Fugitive, tome 1

Je suis plus fatigué que je ne le pensais. Je dois rêver, car à ma connaissance, son paquetage ne contient ni culotte ni soutif. Je ne peux pas faire semblant de ne pas les avoir vus, j’ai besoin qu’il s’explique sinon je ne vais plus en dormir.

Elle ressort propre, normal, mais surtout totalement changée, et je ne parle pas de sa tenue. Un visage charmant. À vrai dire, elle est carrément jolie. Des traits délicats, un nez fin et légèrement mutin, la peau dorée par un léger bronzage, et des cheveux clairs, peut-être même blonds une fois secs, qui lui frôlent juste les épaules. Des yeux noisette plutôt vifs quand ils ne sont pas fixés sur le plancher. Elle dégage un mélange surprenant de force et de douceur. On ne va pas se voiler la face, elle est agréable à regarder.

J’ai tout de même bien du mal à ne pas loucher sur son corps aux courbes harmonieuses, indéniablement féminin malgré des abdos bien dessinés. Nous savons désormais qu’il faudra être attentifs, car elle a la ressource physique pour nous donner du fil à retordre.

La fille — je vais vraiment devoir lui attribuer un nom si elle refuse de nous donner le sien — s’exécute, pendant que le médecin me renvoie d’un geste de la main. Je ne bouge pas. À croire qu’elle me pense débile — je suis pourtant officier marinier7 —, car elle insiste en y joignant la parole.

Nous vivons dans une ambiance confinée, le plus clair de notre temps dans les entrailles du navire plutôt qu’à prendre l’air sur le pont comme des croisiéristes. En proximité permanente les uns avec les autres — il n’y a vraiment que sur le trône qu’on a une sensation d’intimité —, un virus se propagerait aussi vite qu’une colonie de poux dans une école.

« On se sent souvent à l’étroit quand on est au large. »

Entraînement ou pas, la rigueur appliquée est la même, rien n’est pris à la légère. Certains, des civils bien sûr, disent que nous jouons à la guerre, mais ils apprécieraient encore moins si nous étions payés à bronzer sur le pont sous prétexte que nous ne sommes pas en guerre. De plus, en surveillance maritime, nos missions sont tournées vers la lutte contre la piraterie, la pêche illégale et les trafics divers, tout à fait d’actualité.

Ne pas participer aux manœuvres ne veut pas dire qu’elles ne m’intéressent pas, je reste un marin. Je m’enquille les coursives en direction de mon coin préféré, un bout de pont supérieur au centre du navire, petit balcon tranquille.

Malgré les couleurs qui cassent les formes, à la finesse des angles, on dirait… Non, quand même pas ? Je me focalise un peu plus et… Horreur ! Mais si, c’est une femme ! Alors là, j’ai carrément envie de bouffer mon béret !
Je la jauge rapidement, à peine plus petite que les gendarmes qui l’encadrent, qui ne sont pourtant pas des nains. Plutôt bon gabarit, certainement une sportive. Il ne manquerait plus qu’on doive lui courir après.

On ne doit jamais le quitter des yeux quand nous le sortons de son local, pour l’emmener se laver ou autre. Pour les repas, on les lui amène et il mange devant nous. On ne laisse rien, ni verre ni couvert en repartant.