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Citations de Wu Ming (28)


Pour utiliser une métaphore d’électricien, le conspirationnisme était la prise de terre du capitalisme : il évacuait la tension vers le bas et empêchait que les personnages soient foudroyés par la conscience que le système devait être débranché.
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(En 1927):
- [...] L'Union soviétique devrait se doter d'une association unique de musiciens. Même chose pour les écrivains, les metteurs en scène de théâtre, les peintres. Le risque, autrement, est de revenir à une créativité individualiste, une fin en soi, qui brûle d'envie de se distinguer.
- Entièrement d'accord, intervient Bogdanov. L'unique association qui devrait demeurer en Union soviétique est l'Union soviétique elle-même. Même le parti communiste devrait se dissoudre. Quel sens a un parti quand l'intérêt du peuple est garanti par l'Etat? C'est un doublon inutile, une épave de l'Histoire.
Elle ne répond pas, désorientée par le sérieux apparent de Bogdanov.
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[A propos de l'immortalité:]
- Notre cerveau, poursuit-il, a besoin de nouveauté, et dans un temps infini la nouveauté s'épuise, tout se répète. Nous avons l'impression que cela arrive en l'espace de cinquante ans, alors imaginez en cinq cents ans. Que vous resterait-il à faire après être tombé amoureux quatre-vingt-dix fois, avoir vu naître soixante enfants, avoir appris à travailler l'argile, à écrire de sublimes poésies, à escalader les plus hautes montagnes, à mener toujours les mêmes batailles?
Il soulève sa tasse et la porte à sa bouche, comme une pause étudiée.
- La seule réponse serait le suicide. Car l'immortalité individuelle est une condamnation. A vie.
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Zanka sent arriver la nouvelle époque, celle des « chantiers ouverts partout pour construire des oubliettes, des silos d'une grande capacité pour les histoires dérangeantes dont plus personne ne veut entendre parler ».
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Le capitalisme s’était insinué dans la vie quotidienne et la psychologie des êtres humains, en imposant une idéologie de fond dans laquelle nous étions tous enveloppés comme dans un cocon, certains consciemment, d’autres moins, d’autres encore l’ignoraient complètement.
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Il est écrit sur la première page : dans la fresque, je suis l’une des figures à l’arrière-plan.
Une écriture soignée, minuscule, sans la moindre bavure, formant des lieux, des dates, des réflexions. C’est le carnet des derniers jours convulsifs.
Les lettres sont vieillies et jaunies, poussières de décennies passées.
La pièce de monnaie du royaume des fous se balance sur ma poitrine, symbole de l’éternelle oscillation des fortunes humaines.
Le livre, le dernier exemplaire rescapé peut-être, n’a plus été ouvert.
Les noms sont des noms de morts. Les miens, et ceux des hommes qui ont parcouru ces sentiers tortueux.
Les années que nous avons vécues ont enseveli à jamais l’innocence du monde.
Je vous ai promis de ne pas oublier.
Je vous ai mis à l’abri dans ma mémoire.
Je veux tout maîtriser depuis le début, les détails, le hasard, le flux des événements. Avant que le recul ne brouille mon regard, émoussant le vacarme des voix, des armes, des bataillons, atténuant les rires et les cris. Et pourtant, seul le recul autorise à remonter à un début probable.
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La guerre était perdue. Les dernières nouvelles disaient qu'à Paris les blancs discutaient la paix. Les Anglais négociaient la reddition, mais aucun Indien ne siégeait avec eux. Joseph Brant était désormais un allié incommode. les survivants des Six Nations vivaient dans une poignée d'iles à l'embouchure du Saint Laurent.
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En Italie, dire la vérité est l'unique péché qu'on ne vous pardonne pas.
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les héros ne sont qu’une invention des poètes
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Un doyen rubicond se fraya un chemin jusqu'à eux.
- Ah, voilà quelqu'un qui pourra faire autorité. Nous discutions sur la nécessité du blocus naval de la Russie. Ne croyez-vous pas, colonel, que c'est une exigence vitale ?
- J'appellerais ça plutôt une vocation, professeur Chambers.
(page 83)
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Je suis un super héros, mais un super héros troglodyte.
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Boire de l'eau signifiait absorber le flux dégoutant qui courait dans les tuyauteries souterraines en bois d'orme, exposées à toutes sortes de saletés, peut-être aussi à ce qui remontait de la Tamise, purin contaminé par toute l'ordure de Londres et de Westminster. Outre les excréments humains, dans ces eaux étaient dilués les acides, les minéraux et les poisons des officines et des manufactures. Sans parler des carcasses d'animaux et d'hommes, et des rejets de baignoires, des cuisines et des urinoirs.
