Sabine Wespieser [corriger]

Voilà un drôle de roman, au double sens de l’adjectif. Alice est une femme sous l’emprise de son mari et le jour où il se retrouve au chômage, le couple est dans l’impasse et elle est sommée de trouver du travail. Alice est emmurée dans SA vérité, celle de vivre une histoire d’amour peu commune alors comment gérer la nécessité de faire face à des problèmes d’argent et la jalousie maladive de ce mari qui lui voue « un amour tellement fort qu’il en est violent » ?



Le travail qu’a trouvé Alice, un peu par hasard, la conduit vers une association diocésaine ayant pour mission l’instruction des candidatures à la canonisation. En clair, elle travaille pour « La cause des saints », un bureau qui existe vraiment. Vous ne savez pas de quoi il retourne ? Moi non plus, et Alice non plus ne savait pas, mais étudier le CV de potentiels futurs saints est fascinant et plus Alice se passionne pour sa mission, plus son mari resserre ses pressions.



Chaque Saint apporte la lumière, à chaque instant son mari (qui n’a pas de nom, le mal n’a pas de nom) la ramène vers les ténèbres. Dès le départ, on a envie de la secouer Alice mais c’est bien là que le mécanisme de l’emprise trouve sa source, dans le déni et dans les histoires qu’elle se raconte pour rester dans le monde merveilleux qu’elle s’est crééé.



Heureusement, parmi ses collègues, Anne-So est d’une bienveillance à toute épreuve, elle pourrait même être une sainte tant elle s’occupe d’Alice qui perd chaque jour davantage pied au point de prendre pour confident un goéland !



J’en ai déjà trop dit et « En vérité Alice » est un roman multiple et original. Le thème central reste les violences conjugales mais quand le monde d’Alice rencontre celui des saints, c’est l’humour et la lumière qui surgissent faisant de ce livre une véritable réussite car le sujet n’était vraiment pas facile !



J’ai beaucoup apprécié les précédents romans de l’autrice, « Roissy » et « L’Ami », radicalement différents mais avec un point commun, les tréfonds de l’âme humaine et toujours une certaine luminosité.



Le style est impeccable, rapide et nerveux, l’alternance des monologues d’Alice et de la trame narratrice est parfaitement menée, cela se dévore.

Ce genre de petites choses m’a plu parce qu’il a vraiment pour but d’évoquer un fait assez bref, cette petite chose, ce truc de la vie mais qui fait toute la différence. J’ai été touchée par Bill, ce père de famille sensible à ses filles, à son épouse et aux femmes en général. J’ai aimé la rencontre toute douce évoquée dans ce roman, la façon dont on évoque le mal de façon presque survolée mais en sachant que tout y est dit. Et puis surtout, cette jolie fin ou comment Bill inverse la vapeur de la manière la plus simple qui soit. Un beau message qui illustre si bien la façon dont la vie pourrait être plus douce si nous étions tous des Bill en puissance.
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Encore un (dur) roman sur une famille qui subit la violence d’un père et les stigmates laissés sur une des filles qui doit vivre avec toute sa vie.

Comment se reconstruire quand on a vécu dans la peur toute sa jeunesse ?

Comment apprendre à se laisser aimer et à aimer en retour ?

Comment pardonner à ceux qui savaient et qui n’ont rien dit par lâcheté ?

Très beau roman.