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Citations de Yves Courrière (39)


Jamais il ne dit un mot contre son capitaine et lui exprima toujours la plus vive admiration - dont l'Equipage sera le vibrant témoignage - mais il y avait entre les deux hommes une phrase que Kessel ne pouvait oublier, un incident qui laissait dans son cœur une douloureuse plaie d'amitié. Il n'en fit confidence qu'à très peu de gens, cinquante ans plus tard, tant il avait de peine à l'évoquer.
"Les sentiments que j'avais pour mon chef d'escadrille, le capitaine Vachon, me les rendait d'une manière qui faisait de moi le plus fier et le plus heureux des jeunes hommes. Or, au cours d'un repas à la popote et en présence de tous mes camarades, on parla d'un français qui venait d'être condamné pour espionnage au profit de l'ennemi. Et Vachon dit le plus simplement du monde, le plus légèrement du monde, : "Tout naturel : il est juif".

Il ne m'était pas venu à l'esprit, en arrivant à l'escadrille, de parler de mes origines. Je me sentais parfaitement assimilé et n'avais jamais eu, ni au lycée ni en Sorbonne, le moindre incident à ce sujet. Quant j'ai entendu Vachon, j'ai cru véritablement m'évanouir de souffrance. Et que faire ? Un éclat qui eût mis dans une fausse position celui que j'idolâtrais? Me taire et me sentir lâche? J'aimais tellement Vachon que j'ai choisi la dernière solution.
Dès que nous fûmes seuls, je lui dis le mal qu'il m'avait fait. Sa gêne a été horrible. Il a marmotté les excuses habituelles : "Je ne voulais pas généraliser …. Il y a des juifs qui …….." etc ….
Nous n'avons jamais plus reparlé de cela et rien n'a changé dans nos rapports. Mais la peine et l'humiliation affreuse de cette injustice, je ne les ai jamais oubliées complètement!".


Page 124 aviation première guerre mondiale
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Les quatre hommes, tout à leur conversation, ne prêtaient guère attention au spectacle quand, vers une heure du matin, parut sur la scène la "révélation" promise par Leplee. Une gamine au visage have, sans fard, les cheveux coupés à la chien, les épaules étroites moulées dans un pull vert dont une manche inachevée était mal dissimulée par un châle.
La môme Piaf faisait Se débuts sous les yeux de Jean Mermoz et de Joseph Kessel !
Les rires qui avaient salué sa piètre entrée s 'étaient éteints. La voix s élevait, puissante, bouleversante. Libérée du trac, elle chantait le malheur des "mômes de la cloche" qui s en vont "sans un rond en poche". Plus rien n existait autour d elle. Elle était la chanson.
Un tonnerre d applaudissements salua la fin de son numéro. Une ovation interminable. Jef, Jean-Gérard et même Maurice Reine qui, mandataire aux Halles, n était pas prédisposé aux grands élans romantiques, étaient bouleversés Quant à Mermoz, il était debout et offrait sa coupe de champagne à la jeune femme toute tremblante de son triomphe.


Page 455
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En guise de préface :

Je sais de toi des traits et des actes qui n appartiennent qu à nous. Certains d entre eux, je voudrais les dire ici. Pour violents qu ils soient et charnels et choquants peut-être aux yeux du vulgaire, il me semblent te peindre aussi bien que tes exploits. Tu étais un homme et non une statue. Et de là venaient ta grandeur, ton exemple.

Ai je droit de me servir de mes découvertes, de tes confessions ? Où passe la ligne de partage entre l exigence du vrai et l indiscrétion inutile ? Je pense que rien n est à cacher des mouvements d un sang qui est profond et pur....

Joseph Kessel (préface à Mermoz)


Yves Courriere se pose la même question au seuil de l écriture de la bio de Kessel.

C est très beau et émouvant
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Page 90 sur L Ideal


Malgré les maladresses, malgré les outrances, tout Kessel était dans cette première oeuvre "littéraire" écrite à seize ans : viser haut, ne s attacher à rien ni à personne, prendre des risques, enfreindre les normes, vivre jusqu au délire ......
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La Métropole ne s'est intéressée à l'Algerie que lorsque le sang y a coulé. Le sang européen. On n'a pas voulu croire au conflit. On n'a pas voulu considérer le conflit comme une guerre. On n'a pas voulu considérer les musulmans comme des hommes. Quand on l'a fait , c'était trop tard. Bien trop tard.
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Page 359 - La piste des esclaves - Harrar en Ethiopie - 1930


Dès le lendemain, les envoyés spéciaux du "Matin" découvrirent les esclaves sans qu'on eût besoin de les leur montrer. Misérables au nez camus, aux lèvres énormes, nus ou loqueteux, ils grattaient la terre, nettoyaient les rues, portaient le bois ou l'eau, pilaient la farine de doura. Hommes et femmes arrachés depuis des générations aux confins du Soudan, ils formaient un bétail humain dont les maîtres surveillaient aussi attentivement le travail que la reproduction.