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Dès que Milena se glissa entre les fauteuils, les ufologues, jouant des coudes pour la rejoindre, bloquèrent l’entrée de la rangée, tandis qu’un détachement courait rejoindre l’autre bout par le couloir latéral. L’anthropologue se retrouva assise entre les deux membres les plus jeunes.
Matteo Bonino et Piergiorgio Pellegrino étudiaient encore : l’un en faculté d’ingénierie, l’autre en dernière année au lycée scientifique. Ils vivaient en famille et se faisaient de l’argent de poche avec des petits boulots occasionnels. Moins d’un mois auparavant, à la suite d’une des plus fortes chutes de neige dans l’histoire de Turin, ils avaient manié la pelle pour la commune. Une besogne dont peu de gens, à se fier à leur aspect, les auraient cru capables. Sur les photos de l’époque, ils avaient une dégaine que des années plus tard on aurait défini « de geeks ». À l’époque, on n’utilisait pas cet emprunt à l’argot américain, « bigleux » et « bûcheur » étaient les épithètes réservées à un certain type humain : lunettes épaisses, teint pâle, posture un peu courbe, chandails à losanges beiges ou bleus.
Aujourd’hui, malgré le vieillissement, l’embonpoint et la calvitie, les deux hommes ont meilleur aspect et on a du mal à reconnaître les deux garçons émaciés venus au cinéma avec Milena ce 3 mars. Bonino travaille pour la multinationale Ostendi : son équipe réalise des infrastructures un peu partout dans le monde, on retrouve même sa signature sous le projet du barrage le plus grand – et le plus contesté – d’Amérique du Sud. Quant à Pellegrino, il enseigne les mathématiques au lycée Gobetti, celui-là même où il a passé son diplôme. L’un et l’autre ont conservé leur passion pour l’ufologie et sont membres du Cirut, le Centre italien de recherches ufologiques de Turin, né des cendres du vieux Grucat. Pellegrino en est le secrétaire et Paolo Sesto – mort en 2017 – en a été pendant des décennies le président d’honneur. Quand il est en ville, Bonino ne manque pas une réunion. Le siège se trouve dans un grand sous-sol de la via Tepice, rempli de matériel d’archives et de pièces d’époque.
Interviewés dans ce cadre, les ufologues se rappellent parfaitement la première fois où ils virent le film de Spielberg.
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Personne ne pouvait savoir que Zitomirski avait été recruté par la police secrète du tsar en 1902, quand il étudiait encore à l’université de Berlin. Nom de code « André ».
Kamo prit contact avec lui pour convenir d’une visite et lui remit la lettre de Lénine. Zitomirski le fit savoir à ses chefs qui demandèrent immédiatement à la police allemande d’arrêter Kamo. Quand les flics débarquèrent dans sa chambre d’hôtel, ils le trouvèrent en possession d’un passeport autrichien (œuvre de l’amie peintre de Krassine), d’une petite valise remplie des détonateurs et de vingt billets de cinq cents roubles.
Lorsque le sous-chef de la police russe reçut le rapport par l’intermédiaire de l’ambassade, il ne mit pas longtemps à deviner d’où provenaient les billets et quel était le plan des voleurs. Il télégraphia donc à tous les départements de police de toute l’Europe occidentale :
« Arrêter quiconque cherche à changer des billets de cinq cents roubles. Stop. Dangereux bandits. Stop. Alerte maximale. Stop. »
Quand, fin 1907, la nouvelle de l’arrestation de Kamo arriva à Kuokkala, il était désormais trop tard pour suspendre l’opération. Les camarades et leurs compagnes étaient déjà partis chacun dans une direction, vers une banque d’un des pays de l’Ouest. Mais à présent la police russe savait qui avait monté le coup. Et les mencheviks, les camarades du parti opposés aux vols, le savaient aussi. Personne ne les aiderait. Il fallait se mettre à l’abri comme on pouvait avant qu’on arrive de Saint-Pétersbourg pour les arrêter.
Natalia et Nadia nettoyèrent entièrement la maison : papiers, notes, livres, vêtements. Chaque trace de leur passage fut effacée, brûlée dans la cheminée de la salle à manger ou confiée à des camarades finlandais pour qu’ils la fassent disparaître. Lénine se rendit à Helsinki, en attente d’un bateau pour Stockholm. Les ports principaux étaient surveillés par la police. Pour embarquer il dut parcourir trois milles à pied sur une partie de mer gelée, jusqu’à l’île où le bateau faisait escale. À un moment la glace céda et il faillit se noyer.
– Quelle stupide façon de mourir ça aurait été, commenta Lénine trois semaines plus tard quand ils se revirent à Genève, sains et saufs.
