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Le Panopticum

Nous voilà recouvert de neige. Une neige lourde, boueuse, sale, qui fait patauger Madame Russie dans des flaques de détresse. La guerre civile fait rage, les gens sont pétrifiés de froid et de peur. Le chaos, l’incertitude et la violence achèvent les habitants de Krasno-Selimsk.



Quand s’en vient un curieux wagon nommé Panopticum. Un mélange de cabinet de curiosités et de freak-show ambulants. L’excitation de cette nouveauté est de courte durée. La section spéciale dédiée aux femmes est jugée trop inconvenante. Une interdiction de plus ou de moins, me direz-vous…



Une ribambelle de personnages plus singuliers les uns que les autres nous sont présentés. Chacun leur tour, ils nous laissent découvrir leur particularité ou leurs desseins dans cette triste période anarchique et désespérée.



La pluie, le froid, le gel, la famine ; le paysage se meurt et ses habitants semblent l’accompagner.



Les locataires du Panopticum désertent peu à peu, chacun son tour, comme arrivés à échéance, à bout de volonté. Marguerite fait partie de ceux qui veulent espérer.



Le froid mord et condamne.

L’arrivée des anarchistes-égocentristes finissent de chasser nos monstres de foire esseulés.



Les échos qui résonnent sur la place de l’église annoncent le départ des bolcheviks.

Les nouveaux locataires du Panopticum s’installent et revendiquent un sens à leur combat.



Traîtrise, faiblesse, abandon… Les anciens locataires sont épuisés, perdus et désœuvrés. Ils n’ont même pas eu le droit d’emporter une seule de leurs œuvres. Seuls les vêtements et quelques articles de literie ont été autorisés à être emportés. L’humiliation et la cruauté de ce geste sont terrassants.



C’est une troupe de plus en plus clairsemée que l’on retrouve chancelante et désormais déchargée de toute fonction. Les déconvenues et les malheurs vont s’abattre sans trêve sur les amis restants. C’est une sale période pour perdre à la fois son gagne pain et son logis.



La ville alors blanche de neige contraste par ses nouveaux envahisseurs tout de rouge vêtus.



Les habitants de Krasno-Selimsk survivent tant bien que mal. Ils se permettent de rêver, aussi purs et rudimentaires soient leurs songes.

Les plus petits, affamés, ne laissent plus guère le choix, et le nombre de chiens sacrifiés grimpe peu à peu.



Marius Petrovitch soutient son groupe coûte que coûte et parsème ses réflexions les plus sincères à qui veut bien l’entendre. « […] et qu’il faut absolument que les unités - les unités intellectuelles - trouvent une issue ; chacune d’elles porte sur les épaules la source d’une force immense : la tête. Avec la seule volonté, elle peut amener la lumière ou les plus sombres ténèbres. »



La pureté et la clarté renvoyées par la neige, contraste lourdement avec l’insalubrité et la noirceur du quotidien de tous ces pauvres gens affamés, effrayés et perdus. Monstres de foires, anarchistes, simples familles, tout le monde tente de survivre, certains se battant pour leurs idéaux, d’autres laissant les plus forts combattre pour eux. Mais le bilan est le même pour tous. Tout le monde aura perdu quelqu’un ou quelque chose…



Ce court roman est vraiment bouleversant. Une aura très étrange, presque mystique plane tout au long du récit. Les caprices du temps rendent la lecture envoûtante, presque inquiétante. La singularité des personnages est tellement atypique dans ce contexte des plus terribles ; les contrastes sont partout et une douce mélancolie nous transporte du début à la fin.
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Le ciel tombe

Lorenza Mazzetti signe ici un roman autobiographique dévastateur, ciblant avec tendresse et beaucoup de pudeur, les traumatismes liés à l’enfance, si nombreux, trop nombreux, et infiniment injustes.



Catapultés au milieu de cette infamante Seconde Guerre Mondiale, le quotidien de ces deux fillettes Penny et Baby, m’a brisé le cœur. Le parcours de cette vie d’enfant dans lItalie catholico-mussolinienne, est un véritable crève-cœur.



L’éducation et le savoir de ces enfants sont tellement tronqués et biaisés par la religion et les folies de l’instruction d’alors, que Penny est persuadée que ses parents tous deux décédés, vont redescendre sur Terre, un jour ou l’autre, et qu’en attendant, ils la surveillent de là-haut pour s’assurer qu’elle est la gentille petite fille sage que l’on attend qu’elle soit.