- Je comprends votre stupeur et votre indignation, dit Mr Frangipane (consul d'Italie à Harrar), lorsque Kessel revint de sa première promenade. J'éprouvais les mêmes quand je suis arrivé. Mais on s'acclimate peu à peu. Et ceux-ci sont moins malheureux que ceux qu'on emmène encore en caravanes dans le désert vers le Hedjaz ou le Yémen.

Au cours de ses pérégrinations dans la ville à la recherche de Saïd, que personne ne semblait connaître, Kessel accumula les preuves des mauvais traitements infligés aux esclaves. Il entendit les cris déchirants d'un jeune garçon battu à mort pour avoir volé à son maître une bouteille de tetch, il vit un homme et une femme pendus par les pieds au-dessus d'un feu où le maître jetait à poignées du piment rouge qui leur brûlait yeux et poumons.
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Page 555 - Réseau Carte


"Il a eu un rôle de conseiller, d'informateur, de porteur de messages, se souviendra Jean Baille, responsable de la région marseillaise. Le voir avec Girard, Frager, Peter Churchill, assister à nos réunions dans des petits restaurants de marché noir, était pour nous, jeunes hommes anonymes, d'un immense réconfort. Nous étions très émus de voir ce grand écrivain participer à notre résistance. Cela nous faisait beaucoup de bien….".

Sous le pseudonyme de Jean Baille se cachait un interne des hôpitaux de Paris, spécialisé en hématologie, du nom de Jean Bernard, futur ami de Joseph Kessel qui le retrouvera trente-trois ans plus tard à l'Académie Française, élu au fauteuil de Marcel Pagnol!


NDL : Le professeur Jean Bernard a été élu à l'Académie Française, des Sciences et de Médecine! Pour lui rendre hommage, il a à Paris une toute petite impasse qu'on voit à peine!
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Au cours de ce fructueux voyage, il régla une question d'importance : la publication de "l'Armée des Ombres" qu'il pensait terminer durant l'été. Il pensait que le premier récit jamais écrit sur les exploits, les drames, l'héroïsme de la Résistance fût édité pour la première fois par un français. Grâce à Gaston Palewski et André Philip, qui à Londres lui avait lu le manuscrit d'un extraordinaire roman : "Le Silence de la Mer", signé d'un pseudonyme, - Vercors - Joseph Kessel connut les locaux de la rue "Fontaine" animée par de jeunes intellectuels comme Max-Pol Fouchet et Henri Hell - un jeune juif vénézuélien du nom de José Henry Lasry - tous animés du plus pur esprit de la Résistance . Ces fous de poésie et de littérature avaient comme point de ralliement une librairie à l'enseigne "Les Vraies Richesses" - empruntée à Giono - tenue par Edmond Charlot. Non content d'ouvrir les trésors de sa bibliothèque à ses amis, Charlot éditait leurs oeuvres. C'est ainsi qu'il avait publié "L'Envers et l'Endroit" premier ouvrage d'un jeune algérois dont on commençait à parler et que Jef avait parfois croisé au secrétariat de rédaction de Paris-Soir : Albert Camus.

Charlot était enthousiaste. Kessel confiant. Les deux hommes firent affaire. "L'Armée des Ombres" paraîtrait à Alger. Alger, terre française d'où le Général de Gaulle dirigeait désormais le combat pour la libération de la patrie.


Page 588

NDL : J'ai beaucoup aimé le livre de Kaouther Adimi. Et on retrouve Monsieur Charlot! Un régal pour les amoureux des livres!


Et encore page 590

Jamais Kessel ne relut un manuscrit avec autant d'attention, biffant, raturant jusqu'à ce que personne ne pût identifier ceux de ses amis qui, lui racontant leurs vies clandestines, les plaçaient entre ses mains. Lourde responsabilité que cette confiance aveugle. Mais quel résultat!

