inconfortable. Oui, je le dirais ainsi. Soudainement, avec toi, je me sens normal. Au point où je regarde les autres hommes différemment. Je me sens devenu un des leurs.
Tu es si belle, dit-il enfin.
Cela me rendit triste. Comment avouer à cet homme si parfaitement pur un regret jamais éprouvé avec ceux que j'avais aimés auparavant. J'aurais voulu en cet instant lui offrir le corps parfait de mes vingt ans, que j'avais abandonné si facilement parfois à des garçons légers ou insousciants.
0n est moderne jusqu'à ce que l'on soit dépassé. (p. 28)
On répétait autour de moi que j'avais l'air plus jeune que mon âge, ce qui me paraissait une preuve indéniable que j'avais atteint un âge certain
Philip appartenait à une race d'hommes que je n'avais jamais rencontrée. Il avait imaginé une femme qui lui était destinée et que le hasard mettrait un jour sur sa route. Sa patience avait été mise à l'épreuve avec l'âge, les femmes ayant exprimé de l'intérêt pour lui ne correspondant jamais à ses attentes. Il vivait hors de son époque. La révolution des mœurs n'avait pas abîmé son rêve. Le sentiment amoureux qui s'imposait enfin à lui le confirmait enfin dans sa quête de folie sentimentale et faisait éclater toutes ses réserves. Philip n'était pas dans la séduction mais dans la vérité.