Collé est un familier du duc d'Orléans, qui en fera son secrétaire. Il commencera comme chansonnier, n'hésitant pas à en écrire des lestes mais aussi patriotiques. Il continuera par des parades puis des petites comédies. Enfin, en fin de carrière, il essaiera de se faire jouer à la
Comédie Française. La partie de chasse d'Henri IV y était destinée, mais elle a été interdite à Paris par Louis XV et n'y sera jouée qu'à partir de 1774, elle tournera toutefois en province, et aussi dans des théâtres privés, dont en premier lieu celui du duc d'Orléans. La fortune de cette pièce montre l'importance que ces théâtres privés ont pris à l'époque. La pièce aurait connue différentes versions successives, la version définitive aurait été représentée pour la première fois à Bagnolet, chez le duc d'Orléans en 1764..
Après la mort de Louis XV, la
Comédie Française décide de mettre la pièce de Collé à l'affiche pour répondre au succès d'une autre pièce avec Henri IV comme personnage principal : La bataille d'Ivry de Durosoi donnée aux Italiens.
Le premier acte est un peu à part dans la pièce : il tourne autour d'une explication entre Henri IV et Sully. Des courtisans, dont le marquis de Conchiny (mari de Léonora Galigaï) intriguent pour éloigner le ministre, le brouiller avec le roi. Mais une explication franche et massive a lieu entre les deux hommes, Sully se lave des soupçons, et le roi lui accorde de nouveau toute sa confiance, au grand dépit de Conchiny. Nous apprenons qu'il a fait enlever une jeune paysanne qui lui plaît, mais que cette dernière a réussi à s'enfuir.
Dans le deuxième acte commence la partie de chasse. Vite interrompue. le roi s'est perdu, il se retrouve tout seul. Il rencontre un meunier, Michau, auquel il se présente comme un modeste personnage faisant partie de l'escorte du roi. Michau va l'emmener chez lui pour le faire souper et dormir, en le traitant sans façons, ne l'ayant pas reconnu. Par ailleurs, Agathe, la jeune femme qui a échappé aux griffes de Conchiny est arrivée dans le coin, mais elle n'arrive pas à convaincre la société de sa bonne foi, et elle a peur d'avoir perdu son fiancée, Richard, fils de Michau. Suivent des scènes comiques, où le roi est un peu bousculé par la famille, participe aux tâches domestiques, et où il fait le galant auprès de Catau, la jeune fille de la famille. La farce prend fin avec l'arrivée de courtisans, aussi perdus, qui provoquent la reconnaissance du roi. Qui débrouille aussi la sordide affaire de l'enlèvement et permet le mariage des deux jeunes gens.
C'est une pièce assez étrange, en dehors des règles. La première partie a un aspect historique, et le reste est une comédie, mais avec au centre le roi, qui en devient un personnage comique. Même si l'aspect hagiographique est aussi présent : ses sujets le vénèrent, et c'est en quelque sorte le modèle du bon roi, soucieux du bien de ses sujets, proche du peuple, débonnaire et juste, qui ne se laisse pas manipuler par des mauvais conseillers. Peut-être une sorte de leçon de ce que devrait être un roi, ce qui a pu déplaire à Louis XV dont l'image souffrait sans doute de la comparaison avec son illustre prédécesseur.
La pièce a eu beaucoup de succès jusqu'à la révolution, provoquant paraît-il, des pleurs des spectateurs et des ovations pour Henri IV. Maintenant il faut vraiment décoder, pour essayer de comprendre en quoi elle a pu être subversive. Cela illustre en tous les cas, comment le théâtre participait aux débats du temps, et comment les pièces, au-delà d'une valeur artistique, transmettaient un message qui parlait aux spectateurs.