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Me croirez-vous ?
Me croirez-vous si je vous dis que les bidonvilles et leurs horreurs peuvent être racontés à l'aune de la poésie ? Que la crasse, la misère, la violence, les instincts les plus primaires peuvent atteindre leur paroxysme pour venir mieux nous percuter, lames d'acier, lorsque la poésie s'en mêle ?
Me croirez-vous si je vous dis que la poésie est alors une arme puissante pour scalper l'horreur, pour la disséquer au point d'en faire jaillir des gouttes d'essence, larmes noires, qui éclaboussent avant d'infuser en nous ?
Me croirez-vous si je vous promets que dans ce livre s'entremêlent poésie coup de poing, dénonciatrice et parfois crue, et poésie d'amour, lumineuse et sublime, de sorte que vous pourrez respirer et espérer, un peu, un tout petit peu ?

Le bidonville, imbroglio de lames et de larmes larvées, armé de poésie, Jean d'Amérique s'en fait le chantre.

Voilà la prouesse de ce jeune poète haïtien dont c'est le premier roman. Décrire l'horreur des bidonvilles, plus particulièrement d'un bidonville, « lieu exsangue où le parfum des soleils s'abime entre vies fangeuses et pluie de cadavres », dénoncer les gouvernements, qui « donnent des armes et quelques rations de riz pour asseoir leurs dessins malhonnêtes déguisés en démocratie », chanter l'amour aussi, espoir d'eau fraîche sur les fleurs massacrées d'une enfance, celle d'une petite fille de douze ans.
Une petite fille qui tente de coudre son soleil alors que les fils du temps s'entremêlent au lieu de se tisser. Son aiguille : l'écriture. Écrire l'amour. Envers et contre tout. Elle rature souvent, et fait « royaume de papiers froissés ».

« Je suis une épave chevauchée par la solitude dans cette vallée ténébreuse où j'écris une interminable lettre à ma bien-aimée ».

Voici l'histoire, atroce, de cette petite fille, Tête Fêlée, de sa maman Fleur d'Orange, prostituée, et de Papa, le compagnon de Fleur d'Orange mais qui n'est pas le père de la petite fille, bras droit du terrible Ange du Métal, chef de la mafia locale. Papa qui, lorsque il enfile sa robe-colère, inflige de sacrées raclées à la petite, surtout lorsqu'elle écrit ou qu'elle lit. Papa qui oblige Tête Fêlée à s'associer à ses méfaits. Kidnappings, vente de pistolets, piratages, trafics de drogues, braquages. Au mieux. Exécution sommaire sur gage. Au pire.

La poésie de Jean d'Amérique s'infiltre partout, tantôt elle laisse deviner avec pudeur, tantôt elle hurle avec ostentation, tantôt elle entremêle pudeur et cris, jugez plutôt lorsque l'auteur décrit les cases qui font office de lieu d'habitation :

« Face au mur. Dos au mur. Des mains libèrent leur saleté en l'imposant aux murs. Des bestioles se font écraser contre le mur où leur cadavre espère en vain des funérailles pendant très longtemps. Un corps – le plus souvent d'enfant ou de femme – se blottit contre les murs pour amortir une raclée. Les mains séparant la tête du mur, quelqu'un pleure. Les paumes luttant contre le mur, quelqu'un accueille le membre d'un autre par-derrière. Les murs témoignent ainsi de tant de passages. Les murs brandissent la mémoire riche d'un million d'étreintes ».

La fin du livre m'a laissée bouche bée. Glacée. Je l'ai refermé les yeux dans le vide. le coeur serré.

Ce livre est un coup de poing, ce livre est un cri, ce livre est magnifique. Ce livre montre à quel point la poésie est nécessaire pour hurler. Hurler la violence, hurler les inégalités, hurler le sexe non consenti ou tarifé. Hurler la beauté, aussi :

« Dehors, le ciel ramasse ses dentelles. Les lueurs du jour accrochent silencieusement leur voile au bout d'un vent invisible. C'est la nuit qui vient nous l'apprendre. Flots d'ombres qui épongent le crépuscule ».

Oui, les poètes ont des poings énormes !
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Tête Fêlée a douze ans et grandit dans la misère d'un bidonville haïtien. Sa mère Fleur d'Oranger fait commerce de son corps. Papa, qui n'est pas son vrai père, est l'un des hommes de main du caïd qui tient la ville sous sa coupe. Dans la nuit de sa vie sans avenir, l'adolescente s'est trouvé une étoile : Silence, une camarade de classe dont elle est amoureuse. Mais la naïveté de l'enfance survivra-t-elle longtemps à la cruauté du monde ?


