Le Bureau des Affaires Occultes, publié par les éditions Albin Michel en 2021, a remporté un franc succès et a été couronné par plusieurs prix littéraires dont le prix Maison de la presse, le prix Griffe noire du meilleur polar historique de l'année, prix Lire sous les étoiles. La langue d'Eric Fouassier est musicale, riche d'un vocabulaire choisi, même dans les moments de tension dramatique: "Affronter sa peur...Il s'y était préparé dans sa tête. Il se croyait suffisamment fort pour s'arracher au piège. Mais là, il ne sait plus. Il n'arrive plus à faire émerger la moindre pensée cohérente du chaos qui règne sous son crâne. Un froid glacial s'est emparé de lui. Qui lui liquéfie les os." (Pages 11-12)...Des phrases qui se débitent à vive allure, entraînant le lecteur dans une sorte de frénésie irrépressible: "Pris de vertige, le jeune garçon a dérivé entre les baraques, les tentes et les tréteaux dressés. désemparé, irrésolu. Incapable de discerner le moindre visage dans cette marée humaine qui lui semblait constituée d'un seul bloc. Il aurait voulu qu'une main secourable se tende, mais personne ne lui prêtait attention. Nul ne remarquait son masque hagard et ses mains maculées de boue." (Page 13).
Valentin Verne, détaché à la Sûreté en raison de ses qualités "à la fois fiable, discret et qui ne puisse être soupçonné d'avoir un quelconque parti pris politique", pour une mission délicate: enquêter sur le soi-disant suicide du fils du député Charles-Marie Dauvergne, homme distingué. Bien que Valentin se soit donné pour but de coincer celui qu'il poursuit depuis des années et qu'il surnomme le Vicaire, Valentin ne saurait refuser une offre qui, de toute façon, a déjà été entérinée en haut lieu.
Détails intrigants: le jeune homme qui se défenestre sous les yeux de sa mère au cours d'une fête, arborant un sourire extatique. Curieux, pour un suicidé!! Cette mort suspecte aurait-elle un rapport avec un groupuscule soupçonné de conspiration républicaine, se réunissant aux Faisans Couronnés, crime grave sous le règne de Louis-Philippe, le roi bourgeois faussement débonnaire? Très vite, Valentin se dit que l'affaire Dauvergne "s'annonçait plus complexe que prévu et il commençait à se demander, non sans une certaine appréhension, jusqu'où risquaient de l'entraîner ses obscurs méandres." (Page 71).
C'est alors que survient une seconde mort suspecte: le sieur Tirancourt, voyageur de commerce et bonapartiste notoire, s'est donné la mort dans une maison galante. Il a fracassé toutes les glaces de la chambre à l'aide d'un chandelier, a menacé sa compagne avec un pistolet avant de se donner la mort. Avant de succomber, Tirancourt a prononcé cette phrase étrange: "ce sont les miroirs qui m'ont obligé."
Valentin pressent que cette mort suspecte pourrait avoir un lien avec le "suicide" de Lucien Dauvergne, mais lequel? Serait-ce un mobile politique? Mais d'autres questions cruciales accaparent le jeune inspecteur: qui s'est introduit dans son cabinet secret et pourquoi? Celui qui a tenté de l'assassiner dans la rue, à la tombée de la nuit, aurait-il maille à partir avec le Vicaire?
Autant de questions auxquelles valentin devra répondre avec la plus grande prudence s'il veut conserver la vie et résoudre l'affaire des suicides mystérieux. Car le danger guette à chacun de ses pas dans les venelles sombres et crasseuses de la capitale occulte...
Le Bureau des Affaires occultes propose une intrigue complexe qui mêle l'affaire des suicides suspects au trafic de l'homme surnommé Le Vicaire. Complexité facile à suivre grâce aux dialogues constructifs, aux passages narratifs permettant de nouer les fils entre eux.
Eric Fouassier mêle habilement fiction et réalité historique afin de donner un aperçu le plus juste possible de la police de l'époque: "Le temps de Vidocq et de ses sbires est révolu. Il est assurément possible de faire œuvre de bonne police avec des gens parfaitement intègres" (Page 37), des dernières avancées de la médecine légale encore très rudimentaire: "J'ai toujours eu un goût prononcé pour l'étude et il me semble qu'un enquêteur digne de ce nom ne peut négliger certaines avancées scientifiques. J'ai eu le bonheur il y a deux ans de suivre quelques cours de toxicologie du professeur Orfila ( professeur de médecine légale à la Faculté de Paris, auteur d'un Traité de Médecine Légale, devenu à l'époque l'ouvrage de référence en la matière). (Page 53).
Le +: l'art de la mise en scène grâce à des mots choisis, des enchaînements judicieux: "Le soleil commençait tout juste à percer l'épaisse couche de nuages. Sur la rive opposée, en contrebas des Tuileries et du Louvre, une lumière pâlichonne baignait le port Saint-Nicolas. Le lieu fourmillait déjà d'activité. Tout en poursuivant son chemin, Valentin suivit des yeux l'agitation des mariniers et des portefaix qui s'affairaient sur la rive boueuse, ainsi que l'embarquement des premiers passagers à bord du coche d'eau desservant Chaillot, Auteuil et Javel." ( Pages 34-35).
Le Bureau des Affaires Occultes est un roman passionnant par son érudition discrète, son assise historique solidement documentée, peu importe le sujet traité, son intrigue habilement menée, ses personnages intéressants. 356 pages au cours desquelles on ne s'ennuie pas une seconde.
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