6.
Le Zulu suivi de Vwène le fondateur
Tchicaya U Tam'si
4.00★
(9)
Dans Le Zulu et Le Destin glorieux du Maréchal Nnikon Nniku, Tchicaya a choisi la société politique africaine en général, la société politique congolaise en particulier, en toile de fond, pour dénoncer, et projeter une autre scène politique. Ses deux pièces, comme ses romans, sont une longue interrogation sur le pouvoir africain à travers la figure marquante du dictateur sanguinaire, mélange de tous ceux qui ont dirigé ou dirigent encore l?Afrique. Ces « guides providentiels » (les mots sont de Sony Labou Tansi), envoyés en Afrique par Dieu, se sont illustrés par leur incapacité atavique à proposer une politique du développement qui tienne compte des intérêts du peuple. Au lieu de cela, ils instaurent un pouvoir personnel, sanguinaire et liberticide qui infantilise le peuple. Dans les pièces que nous venons d?analyser, Chaka, le Zulu et le Maréchal Nnikon Nniku sont trois figures d?une même médaille.
Pour bien montrer le caractère ridicule de ce type de dirigeant, le poète congolais va jusqu?à la caricature. Leur programme économique se résume à encourager le peuple aux plaisirs épicuriens : forniquer, danser, boire, paresser dans les rues. Tous les travers que moquait en son temps Rabelais. Leur discours est un ramage de discours que les gauchistes ne renieraient pas, mais il satisferait aussi les défenseurs du capitalisme. Toute l?Afrique se trouve concentrée là dans ces pages. Le bar, lieu de la convivialité et des plaisirs, la rue bruyante, sont des lieux de la subversion. L?exclue, Nnyira, la prostituée, Lheki, le barman, sont des révolutionnaires qui affrontent le pouvoir. Sur ce dernier point, Tchicaya U Tam Si est en avance sur d?autres écrivains africains francophones. Il rejoint, dans une certaine mesure, Aimé Césaire et Wole Sonyika. Comme, Schiller, Tchicaya donne une autre dimension à la marginalité, qui va libérer le peuple. Où sont donc passés les intellectuels africains pour laisser la marginalité et le « petit peuple » réfléchir à la révolution ? Où sont donc les opposants pour laisser les exclus seuls organiser la résistance à la dictature ? Est-ce une manière pour le poète de montrer qu?en Afrique, l?intellectuel est loin des préoccupations du peuple ? Ces poèmes sont un halo de voix qui s?entrechoquent, s?entrecroisent. A certains moments, on croit entendre la voix du poète commentant les paroles de ses créatures, ou se joignant à la leur. Pour dire l?inadmissible, Tchicaya U Tamsi a opté pour un vocabulaire violent. Pour dire la dictature, n?est-ce pas la caricature qu?il fallait comme portrait du dirigeant ? Dans cette Afrique où la récupération est la philosophie du soldat, la révolution des déshérités a amené au pouvoir les soldats qui ont été au pouvoir avec Nnikon Nniku. N?est-ce pas un coup d?Etat de palais déguisé en révolution, comme il y en a eu un peu partout en Afrique ? Ces poèmes sont un procès des indépendances qui n?ont propulsé sur le devant de la scène que des aventuriers.
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