- Loki, garde-moi dans ton ombre, chuchote Alfred, une prière à son dieu préféré. Je sèmerai le chaos en ton honneur si personne ne me voit.
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Mais va le retrouver là- dedans ! Ce serait comme chercher un flocon dans une boule de neige !
Les bûches vous permettent d'avoir chaud. Vous vous rassemblez autour du feu pour être ensemble et raconter des histoires. Les bûches vous rendent heureux. C'est cela que nous cherchons lorsque nous venons en voler dans vos réserves, nous, les trolls. Vous brûlez les bûches pour leur chaleur. Nous les collectons pour la joie et le réconfort qu'elles vous apportent.
Le craquement d’une lame de briquet contre un silex le fait bondir en poussant un cri. Éclairés par une flamme, Lichen et Cheveux Violets se mettent à brailler et à crier. Alfred hurle. Lichen braille encore plus fort. Cheveux Violets pousse un long hululement suraigu. Alfred continue de hurler. La Petite claque des mains devant son visage.
– Vous allez vous arrêter bientôt, ou vous prévoyez de former une chorale ?
Alfred hurlerait bien encore un peu, mais il n’a plus de voix.
Alfred n'a pas envie de rire.
Ce n'est pas la première fois que ça lui arrive. La plupart du temps, Alfred est un enfant de dix ans comme les autres. Il n'aime presque personne, alors il préfère rester seul, mais il joue et court et rit, comme tout le monde. Certains jours pourtant, il n'en a aucune envie. C'est comme si un nuage de vide un peu froid le recouvrait pendant quelques heures. Il appelle ça « être triste pour rien ».
Frid se penche. Ses longs cheveux blonds glissent autour de leurs deux visages comme un rideau. Un rideau derrière lequel il n’y a que Frid et Alfred, et personne d’autre. Leur nez se touchent presque lorsque Frid chuchote :
– S’il part seul, personne ne le reverra jamais.
La Petite, c'était les lacs qui gèlent avant les premières chutes de neige pour y faire du patin, les batailles de boules de neige, les glissades en luge, le marché d'hiver, et la fête de Yüle. C'était l'hiver doux et léger, celui qui rosit les joues et donne des excuses pour sortir les jolies écharpes et jouer dehors toute la journée.
Il court et court et court, aussi vite que possible malgré la neige épaisse qui entrave ses pas. Il court malgré l’obscurité de plus en plus profonde et les arbres de plus en plus serrés. Il s’éloigne plus qu’il ne s’est jamais éloigné de Brume et de ses sentiers.
C’est comme ça qu’elle regarde les choses, Frid : en les touchant.
La neige continue de tomber pendant des heures et des heures. Elle s’entasse sur les branches des arbres. Les sentiers disparaissent sous son manteau blanc.