Ce qui fait l'unicité de ce livre est d'abord le style sans pareil de son auteur, qui, mariant la crudité la plus directe à une poésie puissamment imagée, crée une langue originale, singulièrement travaillée, parfois déconcertante mais souvent d'une confondante beauté. Aussi chatoyante que brutale, elle assène ses vérités noires en les habillant de lumière, dans des tableaux d'une violence colorée qui évoquent tantôt la poésie contestataire du slam, tantôt le chant d'une tragédie éternelle.


Car les rêves et les espoirs qui gonflent encore le coeur de Tête Fêlée sont condamnés dans l'oeuf par l'irrépressible étau de la violence qui écrase un par un les habitants du bidonville. Misère rime avec loi du plus fort, et dans cette impasse du crime, organisé ou pas, que constitue ce quartier perdu, l'on est irrémédiablement seul et rattrapé par la nuit, même lorsqu'on a cru un temps en la beauté d'une étoile.


Désespéré et cruel, ce conte qui habille sa révolte de poésie est un cri d'une formidable puissance en même temps que d'une profonde dignité : une très belle voix pour le peuple haïtien, en proie à tant des maux, mais dont personne, parmi les autorités du pays, ne prend vraiment au sérieux les mouvements de contestation.

Lien : https://leslecturesdecanneti..
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♪ Emmenez-moi au bout de la terre
Emmenez-moi au pays des merveilles
Il me semble que la misère
Serait moins pénible au soleil ♫

Comme quoi, tout le monde peut dire des conneries…
Croyez vous vraiment qu'un SDF vive mieux la rue sous la canicule que dans le givre d'un matin d'hiver ? Croyez vous vraiment qu'une personne ayant faim, maitrise ses crampes d'estomac avec plus de joie sous le cagnard que sous la neige ?
Si vous pensez vraiment que la misère est sensible à la météo alors venez perdre vos illusions dans le premier roman de Jean D'Amérique, venez vous abimer dans les faubourgs de Port au Prince où la chaleur humaine n'amènera malheureusement aucune canicule, venez vous égarer dans un des pays les plus pauvres de la planète, Haïti en pleine mer des Caraïbes qui, elle, fait tant rêver.

« Tête fêlée » a douze ans, elle vit avec sa mère, alcoolique et prostituée, et son beau père, homme de main du caïd d'un bidonville local. Douze ans et déjà la rage, douze ans et tant de douceur, tant d'amour à donner. Tant de sordide déjà vécu, tant d'innommable et pourtant un espoir, son amoureuse. Une pensée pour elle et la petite fille que « Tête fêlée » n'est déjà plus (l'a-t-elle été un jour ?), retrouve au moins le chemin du beau, du tendre, de l'estime de soi, de l'autre.
Comment vivre la violence de la misère quand elle mêle l'exploitation de l'homme et ici plus particulièrement celle de la femme, ce commerce dans ce qu'il a de plus glauque, de plus immonde, à la peur des balles perdues par des gangs se faisant des concours bien burnés pour savoir qui a la plus grosse (des cons courts oui)… influence sur les différents trafics (what else ?).
Comment vivre le dénuement quand le mot avenir enchaîne les CDD d'une heure ou jusqu'au soir pour les plus optimistes ?
Comment garder la tête hors de l'eau quand on a douze ans ?

L'auteur donne la parole à « Tête fêlée » pendant 134 trop courtes pages et le moins que l'on puisse dire c'est que la « petite », elle envoie du force 10 !!!
Quand la poésie se met au service de la contestation, Jean D'Amérique n'est pas loin. Une écriture où la crudité du propos alterne avec quelques mots doux à l'âme et au coeur.
Chaque mot est à sa place et un chat est appelé un chat n'en déplaise aux âmes pures et sensibles. C'est rempli de poésie, de cette poésie qui crache, qui gifle le ressenti avant de l'apaiser quelques pages plus loin.
« Soleil à coudre » c'est l'humanité balafrée, c'est une blessure infectée par un système, c'est une cicatrice qui ne se refermera jamais complètement.
Oui la misère est violente et ce livre parle de cette violence faite à la vie, ce livre parle de la vulgarité de laisser se propager et d''entretenir cette misère.

J'ai « rencontré » Jean D'Amérique le mois dernier grâce à « Masse critique » et le grand « Cathédrale des cochons ». Pas loin pour moi d'être la meilleure pioche des « masse critiques » auxquelles j'ai participé. J'attendais déjà impatiemment son premier roman, me voilà déjà à scruter l'horizon, surveillant sa prochaine parution.
Finalement, âmes sensibles ne pas s'abstenir. Paru chez Actes Sud, ça devrait rassurer le lecteur hésitant quant à la qualité du fond comme de la forme… ou pas.
Une lecture coup de poing que je souhaite à tous.
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Comme un coup de projecteur éblouissant et indiscret  au fond des gouffres, voici un Soleil à coudre, de toute urgence, à la noirceur de la misère.

