Citations de Yves Navarre (259)
Où il y aurait été question de la colère qui guette et du matin qui invite, on croit que tout est possible, tout a de nouveau une odeur, une saveur, un contour différents, on se dit que tout peut recommencer sans rivalités excessives, petites ou grandes guerres, sans plus aucune haine ni hantise, puis tout se détériore, tout se déglingue et tout se reproduit, comme la veille. On aurait presque peur du lendemain. Mais il y a une nuit et de nouveau un matin. Ainsi de suite.
(...) Il y a des dynasties dans les forêts de ma tête et des cavernes qui recèlent des trésors dans les chambres les plus secrètes. On peut y connaître l'émerveillement. Dans chaque objet se lit une philosophie. Je viens d'un paradis oublié pour témoigner de sa permanence à travers les innombrables tragédies et accidents d'une histoire si complexe qu'on en perd vite le fil. Je le tiens ce fil, je le tenais, je le tiendrai, je reviendrai. Le silence est tumultueux et la mélancolie ne serait que la gaieté d'être triste. Le silence est précieux, il vous rend précis et démasque les oublieux.
J'écris pour la présence et la patience, le bien-être des souvenirs qui ont toujours un avenir.
La vérité, quand elle jaillit du passé, paraît toujours enjolivée.
Pourquoi être ce que l'on est et naît, persister et signer ; pourquoi oser encore, pourquoi s'en tenir à l'unique trajectoire du javelot d'une vie sans jamais pouvoir dévier, truquer, tricher, fausser, incapable de chercher à atténuer, perdant tout [...]
Je suis incapable d'oublier votre volonté farouche de m'éduquer pour que je me sépare de vous, différent des aînées, modèle du père que je n'ai pas eu le temps de connaître [...]
A force de me prévenir et de m'instruire, vous m'avez attaché, ligaturé, caparaçonné certes, et finalement lié à vous pour une éternité que les mots, ici, ne contiendront jamais.
Nous avons les prisons qui nous ressemblent, mon cher.
Elle s'appelle Pilar, on la surnomme la loca, parce qu'elle parle aux garçons et déjoue la surveillance de ses cousines. David a treize ans, elle en a vingt-six, le double. Elle est la seule sur la plage à porter un maillot deux-pièces alors que c'est interdit. On le lui pardonne, parce qu'elle est belle. Et tous les garçons sont fous d'elle. La Loca, c'est la Folle. On la dit folle parce qu'elle rend fou.
( in Lorsque le soleil tombe)
Je reviendrai à Petit-Pont, pour le chèvrefeuille et les roses trémières. Je reviendrai à Petit-Pont, pour écouter le temps, le prendre, et m'y fondre enfin. Petit-Pont, c'est ma maison, la maison du sud, juste après le petit pont, à gauche, en sortant du village.
(in Les fleurs de la mi-mai)
Chronologie, 11 novembre, un dimanche, à Petit-Pont, je me réveille au bas du lit, comme jeté par le sommeil, incapable de me lever. Mes oreilles sifflent. J'appelle un ami de passage, qui exceptionnellement est là, chez moi, dans une chambre d'amis. L'ambulance, un premier hôpital, un lit comme une cage, des visages qui se penchent, j'ai très froid au côté droit, côté gauche inerte. Marc et Marguerite, Emile et Marie-France me rendent visite. Marguerite m'annonce que " Marguerite Duras à le Goncourt".
(in "Les fleurs de la mi-mai")
"A quoi bon écrire encore ? Ecrit en fait qui lit, la lecture est acte d'écriture. Chaque phrase, si elle est émue, pas seulement pensée ou voulue, l'émotion, un frisson, est une éternité en soi."
"Ne pas poser des questions pour obtenir des réponses, les questions sont des réponses en soi. Ne pas écrire pour reproduire la réalité, l'écriture est une réalité en soi."
Au moment d'un départ, tout devient symbolique.
On se crée vite des habitudes ridicules quand on se défend d'attendre ou d'aimer quelqu'un.
Une lettre, on la replie, comme une serviette après le repas, on la remet dans l'enveloppe, comme dans une pochette, on la range, on se dit "tout cela n'a aucune importance", ou bien "demain, elle ne me brûlera plus les doigts", ou encore "déchire-la". Mais on la garde. On y tient. On est toujours le chercheur d'or de quelqu'un. Les mots miroitent ou pèsent lourds au creux de la main. On tient la lettre, on la relit. Les mots magiques, agissent.
On se sent toujours mieux que les histoires qu'on vit.
On travaille avec des ombres, il faut accepter que ça retourne aux ombres.
Les pensées s'enchaînent quand on n'a pas cru à ce que l'on vient de faire, quand on regrette déjà d'avoir accompli ce que l'on avait désiré en se l'avouant ou pas, quand on se surprend à être encore plus maître d'une action que de sa fiction. On rêve alors d'un peu de désespoir bien senti. On rêve de pouvoir l'exprimer. On se dit que tout est rien. On s'en voudrait presque de ne pas avoir de chagrin.
Socrate dit j'ai vite découvert que ce n'est pas par sagesse que les poètes créent leurs œuvres,mais par un certain pouvoir naturel et par les inspirations comme les devins et les prophètes qui disent tant de belles choses, mais qui ne comprennent rien de ce qu'ils disent
masi elle parlait trop quand elle, Bernadette, dans la réalité, a choisi de parler en se taisant. (p. 140).
Il y a des désordres qu'il faut laisser à leur ordre et à leur vie. (p85)
...si on reconnaît enfin que la liberté c'est aimer ce l'on aime, rien de plus, et rien d'autre. p. 72.