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Citations de Thomas Oussin (14)


Elle avait déjà son fardeau à porter, elle s'est aussi chargée du mien. Elle le dépose à présent un peu plus chaque matin.
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Dans ce ciel sombre que représentait notre épreuve, il nous arrivait d’apercevoir des éclaircies. Quelquefois, notre mère, par inadvertance sans doute — j'ai du mal à imaginer que l'inverse puisse être possible — oubliait d’éteindre la lumière de la buanderie. Alors, en dessous de la porte et à travers la serrure, cette clarté qui fendait notre obscurité nous réjouissait telle de la poussière d'étoile. p. 77
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Seul sur ce canapé, il se sentait déboussolé. Tout cet environnement avait soudain perdu un peu de sa beauté. Il se retrouvait tout seul une fois de plus. Il ne voulait pas perdre son frère, s'en éloigner à nouveau. Etait-ce lui qui provoquait cela chez ses proches ? Peut-être y avait-il sur terre une quantité de bonheur bien définie. Par conséquent, pour maintenir l'équilibre, certaines familles s'en voyaient privées au détriment des autres. Pour que d'autres puissent vivre heureux, il fallait que sa famille sacrifie sa part de bonheur. Cela se tenait. Tout comme il fallait payer la naissance d'un être par la mort d'un proche. Pour le juste équilibre du monde.
Le sommeil le surprit au milieu de ses théories.
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Compte tenu de mon comportement, j'avais peu d'amis. Je me suis ainsi réfugié dans la lecture, et je dois dire que celle- ci me procurait tout ce dont j'avais besoin. Je passais mes récréations dans un bout de couloir, ou, lorsque je m'en faisais chasser, dans un coin de la cour, un livre à la main, à parcourir le monde avec mes compagnons imaginaires. Je visitais le centre de la Terre, partais sur une île déserte, seul au milieu de l'océan, découvrais des peuples et des territoires jusque-là inconnus. Il me suffisait de poser le regard sur quelques lignes pour être aspiré et faire abstraction complète de ce qui se passait autour de moi. Je me retrouvais à nouveau plongé dans cette bulle de silence.
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Pendant un an, huit mois et quatre jours, j'ai été caché. Presque deux ans d'une vie. C'est long deux ans dans une vie, surtout quand on est un enfant de huit ans. Pendant ces six cent douze jours le silence et l'obscurité ont été mes seuls amis. Presque les seuls.
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Enzo n’avait encore jamais bu d’alcool. Il savait bien qu’une bière c’était pas grand chose. Mais il hésitait. Il avait peur d’avoir l’air con. Il avait peur de trouver ça trop fort. Devait-il la tenir tout le temps à la main ? Devait-il la boire en une seule fois. ? A l’école, il n’avait pas beaucoup d’amis. Il passait souvent une bonne partie de la nuit à jouer à des jeux vidéo ou à surfer sur Internet. Du coup, son air constamment endormi et son tempérament quelque peu renfermé n’attirait pas vraiment les garçons de son âge. Il n’avait pas pu expérimenter avec eux toutes ces premières fois : la première cigarette, le premier verre d’alcool, le premier baiser qu’on raconte aux copains...
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Pendant notre réclusion, je ne comprenais pas comment nos maîtresses respectives avaient pu ne pas remarquer notre absence en classe : nous étions présents avant les vacances de Noël, et deux semaines après nous avions disparu.
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Même si nos yeux s'habituaient à la pénombre, l'obscurité fut pour moi plus dure à accepter que le silence. Ne pas parler c'était une chose, nous pouvions encore communiquer avec les gestes. Mais que faire lorsqu'il nous était presque impossible de nous voir?
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J'ai beaucoup lu sur le sujet, surtout depuis que je suis au lycée et que je peux commander des livres auprès de ma documentaliste, pour essayer de concevoir comment une mère peut en arriver à de telles extrémités, pout tenter de mettre des mots sur l'indicible, sur l'impensable.