"L'Armée des Ombres" étaient un chef d'oeuvre aux personnages inoubliables par leur charge d'humanité. Philippe Gerbier, l'homme fort, le chef sans faiblesse, mélange de Rémy et de Médéric ; Luc Jardie, l'intellectuel dilettante, grand bourgeois que son frère Jean-François croit incapable d'engagement physique et qui se révèle, sous des traits qui évoquent irrésistiblement Emmanuel d'Astier, l'organisateur des réseaux du Sud ; Le Bison homme de main au grand cœur, ex légionnaire, comme le Gros Albert ……….
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( Kaboul, Afghanistan, 1956. NDL )
Mais nul visage féminin dans cette foule qui « rappelait sans cesse l'Antiquité la plus haute ». La sévère religion chiite interdisant aux femmes de montrer leurs traits et les formes de leur corps, on n'en distinguait que des silhouettes furtives empaquetées de toile brune ou grise - le "tchador". Leurs yeux mêmes ne pouvaient s'apercevoir à travers le fin grillage de coton qui laissait seulement filtrer le regard.
P 713
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Yves Courrière
On n'arrête pas le progrès dit-on. La bêtise non plus.
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Elsa Wiener, chanteuse d’opérette qui a eu un grand succès en Allemagne avant l’avènement d’Hitler, a épousé un éditeur, Michel Guttmann, un des hommes les plus compromis par la politique de la République de Weimar. Hitler chancelier, il a été jeté dans un camp de concentration et sa femme n’a dû son salut qu’à une fuite précipitée. Elle vit à Paris dans un modeste hôtel de Pigalle avec un orphelin juif aux membres brisés lors d’une émeute antisémite où son père a trouvé la mort et qu’elle a recueilli.
Le narrateur, écrivain et journaliste qui chaque nuit hante les boîtes de Montmartre, se prend d’amitié pour Elsa et le petit Max. avec un intérêt passionné, il suit les malheurs de cette femme qui se trouve dans une situation telle qu’elle ne peut agir autrement qu’elle ne fait. D’abord chanteuse dans un cabaret élégant, la crise l’oblige à descendre tous les échelons de la vie de Pigalle. Mannequin nu, entraîneuse payée « au bouchon », elle finit par échouer dans une boîte de lesbiennes, acceptant tout pourvu qu’elle puisse faire parvenir en Allemagne l’argent nécessaire à la survie de Michel.
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- il y a le moment pour tout,
faire sous le ciel.
un temps pour aimer
en un temps pour haïr
un temps pour la guerre
et un temps pour la paix.
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Le dimanche 23 mai 1943, Joseph Kessel se mit au travail avec Maurice Druon. Les deux hommes échangèrent des idées, commencèrent à griffonner puis à écrire. « Les mots viennent vite et presque d’eux-mêmes dans un dialogue où nous nous répondions, nos pensées aussi accordées que ne l’avaient été nos pas dans la montagne de Galice », dira Druon. Jef trouvait les idées avec Maurice et celui-ci avait le génie de les mettre en vers. Dans le salon de la modeste auberge, il y avait un piano dont les cordes étaient détendues. Tapant de deux doigts, le neveu, qui avait l’oreille plus musicale que l’oncle, retrouva la mélodie d’Anna Marly. Germaine Sablon fut la première à entendre :
« Amis, entends-tu le vol noir des corbeaux sur nos plaines ?
Amis, entends-tu les cris sourds du pays qu’on enchaîne ? ... »
Kessel et Druon lui donnèrent un titre : les Partisans. Le Chant des Partisans que lui donneront d’instinct les Français !
Dès ce soir-là l’œuvre fut adoptée comme chant officiel de la Résistance.
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Lorsqu'il en ressortit, Kessel, jusque-là étonné de n'avoir jamais vu dans la rue certains de ces esclaves dont on disait que chaque chef possédait des dizaines, savait que les valets d'étriers, les porteurs, les chasse-mouches et les messagers trottinant derrière les guerriers abyssins qui parcouraient nonchalamment la ville n'étaient pas des hommes libres.
P358
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Déclaration de Pierre Lazareff lors de la remise de l'épée d'académicien à J. Kessel (NDL)
Ta vie tout entière se reflète sur cette épée : tes oeuvres figurent entre cette aile et ce lion qui rappellent tes plus grands succès au début et à l'apogée de ta carrière d'écrivain : "L'équipage" et "Le lion". Sur le pommeau de l'épée voici l'Etoile polaire, car tes parents venaient du nord de la Russie, et voici la Croix du sud, puisque tu es né exactement aux antipodes, en Argentine. Ta vocation de voyageur, de reporter, s'inscrit entre ces étoiles et sur cette mappemonde qui est le bouton de l'épée. Il y a une autre étoile et une autre croix : l'Etoile de David et la Croix de Lorraine...