À coudre à poings serrés?

Coudre le sexe en rut  à la fleur délicate  d'un amour interdit.
Coudre la poésie des images à la crudité des mots.
Coudre les vertiges de l'ivresse, les vapes de l'herbe bleue à la tête froide qui condamne, à la bouche qui commande,  à  la main qui exécute.

Ou à la main qui écrit.

 C'est Jean d'Amérique l'assembleur habile et inspiré de ce  patchwork  contrasté où violence et poésie se marient dans le creuset dépaysant d'une langue neuve, forte, surprenante.

Une langue de chair et de feu, faite pour le cri ou le baiser. Une langue qui rend aux situations les plus romanesques et éculées un air de jamais vu, un air inconvenant et incongru. Une langue à  la fois brute de décoffrage et exquisement recherchée. 

 L'histoire , cette langue ne la raconte pas: elle la fait exploser dans une sorte de présent sans mémoire, dans un feu d'artifice qui éclaire l'instant.  Sans futur et sans passé.  Des tableaux vifs, colorés,  comme des morceaux d'existence qu'on n'aura jamais le temps d'organiser , de coudre ensemble.

 On va essayer pourtant.

L'histoire se passe à  Haïti, à Port-au-Prince, dans Le Quartier - un chaudron de sorcières où prostituées, drogués, ivrognes, assassins et sicaires,  petits gangs artisanaux et racailles de haut vol grenouillent et mijotent à l'envi.

Parfois certains cumulent les fonctions: Papa est un gangster et un assassin, Maman dite Fleur d'Orange,  une prostituée et une ivrognesse.

De temps en temps un politicien dont le cul est fait pour toutes les chaises passe, graisse les pattes, satisfait sa lubricité, monnaye son ascension, commande un meurtre, ou se fait bêtement trucider.

Tête fêlée, la narratrice est une toute jeune adolescente déjà rompue aux exercices du crime   -Papa a ses arguments pour la faire obéir- mais sa passion pour une petite camarade de classe riche et préservée lui donne les ailes de la poésie. Elle rêve de la retrouver dans la lointaine ville américaine où sa famille  l'a mise à l'abri. Elle lui écrit des pages fiévreuses  jamais achevées.  Elle a peur de se retrouver seule dans la nuit noire de son destin.

Un canevas des plus simple, presque simpliste.

Mais l'histoire n'est rien. C'est la façon de la raconter qui  crève le coeur, les yeux, l'imagination. Qui fait éclater temps et espace, balaye d'un revers de manche les conventions d'usage: l'effet de réel, la vraisemblance, la psychologie, la linéarité, les causes et les effets. 

Pour nous balancer sans cérémonie dans une réalité bien plus vraie, dans une sociologie brutale , une mythologie en action qui vous prend à la gorge. Rien qu'avec des images poétiques d'une inventivité foudroyante et  des ruptures narratives qui brisent en morceaux le récit comme on casse un jouet ennuyeux.

Seule la poésie a ce pouvoir-là. Elle l'a aussi, et on l'avait presque oublié

Dire autrement ce qui est tellement autre que si on s'y prenait normalement ça n'aurait aucun sens.

Merci Pascal pour m'avoir fait decouvrir ce livre inattendu, insolite.

Mon cher Henri Michaux aurait aimé je crois ce

Soleil à coudre, cette espèce de voyage en grande Garabagne..



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Tu seras seule dans la grande nuit, cette petite voix intérieure qui se répète.
Tu seras seule sous les étoiles de Port-au-Prince, la ritournelle d'Haïti.
Tu seras seule.

Tête fêlée, une jeune adolescente.
Fleur d'Orange, une mère putain et alcoolique.
Papa, un gangster qui n'en est pas à son premier meurtre.
Silence, une fleur dans cette constellation.
Silence, une beauté, un sourire aux jambes caramélisées.
Silence, une femme qui s'est enfuie et dont Tête fêlée rêve de retrouver.
De l'autre côté du rivage.
De l'autre côté des vagues.
De l'autre côté de l'océan.
De l'autre côté de la nuit.

Le soleil d'Haïti chauffe les êtres tellement qu'ils en deviennent fêlés. de cette terre qui n'est pas une terre mais un bidonville puant de merde et de désespoir, vit une belle âme à la Tête fêlée éprise d'amour dans cet immonde cloaque. Seule au milieu d'un enchaînement de violence, déchaînement de vents et de poussières, d'effluves nauséabondes et de vagues acérées. Seule dans la grande nuit.

