En lisant les trois-quatre premières pages, j'ai été pris immédiatement par le style, par la drôlerie du texte. Et me disais que, holà, voilà un putain de livre qui risque d'être un qui vont me marquer longtemps.
Puis quasi aussi rapidement, flop flop... L'ennui... L'incompréhension... C'est quoi ce truc et à quoi ça sert ? Que veut l'auteur ?
Battisti répond à cette question aux deux tiers du livre : "On l'avait engagé pour dévoiler leur histoire à la face du monde entier, pour raconter la frontière et les gens assassinés."
J'ai vécu ce livre comme une noyade lente, avec quelques brusques sursauts de talent, de flashs électriques qui réveillent. Puis qui s'endort.
Le livre sur sa fin m'a fait penser à
Martin Eden, un mec qui cherche à s'imposer comme écrivain, pour lui-même puis par la reconnaissance, mais qui souffre, qui souffre et qui crève.
Ici, le héros est mille fois moins sympathique que
Martin Eden. Il est même souvent détestable. Et il écrit l'histoire de son double qui vit sensiblement les mêmes choses, et pas forcément plus brillant ou plus aimable. C'est une histoire d'identité perdue, réinventée. Et surtout celle de déshérités, de personnes paumées, perdues, qui essaient de s'en sortir par expédients, et trafics de drogues. En ce sens, on peut aussi retrouver l'esprit de cartel (et la série Narcos, un banditisme terrible mais rendu presque bonhomme par l'axe choisi pour le raconter... Oui, Antonio est détestable, mais il a des côtés don quichottesques qui peuvent toucher aussi.)Franchir le mur bâti entre le Mexique de Tijuana et l'Amérique qui fait rêver.Qui fait rêver le personnage principal qui à la base gagne un superbe voyage et qui se retrouve coincé dans l'enfer d"el Bordo...
Les trafics, la prostitution, la corruption... Ce qui est étrange, c'est que l'histoire du livre se déroule dans les années 2000 et ça paraît fou, ça parait impensable, tant on dirait plus les années 1930 (genre après la crise de 29), 1950-60 à la rigueur (dans l'après-guerre et début de guerre froide), mais non... Histoire très récente... (En écrivant ça, je me dis que le mur entre le Mexique et les Etats-Unis est une histoire réactualisée il y a peu... Ce monde est décidément con à mourir.)
Battisti est un drôle de gars, terroriste d'extrême gauche longtemps banni, ce livre est évidemment une résonance pure et forte de son parcours, qui est passé par Tijuana. Même si ce livre n'a aucune vocation "autobiographique".
Je lui accorde "seulement" trois étoiles parce que trop souvent j'étais enfoncé sous l'eau de ce houleux récit, refroidi par un personnage peu aimable, mais devant reconnaître les pulsions de talent de cet auteur qu'est Battisti.