C'est un livre écrit comme on renverse une table. Avec des mots qui raclent, qui grincent et qui cognent.
Une jeune fille “née du côté qui morfle, fabriquée dans une famille lamentable, dans la génération la plus conne de toutes” nous balance tout en pleine face : son enfance nulle, la fuite avec sa grande soeur, leur installation à Paris, les nuits qui dérapent dans l'alcool et le sexe. “J‘échafaude les détails pour que vous compreniez bien ce que je vais vous dire, je veux pas vous perdre en chemin.”
Cette cascade de souvenirs déferle alors qu'elle vient de s'exiler en Italie. Loin de Paris et loin de la vie, elle finit par nous cracher son drame, sa douleur première, un garçon parmi tant d'autres. “Avec lui je pourrais l'aimer, le flottement bouffi d'une vie sans importance, la grande berceuse de la vie normale et des heures gâchées.” Elle raconte le bonheur intégral qui finit fracassé dans une peine absolue.
Foudroyée par le chagrin, elle laisse la parole à sa soeur. Certains chapitres, c'est la frangine qui récupère la narration, avec le même débit, le même boucan, une dose de souffrance en moins.
Et puis Damien rapplique. Un autre mec. “C'est mon tour ? Je ne suis pas très à l'aise ici, je ne vois pas quoi dire.” Les uns après les autres, ils avouent l'amour raté, les fins de soirée, les déceptions partout, les cafés trop forts, les supernovas à effondrement de coeur. Jusqu'à ce qu'il ne reste plus que sa voix à elle pour faire la paix avec le chaos du monde.
Seulement, cette voix de fille est écrite par un homme. Comme si son désir à lui était projeté dans ce roman, avec de grandes croyances sur les filles fragiles qui portent des robes légères et qui attendent qu'on les embrasse. Une vision fantasmée qui aurait peut-être pu être évitée.
C'est un livre excessif, à lire vite et fort. On tourne les pages et c'est la vie qui défile, la vie triste comme un bar qui annonce sa fermeture, abîmée comme de la poésie en lambeaux, sale mais lumineuse comme un petit village d'Italie.
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