P 809
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C'est en 1891 que Maurice de Hirsch avait acheté au gouvernement argentin d'immenses terres pratiquement vierges situées entre les fleuves Panama et Uruguay, dont la confluence forme le Rio de la Plata.
Le richissime banquier avait alors fondé la J.C.A. ( Jewish Colonization Association ) avec un capital de deux millions de livres pour y établir des colonies agricoles peuplées d'émigrés juifs venus à ses frais des ghettos de Russie, Pologne et Roumanie. En 1896, plusieurs milliers d'exilés vivaient entre les agglomérations de Mauricio, Mosesville et Villa Clara, éloignées les unes des autres de plusieurs centaines de kilomètres. Leur vie y était celle des pionniers et on ne peut mieux la définir qu'en la comparant à celle des hommes et des femmes qui, au début du siècle, avaient peuplé la côte ouest des Etats-Unis. Les cow-boys y étaient remplacés par les gauchos dont les moeurs étaient pour le moins aussi rudes et, s'il n'y avait pas d'Indiens, la population argentine autochtone s'en rapprochait beaucoup.
P40
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Avant d’attaquer le premier chapitre de Tour du malheur auquel il pensait depuis longtemps, Joseph Kessel, pour se mettre en état de produire, relu une fois de plus Guerre et Paix dont son père lui avait fait cadeau. Pour la première fois, en vingt ans de vie littéraire, il projetait d’écrire non plus un de ces romans courts qu’il affectionnait, mais une œuvre dont l’ampleur tolstoïenne lui permettrait de faire revivre la période 1915-1925 durant laquelle il était passé de l’existence médiocre menée par Samuel et Raïssa à la grande folie des nuits de Montmartre. […].
Les notes prises au fil des années, l’ébauche de certaines scènes, quelques portraits rédigés entre deux reportages, entre deux livres, et qui s’entassaient dans la mallette de cuir de Sandi, devinrent sans objet pour le jeune homme dont il avait commencé de raconter l’existence chaotique qui lui était familière.
Pour établir son itinéraire de dix-sept à vingt-sept ans, il n’avait qu’à plonger dans sa mémoire. Son héros était à son image : un être avide de tout vivre, de tout tenter, de tout connaître.
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(Joseph) déjeunant avec Mary, une jeune veuve au corps admirable, aux cheveux d’un roux vénitien, qui l’avait séduit dès le premier jour, il ne vit rien du paysage grandiose qu’offrait la terrasse d’un restaurant de Twin Peaks Boulevard. La baie de San Francisco, les collines escaladées par des tramways multicolores, le ciel pur, les plages douces et tièdes où venait mourir le Pacifique, il les manqua. Son esprit embrumé par l’alcool était fixé sur un but unique : posséder enfin cette femme hors du commun, la première devant laquelle il eût perdu sa magnifique assurance.
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En revanche, mettre en lumière l'ignominie du régime nazi et les persécutions antisémites, s'indigner de la présence d'agents de la Gestapo à Paris était un devoir de plus en plus impérieux. Kessel s'y était déjà employé depuis son voyage en Allemagne en publiant nombre d'articles dans la presse. L'existence des camps de concentration à laquelle tant de Français ne voudront pas croire "cinq ans plus tard", Joseph Kessel l'avait dénoncée dès 1933 à travers le témoignage d'un Juif allemand anonyme qui, juché sur une caisse dans Madison Square, alertait ses coreligionnaires new-yorkais. Témoignage confirmé par un Juif sud-africain rencontré sur le bateau et qui revenait d'Allemagne.
P450
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La réussite financière le soulageait d'un souci de taille. Il savait désormais pouvoir payer les soins dispensés à Sandi et qui, dans un établissement comme celui de Leysin, représentaient une somme considérable. En ces années d'insouciance, si les impôts d'un écrivain à succès étaient ridiculement bas, il n'existait encore aucune protection sociale et la maladie, surtout si elle était de longue durée, représentait encore pour la majorité des foyers un drame effroyable.
P 245
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