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Lorsque nous étions là-bas, nous n’avons jamais évoqué l’idée de la mort ou de la maladie. La notion de survie m'était inconnue: peut-être ma sœur en avait-elle conscience. Je n'imaginais pas un instant que mon manque d'hygiène pouvait être à l'origine des fortes démangeaisons qui me ravageaient les bras et la raie des fesses. Je n’imaginais pas que mon corps et mes cheveux étaient infestés de poux. Je n'imaginais pas être en état de sous-nutrition. Ma conscience se limitait à l’enfermement, au silence et à l’obscurité. p. 65
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(Les premières pages du livre)
Pendant un an, huit mois et quatre jours, j’ai été caché. Presque deux ans d’une vie. C’est long deux ans dans une vie, surtout quand on est un enfant de huit ans. Pendant ces six cent douze jours le silence et l’obscurité ont été mes seuls amis. Presque les seuls. Je continue à utiliser le mot «caché» lorsqu’il m’arrive d’en parler, sans doute dans un élan enfantin de ma part, mais le terme exact, en tout cas employé par mon avocat, c’est «séquestré». J’ai été séquestré. Entre mes six ans et demi et mes huit ans. J’ai toujours eu du mal à comprendre le processus qui m’a amené à être la victime de cette séquestration. D’autant que lors des tout premiers jours, je n’avais pas conscience de cette privation de liberté. J’étais, de mon point de vue, dans une situation à peu près confortable dans ma maison, avec ma sœur et ma mère. Comment imaginer que ce cocon douillet allait être ma prison et que celle qui m’avait mis au monde allait être mon bourreau? Ce qui a été une chance pour moi, c’est que je n’étais pas seul dans cette épreuve. Ma grande sœur a été un soutien constant. Du premier jour d’enfermement à la libération ultime, elle était à mes côtés. Je crois que, sans sa présence, je ne serais sans doute pas là aujourd’hui pour écrire ces quelques lignes. Je lui dois ma vie.

Victor. Voilà le nom qu’elle m’a donné à ma naissance, il y a un peu plus de dix-sept ans à présent. Quelle ne fut pas ma surprise lorsque j’ai appris en cinquième que mon prénom signifiait « vainqueur » en latin ! Quelle ironie ! Je n’avais, pendant ces années de collège, absolument rien d’un vainqueur. J’étais une espèce de morceau de chair, un petit être chétif, à mille lieues du jeune homme que je suis devenu. Même si je sais que le chemin est encore long, je suis conscient que je reviens de loin. J’ai bel et bien vaincu quelque chose ou quelqu’un. Mes angoisses. Mes démons intérieurs peut-être. Cela dit, je n’ai pas tout vaincu ; un masque terne vient par moments affadir mon visage jovial. Mon esprit est traversé d’interrogations qui demeurent et demeureront tout le reste de ma vie.
Cela fait un peu plus de neuf ans que je suis sorti de cet enfer et parfois mes souvenirs se brouillent. Les années viennent déposer leur voile de crêpe sur ces instants. Sans doute mon esprit adoucit il les angles de certains moments et en aiguise-t il d’autres. Je vous demande donc d’excuser le caractère quelquefois fragmentaire de mon propos. Je vous livre ces informations comme elles reviennent à ma mémoire : tantôt elles surgissent avec facilité et simplicité, tantôt je les accouche aux forceps.
Par ailleurs, quand on a six ans et demi, on ne se souvient pas de tout. La conscience du temps se met alors tout juste en place. Il est donc possible que la chronologie des événements que je vais évoquer soit quelque peu approximative. Enfin, du fait de mon bas âge, certains éléments m’étaient totalement inconnus. C’est en recoupant les témoignages de tierces personnes, en lisant les notes d’audience du procès et les différents documents archivés dans le dossier que j’ai pu tenter de reconstituer le déroulement des faits. Et aussi grâce à ma grand-mère. Ah… Ma grand-mère, tout un poème ! Je l’appelle Ma. Elle aussi me parle… Parfois…
« Reconstituer le déroulement des faits », c’est une chose. Les comprendre, c’en est une autre. Vaste programme que d’essayer de trouver des réponses à ces « pourquoi ? ». Pourquoi ma mère a-t elle séquestré ses deux enfants ? Et pendant aussi longtemps ? Pourquoi ne pas nous avoir abandonnés, plutôt ? A-t elle, à un moment, songé à la folie de son acte ? Y songe-t elle maintenant ? Je me demande comment une femme peut en arriver à vouloir oublier, à vouloir soustraire de sa vue, de celle des autres, ses propres enfants. Autant de questions avec lesquelles je vais devoir vivre.