Une histoire d'amour sous le soleil. Une histoire de pauvreté, de misère, de sexe, de violence. Un instant de désespoir, si triste mais si beau. Des immondices de la vie nait la poésie. Celle de Jean d'Amérique, un nom bien haïtien pour un portrait peu glorieux de son île. Mais quelle île ! Elle est magnifique, si belle, si chaude, si fiévreuse. Mais quelle rage, quelle intensité, quelle émotion…

La nuit t'appelle. Tu seras seule. La solitude t'attend, tu seras seule la nuit. Les étoiles éclairent les coins sombres de la rue, un chat sauvage, le chant du vent. Tu seras seule dans la grande nuit. La violence coule sur le rivage, de vieilles seringues comme des coquillages. Des cris s'immiscent dans la nuit, ébats violentés et débats éméchés. Une jeune fille à la Tête fêlée découvre ce monde, immonde. Elle rêve, d'amour, de toujours. Mais il n'y a que des corps à chevaucher, enjamber encore. En corps et en cri, la nuit. Elle change de trottoir, nouvel abattoir : la nuit est en sang, indécent. Je veux mourir comme une étoile qui brille sous ce voile noir. Cruel, ce soleil.
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Tête fêlée vit dans un bidonville haïtien. Elle n'a que douze ans mais dans ce monde de violence et de survie l'enfance n'a pas de place. Elle a donc l'âge de ses souffrances,de ses peurs,de ses rêves. Elle n'a pas d'âge. Une phrase maudite est ancrée en elle. Celle dont l'a assénee Papa,qui n'est pas son père mais l'amant de sa mère et un caïd au service d'un plus fort,l'Ange de métal: " tu seras seule" "tu seras seule dans la grande nuit". Pourtant un soleil foudroyant éclaire sa vie. Il s'appelle Silence et il est incarné par une élève de sa classe d'un tout autre milieu social qu'elle.
Dans une prose magnifique, jean d'Amérique donne naissance comme par magie à une poésie singulière et poignante. Une fleur splendide sur un tas de fumier. du plus sordide contexte il émerveille par un texte hors du commun.
Je ne m'attendais pas à une fin heureuse mais la chute de ce roman conclue par une gifle frigorifiante !
C'est le deuxième roman haïtien que je lis après celui de René Depestre. La langue est différente mais j'y ai retrouvé le même vocabulaire imagé visiblement propre à la culture haïtienne. Je trouve que cet univers et la poésie violente de René d'Amérique est assez proche de l'écrivaine B.Evaristo.
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ATTENTION COUP DE COEUR

Pas facile de grandir dans un bidonville d'une grande ville d'un pays « en voie de développement », comme on dit pudiquement, dans un « lieu exsangue où le parfum des soleils s'abîme entre vies fangeuses et pluie de cadavres. ». Pas facile de grandir dans « la Cité de Dieu, et ce n'est ni un film, ni un roman fantastique. Ici l'on voit les averses du dénuement sur les joues, les lignes brisées des regards, le gouffre dressé dans les yeux, les gueules qui se racontent au vide, le si lointain exil du pain, d'instruction ou de nutrition, les gosses sans soleil à l'horizon qui rampent dans l'ombre de la violence » dans un pays « qui écrase les rêves »…

Pas facile d'être la fille d'une mère « pirogue voguant sur l'ivresse même », alcoolo et à moitié putain, qui pense que « se noyer est le meilleur chemin pour tirer son auréole des abysses ». Pas facile d'être la fille d'un père qui est « le cercueil de la tendresse », un homme « qui ne se sent traversé par la vie que quand il cogne. Je frappe donc je suis ».

Et pourtant, la rage de vivre, car même si les « mains enlacent le néant » pour «coudre sa vie au fil des balles, dans la mortelle périphérie du sang. Ils ne lui ont point offert de bonheur, ne lui ont rien apporté dans la vie, mais lui ont permis de vivre, et ça c'est grand. »

Et pourtant la rage d'écrire, en « quête d'un asile au bout des lettres ». Écrire, même si c'est une tâche ardue, si c'est difficile de « capter quelque lueur de cette aubaine, fixer sur la page cet éclair qui se répand en un long frisson dans mes artères. Ratures », s'il s'agit souvent de faire « royaume de papiers froissés ».

