Un plateau de télé.
Auguste et Elia (qui n'est pas Elia).
Elia : Puis vient le moment du départ.
L'heure de traverser les frontières, de passer tous les postes et de poser sa vie ailleurs.
La fuite a lieu la nuit.
Dans son dos la ville brûle en rouge et or.
Auguste : Ce n'est pas tout à fait exact de dire que la ville brûle. Mais l'image est jolie alors oui nous dirons comme ça. Ce n'est pas exact non plus de dire fuite. Elia : C'est ici en France que débute la vie d'écriture. Un premier roman fulgurant. Les autres qui suivent bardés de prix ou de mentions.
Auguste : Vous essayez de me faire rougir.
Elia : Quand on lit "là-bas" on sait très bien de quel "là-bas" il s'agit si on se fie aux origines de l'auteur. Mais il s'agit en même temps d'un "là-bas" fantasmé. Embelli sans doute.
Auguste : Encore là ce n'est pas exact. Tout a été gardé tel quel.
Il n'y a pas de différence entre l'écrit et le réel, la vérité et la fiction. Les ressemblances même fortuites sont vraies et dépendent entièrement de l'écrivain et du monde qui l'entoure.
Elia : Dans tous les textes un prénom revient. Un seul et même prénom de femme.
Auguste : Le seul que je pourrai jamais écrire.
Elia : Encore là impossible de savoir s'il s'agit d'un fantasme ou pas.
Auguste : Pas de fantasme. Je vous le répète.
Vous ne m'écoutez pas.
Elia : Cette femme c'est Hada.
Un mystère aussi grand que le pays lui-même plane sur elle.
Auguste : Pourquoi vous dites mystère ?
Elia : Dans le dernier texte le prénom de la femme semble s'effacer.
Le mystère s'épaissit plus encore.
Auguste : Dans l'histoire il y a Hada oui mais aussi Elia sa soeur. Qui d'ailleurs vous ressemble étrangement.
Elia : Le texte restera inachevé.
Jamais on ne saura exactement s'il s'agissait d'une femme d'un pays ou bien d'un rêve. C'est là tout le pouvoir de la littérature.
C'est aussi toute l'imposture d'une écriture.
Auguste : Je peux tout expliquer. Tout existe tout est vrai.
Ce pays je ne l'ai pas inventé pas quitté pas fui. Dans chaque livre j'y reviens. Chaque nuit. Je n'ai quitté personne. Je suis ici. Hého. Pourquoi ça sent le feu ?
Elia : C'est l'heure Auguste il est temps de partir.
Auguste : Ah bon c'est l'heure déjà oui. Un avion m'attend je crois.
Elia : Il faut partir maintenant.
On se retrouve de l'autre côté.
Gustave Akakpo. Chiche l'Afrique.