Ma, assise au bout de la table de la cuisine, est occupée à faire ses mots croisés en silence. Je lève de temps en temps le regard et décroche de ma dissert de philo pour l’observer. Elle est concentrée et aspirée par son activité. Comme si de rien n’était, elle se rend aux pages finales pour jeter un œil furtif aux solutions. « Juste pour vérifier », dit elle. Ça m’amuse et je la taquine parfois.
Elle a la respiration profonde et apaisée des gens d’expérience. Sa présence a toujours eu un effet rassurant sur moi, en tout cas depuis que je vis chez elle. J’ai pris l’habitude de faire mes devoirs sur la table de la cuisine, près d’elle, alors même qu’elle avait aménagé un coin bureau dans ce qui est devenu ma chambre.
Au milieu de cette vieille maison à la décoration des années soixante-dix, je me sens bien. Ce n’est pas le lieu de vie rêvé pour un garçon de dix-sept ans, certes, mais c’est chez moi. J’ai cependant mis du temps à considérer cette maison comme la mienne.
Les premiers jours qui ont suivi ma libération demeurent assez flous. Je me souviens de nuits à l’hôpital, d’un nombre incalculable de rendez-vous dans des bureaux : gendarmerie, psychologue, avocat, aide sociale à l’enfance. Ils se ressemblaient tous, je ne les différenciais pas vraiment. Je me contentais de répondre aux questions de ces gens du mieux que je le pouvais, bien souvent sans lever les yeux. J’observais à chaque fois avec une grande attention le revêtement des bureaux qui nous séparaient, les « interrogateurs » et moi. Je finissais par en connaître chaque texture, chaque nervure, chaque égratignure. Ils constituaient pour moi les garants de mon espace vital. Je percevais que toutes ces personnes voulaient mon bien, mais j’étais quelque peu apeuré après avoir passé des mois privé de tout contact social. J’avais surtout, je pense, peur de mal faire, et je vivais ces moments avec une extrême tension, tiraillé par la crainte de commettre une erreur qui aurait déclenché leur colère.
Dans l’attente de savoir qui s’occuperait de moi, j’ai passé, à ma sortie de l’hôpital, plus d’une semaine dans un foyer. Je n’ai gardé des nuits dans ce lieu que l’image de mes petits poings serrant un coussin jaune ainsi qu’une vague impression de sanglots dans la nuit, dont je ne sais a posteriori s’il s’agissait des miens ou des pleurs de mes co-pensionnaires de fortune.
Il fallut d’abord contacter mon père, qui avait disparu du paysage, mais il fut décidé que je n’irais pas chez lui ; je reviendrai plus en détail sur ce point. Ma grand-mère, dans un premier temps, ne voulut pas de moi, me confia-t elle. Elle avait coupé les ponts avec sa fille, ma mère, plusieurs années auparavant et préférait rester en dehors de toute cette affaire. Elle ne me connaissait pour ainsi dire pas et j’étais presque un étranger pour elle. Me prendre chez elle ne serait qu’une source d’emmerdements, pensait elle. Elle avait d’autres chats à fouetter. Pourtant, et j’ignore si son revirement est dû à l’obstination de l’assistante sociale ou si la pitié l’avait assaillie le jour où elle avait découvert mon visage marqué par le poids de l’hébétude, mais elle finit par m’accueillir chez elle. Sa volte-face ne s’arrêta pas là, puisqu’elle prit la résolution de se constituer partie civile, contre ma mère.