Et pourtant la rage d'aimer. Aimer une autre jeune fille pour qui elle a « des roses coincées dans le coeur, des papillons au coin des yeux à lui dessiner ». Elle « rêve d'avoir la tendresse des fleurs pour s'approcher de sa beauté, de se muer en rosée pour convenir à son aurore. ». Une autre jeune fille qui est « sa lune » dans la nuit qui « arrose les cauchemars jusqu'au bout du matin».

Et se demander si la seule vérité n'est-elle pas de « marcher dans l'autre » ?
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La noirceur d'encre que dépeint Jean d'Amérique est contredite par la lumière qui irradie de ses mots incandescents, d'une pureté absolue. Il entremêle le conte et la fresque sociétale, le vers et la prose, fait de l'histoire d'amour de son héroïne le vivier de son existence, de son inspiration. Seul réconfort, seul espoir dans cet océan de noirceur, cette passion fait faire des folies à Tête Fêlée, mais lui permet aussi de coudre un soleil à sa nuit (plus de détails : https://pamolico.wordpress.com/2022/05/31/soleil-a-coudre-jean-damerique/)
Lien : https://pamolico.wordpress.c..
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Tête Fêlée, adolescente, vivote entre les passes de Fleur d'Orange, sa mère, les magouilles de Papa, son beau-père, auxquelles elle participe, aidant l'Ange du Métal, le chef craint du bidonville de la Cité de Dieu, à faire encore plus de profit. Dans sa cabane familiale de tôle, elle s'essaie à l'écriture d'une lettre pour son amoureuse, Silence, la fille de son professeur, sans succès. Jusqu'à la multiplication de drames, qu'elle en soit coupable ou victime, qui vont poser les cartes de son destin jusqu'au bout, destin énoncé, comme un leitmotiv, par Papa, dès les premiers chapitres : « Tu seras seule dans la grande nuit ».

De la violence dans le sang, en un conditionnement qui s'est fait progressif, entre le bidonville, Papa, et Fleur d'Orange, Tête Fêlée est celle qui raconte Haïti en une poésie âpre, rugueuse, noire, qui transfigure la misère, le meurtre, le vol, le viol, la prostitution, le personnifie en une entité dévoreuse d'humanité, d'espoir, dans lequel la seule source de salut, bien que relative, semble être cette même transfiguration, faisant osciller la plume de Jean d'Amérique entre lumière et obscurité, entre beauté poétique et laideur prosaïque de la réalité, entre gravité et grotesque, en un carnaval de sens, de mots, de sentiments, de scènes, qui frappent, qui choquent, qui sidèrent, qui éblouissent aussi.

Que ce Soleil à coudre est brillant, exceptionnel ! J'ai, encore une fois, été estomaquée par la virtuosité de l'auteur à nous prendre au coeur et aux tripes pour nous livrer, corps et âme, son pays, dans tous ses paradoxes. le reste de son oeuvre poétique encore non lue est dans ma PAL : je n'attendrai, cette fois, pas deux ans, comme je l'ai fait pour ce roman, à la faire patienter.
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Quel soleil à coudre quand ton horizon sombre est bouché ?
C'est pourtant bien ce que cherche à faire Tête fêlée, petite haïtienne de 12 ans qui vit dans le bidonville de la Cité de Dieu, « Sale quartier, à l'image de son nom propre ».
Sa vie dans une cabane, avec sa mère Fleur d'Orange, prostituée, alcoolique, son Papa qui n'est pas son père et est le bras droit du chef de gang local.
Sa vie entre l'école et les diverses missions que lui confie Papa… L'école qu'elle fréquente régulièrement non pas parce qu'elle croit en l'institution mais pour voir son amoureuse, « Je viens ici pour deux raisons : répondre au mensonge d'une société vendeuse de diplômes et surtout guetter la lune de ma vie, celle qui règle mes frissons. » « Tout ce qu'on apprend ici n'a rien à voir avec ce qui se passe ailleurs, en dehors de ce bâtiment ». L'école qui lui fournit l'uniforme de l'innocente écolière bien pratique pour livrer un calibre dans la boite à lunch…
Sa vie faite des rumeurs, des légendes « de la bouche qui donne et de l'oreille qui reçoit » mais aussi la prédiction que Papa ne manque de lui asséner régulièrement « Tu seras seule dans la grande nuit ».
Un récit court et pourtant complet quand il s'agit de dresser le portrait d'Haïti à travers celui de cette fillette. Elle est pleine d'espoir et en même temps désabusée. Comme toute la jeunesse haïtienne, elle rêve d'autre chose mais est écrasée par la violence.
Un récit poétique et en même temps brutal.
Un chant, un cri.
Et une chute déchirante….
Merci à @TerrainsVagues dont le billet m'a permis de découvrir ce jeune auteur plus que prometteur.
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