Marion Olharan Lagan propose un texte très accessible, remarquablement sourcé et dont les références anglo-saxonnes, indispensables pour comprendre ce qui se joue dans la tech, sont explicitées avec précision.
Voilà une analyse percutante, sociétale et technologique qui montre (encore une fois) l'invisibilisation, la dévaluation des femmes dans un secteur particulier, et au delà, le système de domination technologique, puis capitaliste, créé par des hommes puissants dont le seul mérite est leur héritage et l'usage délétère de leur réseau.
L'autrice "met les USA dans son microscope". Chercheuse, enseignante, mais aussi, ancienne cadre chez Amazone, elle propose une vision de l'intérieur, nourrie par ses recherches, son expérience et les témoignages de ses anciens collègues.
Si tout le livre est éclairant, certains points se distinguent : les explications sur le droit d'accès à Internet (des points de vue très différents entre la France et les USA, produisant des répercussions légales et financières impactantes), Élisabeth J Feinler organisant Arpanet, Paméla Hardt-English créant Ressource One, Stacy Horn au coeur du premier réseau social ECHO bien avant Facebook, l'analyse des outils de manipulation comportementale mis en place par les GAFAM, les biais de l'IA générative induits par l'absence de diversité et leurs immenses répercussions, les choix d'usage de l'IA dans le déni total des conséquences sur les ressources énergétiques mondiales...
L'état des lieux, solide, très complet, analytique, factuel et culturel, élaboré par
Marion Olharan Lagan, permet de comprendre pourquoi le bon sens et l'apport des sciences sociales et fondamentales seront insuffisants pour combattre un système industriel assis sur le patriarcat dont le capitalisme est l'émanation économique.
Arc-bouté sur ses propres objectifs (profits et domination technologique), quelles qu'en soient les conséquences sociales, et l'impact écologique (la lune et les bunkers privés pour les dominants, la survie pour les dominés), ce système apparaît pour ce qu'il est, mortifère et excluant.
Plus informés, plus au clair avec la réalité américaine, nous pouvons, comme nous y invite l'autrice, retrouver notre agentivité, choisir nos usages et nos combats pour créer collectivement et individuellement notre protopie, dans laquelle la tech sera "un instrument de libération et de mutation. Un outil qui nous permettra de construire un monde meilleur et non le meilleur des mondes".
Merci à Babelio et les remarquables éditions Hors d'atteinte pour cette lecture de grande qualité, que je recommande vivement.