« Le Diable est dans la villa. »

C’est ce que l’on serine à ces petites filles, accusant leur oncle d’exister en tant que juif et traître à Jésus.



Entendre les pensées et les paroles de Penny en adoration totale devant Benito Mussolini est particulièrement malaisant, choquant et terriblement triste.



Je n’ai pu m’empêcher de repenser au célèbre film de Roberto Benigni, La vie est belle, traçant un parallèle entre le petit Giosuè et les deux fillettes qui ne se rendent pas compte de ce qui se joue de si cruel autour d’eux.



L’innocence et la pureté des sentiments de Penny sont incroyablement attendrissantes. On retrouve en elle la force et l’exclusivité réservées aux histoires d’amitié de son âge. « Je pourrais tout accepter de la vie sauf une chose : ne plus recevoir les sourires de Baby. Si Baby est en colère contre moi, le ciel s’assombrit, le soleil devient noir et mon cœur se glace lentement. »



Mais ses sentiments et ses actes restent toujours incompris des adultes qui ne cessent de la punir sans jamais tenter de la comprendre, encore moins de l’écouter. « Les grandes personnes, les grandes personnes. Les grandes personnes ont toujours raison et nous, les petits, on ne peut rien faire : ma vérité et mes mensonges ne sont pas vrais. »



Au sein de cette éducation religieuse ultra rigide, les enfants apprennent à se sentir coupables pour tout et n’importe quoi. Ils cherchent à se punir eux-mêmes, se maltraitent et s’inventent des péchés pour mieux correspondre aux ordres qui leur sont donnés. Ils vivent ainsi dans l’inquiétude permanente de finir en Enfer avec le Diable. « Les adultes croient toujours que les enfants ne souffrent pas […]. »



Tout cela pendant qu’un démon bien réel nommé Benito joue au grand chef…



Le ciel tombe est un roman magnifique, terrible et inoubliable.
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La valise

— Vodka de conscience —



« On vient ici se cuiter tranquilles, entre gens civilisés, et y en a encore qui nous les cassent. »



Sergeï Dovlatov quitte l’URSS, émigre aux USA. Il a le droit a seulement trois valise, mais une seule lui suffira. Des années plus tard il l’ouvre et en sort différents objets prétextes à des récits drolatiques (pour ne pas dire nouvelles – clin d’œil à BookyCooky).



Dovlatov (« le type qui n’a pas de voiture à Forest Hill »), l’écrivain, le narrateur, son personnage, est à tous ceux-là un type irrésistiblement sympathique. L’entretien publié en postface par La Baconnière le confirme.



« Je ne sais pas pour qui j’écris. Demandez à un coq pour qui il chante, ou à un peuplier pour qui il agit ses branches. »



Il écrit, en URSS où il n’est pas publié. Des récits dévastateurs sur l’Union soviétique post-Staline, grise et étriquée, abrutie de vodka, plus Beckett ou Hasek qu’Ubu (Jarry) ou Kafka.

De la base au sommet, du détenu au gardien, rien n’a de sens. Mais c’est du tragique de l’existence, pas de critique sociales et politiques dont il est question. Comme si l’URSS avait pour seul avantage ou désavantage d’être une société à poil, privée du couvert mensonges performants.



« Je n’avais même pas de griefs contre le pouvoir : j’étais habillé, chaussé et jusqu’au bout, dans les magasins soviétiques, ils vendaient des pâtes, je n’avais pas besoin de penser à ma subsistance. Si j’avais été édité en Russie, je ne serais pas parti. »



D’autres le sont, même des bons. Aux USA il est édité, mais la littérature n’y est ni vendue ni considérée (à la différence de la maculature, dit-il, des Stephen King ou Robert Ludlum).

Le seul avantage (?) qu’il voit à la loi du marché c’est de rendre impossible la publication d’un livre idéologiquement non-conforme (à voir !). Du talent, on en trouve partout.



Et il y en a dans La valise, rédigé rapidement début 1985. Un peu trop vite possiblement. J’ai souvent eu l’impression que les récits auraient pu être mieux menés, mieux écrits. D’où mes réserves. Mais je ne regrette pas cette découverte que je dois aux babéliotes.



J’aime bien ce type.



« Personnellement j’écris pour mes enfants, pour qu’après ma mort ils me lisent et comprennent qu’ils avaient un père en or, alors enfin les larmes tardives du remord jailliront de leurs impitoyables yeux américains. »
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