Citations sur Handsome Harry (56)
Les journaux, eux, continuaient à vendre de la peur. Mais comme toujours, certaines lettres de lecteurs montraient clairement que tout le monde n’en voulait pas à notre scalp. Plein de bons citoyens ne nous trouvaient pas pires que certains politiques, et sans doute bien moins nuisibles que la plupart des banquiers.
Oui, John aurait appuyé sur la détente. Moi aussi. C’est une question d’autorité mais aussi de respect de soi. Si vous voulez proférer des menaces en l’air, soyez instituteur, pasteur, rédacteur. Pas braqueur.
Et même la Garde nationale, bon Dieu, se disait prête à aider les forces de l’ordre par tous les moyens dont elle disposait, y compris des tanks, des aéroplanes et même – si, si – des gaz de combat.
Des gaz de combat.
Et c’est nous que les journaux traitaient de dangereux…
Lorsque Copeland avait parlé du raffut que faisaient Opal et Russ au lit, il ne plaisantait pas. Elle hennissait littéralement, et quand elle eut son orgasme, mon Dieu… Russell faisait des bruits de type qu’on étrangle et qui se bat pour sa vie. Si un ignorant complet des choses du sexe les avait entendus, il n’aurait même pas osé perdre sa virginité.
Voyons voir, repris-je. Il détourne je ne sais pas combien dans une banque, puis il fait braquer la banque pour cacher ses magouilles, et après il prend un tiers de ce qui reste à la banque ?
Et après, ajouta Pearl, il se remet à détourner du fric dans la même banque, lorsqu’elle a récupéré l’assurance.
Sympa comme boulot, si on en trouve un comme ça.
En Amérique, nous déclara un jour Charlie, les affaires sont conçues pour que les gens intelligents et cupides plument les gens bêtes et cupides – sans même parler des gens tout simplement bêtes – et la Loi, c’étaient les règles édictées par ces gens intelligents pour que les choses restent ainsi.
Et toujours à ce sujet, c’est le moment de dire à quel point j’en ai marre des questions sur la bite de John.
Depuis qu’on l’a exhibé à la morgue de Chicago, la rumeur court qu’il est monté comme une cheminée, et on m’a demandé cent fois si c’était vrai.
Apparemment, il y a même un illustré porno sur lui et la bombe blonde du cinéma, Mae West, où il promène sa trique dans une brouette. Mon Dieu.
J’aurais dû faire comme Russell : un reporter l’interviewait assis sur une chaise devant sa cellule et lui avait demandé quelle taille faisait vraiment l’engin de John.
Russ se leva, sortit son zob et le mit sous le nez du type au travers des barreaux, en disant, À peu près comme ça.
John me faisait tout un cinéma comme quoi s’il ne baisait pas souvent, il attrapait des migraines horribles. Il prétendait que ça ne le soulageait pas de se branler, il devait baiser avec quelqu’un. À l’entendre, on aurait dit une ordonnance médicale. J’ai toujours pensé que c’était du pipeau.
Parce qu’un dimanche après-midi au pénitencier, je faisais une sieste en rêvant que je batifolais dans une piscine avec Norma Shearer et Greta Garbo, tous trois nus comme des vers, et quand je me réveillai, Charlie, Red et Russell me regardaient en souriant devant l’érection qui sortait de mon caleçon.
Russell et Red applaudirent et Charlie commenta, C’est pas une bite, c’est une quille. On va t’appeler Peter Pénis. Je devins donc Peter, pour la blague.
Plus tard, lorsque Mary me demanda où j’avais récolté ce surnom de Peter, je lui expliquai, et elle dit qu’elle aurait dû s’en douter. Mais pour elle, je restais toujours Harry.
À dix contre un, aucun des types qui ont écrit sur la bite de John ne l’a jamais vue. Eh bien moi si, et à son maximum, je dis bien. Mary aussi – elle était avec moi à ce moment-là, et j’en parlerai le moment venu.
Disons que l’engin de John était, comme le disait Mary, impressionnant.
Pourtant – sans vouloir gonfler mes mérites, ha-ha, je dois dire que John ne m’arrivait pas à la cheville.