Au début, je fus installé dans l’ancienne chambre de mon oncle Joseph, laquelle conservait quelques stigmates de son adolescence comme une cible de fléchettes dessinée directement sur le mur et un poster d’ACDC. Puis très vite, sur les conseils avisés de l’assistance sociale, et grâce à l’aide apportée par un autre de mes oncles, Michel, la chambre fut repeinte et aménagée de manière à convenir davantage à un enfant de mon âge. Selon les experts, il était souhaitable que je m’approprie ce lieu et que je m’y sente en sécurité. Pour ma part, j’avais surtout l’impression de flotter, comme un ballon sans attache, égaré entre deux courants d’air. Je me retrouvais vide, seul, sans ma mère, ce qui était sans doute mieux, mais surtout sans ma sœur qui avait été mon compagnon de jeux, mon unique amie, ma confidente, mon institutrice, pendant ces longs mois. J’avais perdu l’habitude de l’école. Je restais assis sur mon lit à contempler les palmiers verts et bleus imprimés sur la housse de couette. Et j’attendais. Quoi ? Je n’en avais aucune idée. Ma grand-mère, à sa façon, c’est-à dire avec une attitude maladroite et un ton de butor, tentait de me stimuler : « T’as pas fini de rêvasser ? Viens donc m’aider à éplucher les patates ! » « Bouge ton cul de ce tabouret, va jouer dans le jardin ! » « On va faire des crêpes ! » J’ai fini par m’habituer à cette vie. À cette autre vie. À cette nouvelle vie. À cette étroite cour grillagée qui servait de jardin, à cette maison coincée dans une autre époque, aux scènes de chasse représentées sur le papier peint du salon, à ce canevas au-dessus du canapé, à cette petite horloge sous un globe de verre et dont le balancier tournait sur lui-même invariablement.
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Nous avions émis, un jour, l'hypothèse que l'un de nous pourrait détourner l'attention de notre mère, par exemple en se dévouant pour être le destinataire de ses coups, pendant que l'autre tenterait de s'enfuir, mais l'idée que l'un de nous deux dût rester seul dans cet enfer annihila nos désirs de fuite.
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Le soleil était à son zénith et la température devait avoisiner les trente degrés. Enzo avait toujours aimé la chaleur et n'avait jamais eu besoin de se protéger contre le soleil. Il bronzait sans problème et pouvait s'enorgueillir d'un teint naturellement hâlé. Il se surprit à ôter son tee-shirt. Il était seul, et la nature s'offrait à lui. Il voulait en sentir chaque parcelle contre sa peau. Il s'allongea sur une plate-bande herbeuse entre la caravane et le potager. Ça lui grattait le dos, mais ça n'était pas désagréable. Il ferma les yeux et prit une profonde inspiration. Il distinguait au loin le bruit d'un tracteur. Tout le reste n'était que nature : brise dans les feuilles, criquets et chants d'oiseaux. Un des chants se fit d'ailleurs beaucoup plus distinct. Il ouvrit à demi son oeil gauche et aperçut une mésange sur le toit de la caravane. Il releva son buste pour déjouer le soleil aveuglant et mieux discerner l'oiseau, mais celui-ci s'envola au premier mouvement. Il demeura ainsi, appuyé sur ses deux coudes.
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Il décida de se glisser hors du lit sans réveiller son frère. Le soleil l'appelait au-dehors. Il ouvrit la porte de la caravane en prenant soin de ne pas faire de bruit et se faufila à l'extérieur. Encore en boxer, il ressentit la chaleur sur son corps ainsi exposé. Les odeurs de la nature se déployaient autour de lui. Quelles douces sensations ! Assurément, le monde s'était réveillé avant lui ce matin, et cela ne lui déplaisait pas d'arriver au milieu de la fête. Il ne se souvenait pas avoir connu la sensation de l'herbe sous ses pieds nus. Il aimait ça. Jamais on ne lui avait appris à contempler les merveilles de la nature. Il évoluait en autodidacte. Il ne voyait presque plus le dépotoir de métal devant la caravane. La verdure y avait d'ailleurs repris ses droits sans rien demander : des fleurs des champs sortaient d'un vieux tambour de machine à laver. Elles n'avaient pourtant pas poussé cette nuit, mais il les voyait enfin. Les papillons qui dansaient dessus achevaient le tableau.
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