Pour s’y rendre ils étaient passés par Berlin, ils avaient rencontré Rosa Luxemburg. Quelle perte a été son assassinat pour le mouvement ouvrier. Une de ses phrases semblait spécialement écrite pour contredire Lénine : « Le marxisme doit toujours lutter pour les vérités nouvelles ».
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Sentant la fatigue lui battre les tempes, il referma son cahier et l'éloigna de lui. Il frotta ses yeux et quand il les rouvrit, sa vue fut brouillée pendant quelques secondes. Suffisamment pour voir apparaître les deux silhouettes debout devant lui. Son cœur sauta un battement, une forte décharge de frissons, les mains collées à la table. Deux ombres, à peine. Mais il reconnut leurs uniformes d'écoliers, l'expression moqueuse de Rob et l'air sévère et renfrogné de Geoffrey. Il devait y avoir une raison pour qu'ils apparaissent jeunes comme au temps du lycée, les traits encore peu marqués, les visages purs. Ils semblaient attendre.
Ronald se ratatina dans le cône de lumière de la lampe, qu vacilla.
Il regarda encore un peu, mais les ombres s'étaient déjà dissoutes. La peur laissa place à une sensation de manque, qui se gonfla comme une bulle placée entre l'estomac et la gorge. Il n'avait vécu ça qu'une fois, deux ans plus tôt, sans y accorder plus d'importance. Les hallucinations étaient chose normale pour les rescapés. Mais maintenant il se sentait secoué, et pour une raison qu'il ignorait, en danger. Il fit le signe de croix et pria pour l'âme de ses anciens amis, jusqu'à ce qu'il sente une main chaude lui toucher l'épaule.
— Il est tard. Viens te coucher.
Il lui passa le bras autour de la taille d'un geste maladroit. Elle lui donna un baiser sur la joue et lui glissa un murmure à l'oreille.
— Le repos t'attend, mon doux Beren.
Ronald sourit, se leva et caressa son visage délicat.
— Seulement entre tes bras, lumineuse Lúthien, dit-il en l'attirant à lui, le regard perdu derrière sa chevelure légère.
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Il commença à parler, en veillant à ce que les phrases sortent de sa bouche comme une eau sale à rejeter. Mais il avait beau s’appliquer, l’arrière goût restait attaché à sa langue
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Chercher la vérité, c’est recueillir une poignée de graines et établir à quelles espèces elles appartiennent. Certaines se reconnaissent tout de suite, grâce à la forme et à la couleur, d’autres en revanche ne se distinguent pas, et une fois les premières hypothèses formulées, il ne reste qu’à les planter et à attendre qu’elles germent, chacune en leur temps. Il n’est pas dit que toutes y parviennent, soit du fait de l’intervention d’agents externes, soit parce qu’elles ne trouvent pas le terrain adapté, ou encore du fait d’une capacité germinative réduite. Ainsi, même après avoir attendu avec patience que les germes apparaissent, on ne réussit pas toujours à déterminer de quelles graines il s’agit, et on doit accepter une vérité partielle, bien que la vérité complète soit là, à un pas de nous. Franchir ce pas est une entreprise qui est du ressort de la conscience individuelle et collective.
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Un enfant n'a pas besoin d'un monde sans tempête, mais d'un havre sûr.
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Depuis le début, tous les choix du bureau de statistique, même les plus sûrs, avaient des alternatives de la même valeur. Même dans une société comme la nôtre, sans intérêts particuliers, il existe différentes façons d'assurer le bien-être collectif. Si nous en sommes
arrivés à discuter de l'invasion et de l'extermination des humains, c'est parce que nous avons épuisé les ressources de notre planète. Et nous les avons épuisées parce que le bureau de statistique était programmé ainsi, pour considérer qu'un équilibre avec l'environnement était impossible. Notre science disait que la seule façon de survivre était de poursuivre le développement. Si on arrête, on est perdus. Mais justement. C'était notre science. Et en définitive nous pensions qu'elle était juste et universelle. Mais il n'y a pas que nous, sur Nacun. Et il n'y a pas que Nacun, dans l'univers.
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― Tu l'as écrit dans ton livre. Certains d'entre nous pensent que la société nacunienne doit imposer son modèle aux mondes plus arriérés.
― Et vous êtes en train de la faire ? la presse Bogdanov.
La jeune fille essuie ses joues avant de répondre.
― La vérité est que nous sommes trop nombreux, nous vivons trop longtemps, nous sommes trop vieux et nous avons presque épuisé nos ressources. Nous sommes en train d'étudier la meilleure stratégie pour nous étendre à votre galaxie car le socialisme ne peut pas se faire sur une seule planète. Ce que nous avons ne suffit plus.
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