Citations sur L'amour au temps des éléphants (79)
[Au sujet des éléphants ]
- Sais-tu qu'eux aussi font le deuil de ceux qu'ils aiment ? Ils veillent le corps de l'animal mort, le caressent longuement de leur trompe, manifestent tous les signes du chagrin. Et si ses os sont éparpillés, ils les rassemblent avant de creuser une sépulture.
- Incroyable. Les hommes n'ont pas le monopole des rites funéraires.
désormais passionné par le sujet, Kid a composé une chanson sur les animaux brisant les chaînes de leur esclavage, à la manière d'une fable de La Fontaine. Arabella regrette de ne pas avoir suivi d'études scientifiques pour s'occuper des éléphants, les soigner. Comme ils lui manquent, elle les dessine. (p. 171)
Les Blancs avaient le pouvoir et les Noirs leurs yeux pour pleurer.
Perdre son père, c'est perdre une partie de son enfance...
Devenu comptable, il aimait son métier, mais plaçait Dieu au-dessus de tout et vivait selon sa dure loi. Pas de loisirs, à part la lecture de la Bible, pas de médicaments en cas de maladie, jamais d’achats de plaisir ou flattant la vanité. Arabella abhorrait ces préceptes d’un autre temps et n’en faisait qu’à sa tête, quitte à en subir les conséquences.
Arabella
Arabella la dévisage, surprise. elles n'avaient pas vingt-ans, il serait toujours temps de se reproduire !
Si la guerre lui avait appris quelque chose, c'était bien la dimension fragile, aléatoire de l'existence, ce cadeau qu'on pouvait vous retirer en une seconde. Plus que jamais, elle entendait profiter de la vie, traverser des paysages, rencontrer des gens rares, éprouver toutes les émotions , avant de fonder une famille. (p. 119)
Il se souvenait de ces champs à perte de vue, de cette mer, la seule qu'il ait jamais contemplée, moirée de chlorophylle, bientôt couverte de fleurs de coton ondulant sous le vent comme un nuage de crème ouatée. Il y avait enduré la violence gratuite des contremaîtres et découvert les pouvoirs pacificateurs de la musique. Quand l'équipe menaçait d'en venir aux mains avec les Blancs, il sortait sa clarinette et jouait un air pour l'apaiser. Les notes s'envolaient dans le ciel, les esclaves fredonnaient un gospel qui parlait de liberté et du Jugement dernier. (p. 59)
Lorsque les États-Unis s'étaient engagés dans la guerre, les Noirs de Harlem avaient voulu prendre part aux combats , mais s'étaient surtout, encore et toujours, battus contre le racisme de l'administration du président Wilson. "Le noir ne fait pas partie des couleurs de l'arc-en -ciel", répétait-on, entre autres arguments fallacieux ou ridicules, pour justifier leur mise à l'écart. Rien n'était prévu pour leur entraînement et les officiers blancs ne voulaient pas avoir affaire à des soldats noirs. Ceux qui bravaient le racisme au sein de l'armée et s'enrôlaient quand même recevaient moins de rations que leurs compagnons d'infortune blancs. La ségrégation avait encore de beau jours devant elle, même en temps de guerre.
La veille, l'échange au téléphone avec son frère l'avait déroutée.
− Tâche de ne pas te retrouver enceinte, avait-il maugréé. Il ne manquerait plus qu'un bâtard frenchy.
− Ne t'inquiète pas. Je te rapporterai plutôt du fromage français bien puant.
[Arabella]
Puis elle avait découvert les éléphants, leurs barrissements caverneux, et s'était prise de passion pour ces créatures quasi mythologiques, ces statues de chair granitiques, avec leurs oreilles en draps de velours, leurs dagues d'ivoire plantées dans leur peau parcheminée, leurs trompes puissantes qui se dressaient et semblaient peindre des fresques invisibles dans les airs. Les éléphants nous ressemblaient tellement, contrairement à ce que l'on pouvait croire ! Joyeux ou tristes, attentifs à leur progéniture et à leurs congénères, intelligents, drôles, effrayants parfois, sans parler de leur mémoire biographique, ils n'avaient rien à nous envier. (p. 21)
Kid
- Notre musique ne ressemble à rien de connu, explique Big Jim. j'ai basé mon succès sur la musique qui fait partie de notre être, à nous les Noirs. C'est un produit de notre âme. Chacun doit savoir jouer de plusieurs instruments. Il faut être musicien, mais aussi danseur, comédien. (p. 92)