Citations de Véronique Olmi (1467)
On ne fait que croiser ses parents. On partage un temps de vie avec eux, on s'en va, puis on se souvient. Et on les rappelle.
Elle aime bien Bakhita mais elle lui en veut, comme les êtres faibles en veulent à ceux à qui ils doivent beaucoup.
Aller vers cet homme ça n'était pas chercher le sens de la vie. Mais vivre l'état extrême de la vie. Et oublier tout ce que je savais. Tout ce que nous savions tous deux, à nos âges. Ce que nous avions accumulé de désillusions, d'appréhensions et de faillites. Le besoin de se rejoindre plus fort que tout.
La solitude est à vous, elle vous tient, et on ne sait jamais si c'est une délivrance ou une malédiction. Va-t-elle vous donner des ailes ou vous réduire à une existence de petits pas ? J'étais entre deux mondes. Si libre.
Il faut faire de chaque désespoir une pirouette. Il faut s’amuser de la médiocrité du monde, survoler le grand merdier humain, c’est le seul moyen de s’en sortir.
Une femme qui tait son malheur est une femme qui porte en elle un grand ennemi.
[...] le monde est partout le même, né du chaos et de l'explosion, il avance en s'effondrant.
Les esclaves passent et n’habitent nulle part. Leur peuple n’existe plus. Ils font partie de cet éparpillement, ce martyre, les hommes et les femmes loin de leurs terres, qui marchent, et souvent meurent en chemin. P 44
elle se souvient, après coup de Samir,après la torture du tatouage, de ces mois a repousser la mort ,allongée sur sa natte à terre, cette terre qui gardait la trace de tous les martyrs, et elle sent comme cela tourne et se tient, toutes les douleurs humaines dans les bruits des combats.
Elle se souvient d'elle-même,c'est loin dans sa vie et c'est très proche, un vent violent qui la bouscule, ranime les braises de ce qu'elle a été.Sa vie.Son enfance quelque part.Quand elle n'était différente de personne.Quand être noire était simplement être.
Des larmes coulent de son visage de domestique bien nourrie . Elle se jure que lorsqu’elle retournera à Suakin, puisqu’ils y retourneront bientôt, ellr aidera son peuple, elle ignore comment mais elle fera mais elle fera autre chose qu’aimer Mimmina et être aimée par elle. Autre chose que servir les hommes au bar et donner un peu de paix aux gamins à la grille de l’hote.Elle a dix- neuf ans , elle est adulte depuis tant d’annees ! Elle ne fait rien pour rendre un peu de ce qui lui est donné, sa vie préservée .
La maîtresse lui prêtait des livres et quand il lit c'est pareil: il nous quitte. Des fois je crois qu'il continue à lire ses livres, quand il les a rendus il y pense encore, il lit même sans les mots, il est vraiment très fort pour être ailleurs.
C'est tellement incroyable de voir quelqu'un entrer dans le sommeil, où s'en vont tous les gens qui dorment, est-ce qu'on se rencontre dans le sommeil, est-ce qu'il y a un pays des rêves, un vrai pays, est-ce qu'il est possible d'atterrir dans le rêve d'un autre ?
Alors ils acceptèrent leur silence. Le silence entre eux.
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De temps en temps il la regardait et son regard était plein des questions qu'il ne posait pas, un élan le poussait, aussitôt la pudeur le retenait, la pudeur et la peur aussi, car s'il voulait savoir, il ne voulait pas être convié au bord du gouffre. Il voulait apprendre sans souffrir. Approcher cette femme sans s'y brûler. Elle lui sourit, parce qu'elle comprenait tout cela, tout ce qu'il ne demandait pas et pourquoi il ne le demandait pas.
Dans l'amour qu'elle donne à l'enfant il y a tout ceux qu'elle a aimés et qui lui ont été arrachés, des vies croisées et perdues, des blessures discrètes et brûlantes.
Ce qu'elle croit, c'est qu'il faut aimer au-delà de ses forces, et elle ne craint pas les séparations, elle a quitté tant de personnes, elle est remplie d'absences et de solitudes.
(...) il semble à Bakhita que le cri qu'elle entend au loin n'est pas celui d'un animal, pas celui d'un homme, pas celui de l'autre frère, mais celui d'une douleur pure, qui appelle, au-delà de l'humain. C'est le cri des êtres séparés, mais ce qu'elle veut garder de cette scène, c'est l'enfant recueilli dans les mains de l'esclave.
Son nom, elle ne l'a jamais retrouvé. Elle n'a jamais su comment elle s'appelait.
Mais le plus important n'est pas là.
Car qui elle était, enfant, quand elle portait le nom donné par son père, elle ne l'a pas oublié....Cette enfant, qui aurait du mourir dans l'esclavage a survécu, cette enfant était et reste ce que personne jamais n'a réussi à lui prendre...
il faut être dans le noir profond pour voir ce qui brille
Il caresse son dos, lentement, et lui demande ce qu'elle cherche, quand elle accorde. Elle hésite. C'est difficile à dire.
-La note juste. l'équilibre... L'harmonie entre les notes, oui.
-C'est ton métier ? C'est ce que tu fais, toute la journée ?
[...]
Elle murmure contre son oreille "toute la journée", et ils rient ensemble pour la première fois, et leurs corps l'un contre l'autre suivent le mouvement du rire, et cette complicité-là est plus réelle et bien plus dangereuse que tout autre lien.