À l'époque où la pub n'était que la réclame (et même plus tôt), avant que la photo n'existe et y soit employée, le dessin était la seule voie possible pour les marchands (on ne parlait pas d'annonceurs) de faire connaître et diffuser leurs produits. À défaut d'un grand texte qui n'aurait certes pas appâté le chaland, les illustrateurs utilisèrent très vite les animaux pour capter l'attention des futurs acheteurs et aujourd'hui, on regarde avec amusement et pour certains nostalgie, les productions innombrables et souvent magnifiques dont la publicité d'hier a fait les beaux jours.
Sous le titre évocateur de «
Bêtes de Pub »
Claude Weill et
François Bertin ont réuni plus de 400 reproductions de ces vecteurs de communication (comme on dit maintenant) que sont en réalité de magnifiques illustrations dont le thème récurrent est l'animal, à poil ou à plumes, à deux ou quatre pattes, courant, sautant, volant et souvent riant. Issues de tous supports, de France ou de l'étranger, ces illustrations datent le plus souvent du XXe siècle, parfois plus tôt, et sont le reflet d'une époque souriante ou la réclame faisait office d'information, bien sûr pour préférer une marque à une autre, mais pas nécessairement à “forcer” le consommateur comme le dénoncent trop souvent les consuméristes de tout poil, l'acte d'achat étant avant tout la décision du client.
À tout seigneur, tout honneur, la tête de gondole est sans conteste La Vache qui rit. Sympathique bovidé né sous la plume de
Benjamin Rabier, arrière-grand-père de nous autres dessinateurs, qui ne travaillons plus qu'avec Photoshop, cette souriante marchande de crème de gruyère est connue de tous les enfants, parents et grands-parents de France, et son succès est tel que nombre d'autres marques l'ont plagié, quelquefois avec talent et souvent sans vergogne, pour autant de produits laitiers que son pis pouvait produire. Affiches, annonces, produits dérivés de toutes sortes comme thermomètres muraux, décalcomanies et nombreux cadeaux à l'intérieur des boîtes, aujourd'hui on la retrouve au rayon gadget des hypermarchés, en distributeurs de serviettes apéro, vaisselle et couverts.
Mais elle n'est pas la seule ! Qui ne connaît pas le lapin Duracell, la poule des Biscuits St-Michel, le Steak-symbol Hippopotamus, ou le thé de l'Éléphant, plus tôt le Chameau Camel (qui n'a qu'une bosse comme tout dromadaire), le chien de la voix de son Maître, ceux de Black & White, le tigre qui dans le moteur donnait des ailes à nos voitures… Les plus anciens d'entre nous se souviennent sans doute d'un autre lapin, celui du pain d'épices Gringoire, le cirage Lion d'or, le chat Cinzano, la sardine Amieux… La liste est longue et non exhaustive. Aucun interdit au presque ne venait brider la créativité, et on pouvait vanter les qualités d'un apéritif plutôt que d'un autre, ou une marque de tabac avec le sourire. Les plus curieux retrouveront dans ce livre des personnages connus ou disparus, les plus jeunes y découvriront des illustrations plus belles que des photos ou des créations numériques actuelles.
Plus belles certes, car les dessinateurs “animaliers” ne comptaient pas leur temps, avaient l'esprit vif et l'imagination débordante, voire débridée, et il serait injuste de ne pas les citer ;
Benjamin Rabier le plus ancien, Barberousse (auteur entre autres de Minizup et Matouvu), et parmi les plus célèbres du XXe siècle les affichistes Morvan, Savignac, Cassandre et André François, et bien d'autres encore…
Ce très bel ouvrage n'est en aucun cas une ode à la consommation effrénée, de l'aspirateur au fromage, en passant par la voiture ou la bière, mais avant tout un “beau livre” que les amateurs de dessin, de belles images et d'humour souvent, feuilletteront au-delà, pour une fois, de tout message incitatif.