Les rares recommandations que le roi (Léopold Ier) fait à son aîné (le futur Léopold II) ont, au même titre que celles de ses précepteurs, le don de l'irriter. C'est que Léo (le futur Léopold II) volontiers raisonneur et impertinent, est très jaloux de son indépendance et de sa liberté qu'il défend avec âpreté en profitant des contradictions de ses mentors dont il conteste l'éducation. Rétif aux arguments d'autorité et naturellement autodidacte, il entend se forger une opinion par lui-même. Il a du mal à s'imposer des tâches qui ne lui plaisent pas ou dont il ne perçoit pas la pertinence ou l'utilité.
C'est que Léo (le futur Léopold II) a des ambitions et des désirs auxquels il n'est pas prêt à renoncer. Pour parvenir à ses fins, il manipule plutôt que de risquer une confrontation qui pourrait tourner à son désavantage. C'est, dira de lui un de ses ministres, Alphonse Vandenpeereboom, un malin: il est retors, rusé, je n'ose pas dire fourbe; il dissimule sa pensée, plaide le faux pour soustraire les pensées intimes à son contradicteur.
Cerise sur le gâteau, si le projet bat de l'aile ou connaît un trou d'air imprévu, les pouvoirs locaux, voire l'Etat central, volent au secours du promoteur en prenant en location les superficies de bureaux restées désespérément vacantes, comme c'est le cas au quartier Nord au début des années 1970. A tel point qu'aujourd'hui, près de la moitié des tours bruxelloises sont occupées par des administrations publiques ou assimilées.
L'élection de Bruxelles, modeste capitale d'un petit pays, au statut de capitale de l'Europe l'a profondément et durablement métamorphosée en un demi-siècle à peine, pour le meilleur souvent et pour le pire parfois. D'un point de vue politique, économique et culturel, le bilan est assurément positif. Sur le plan social et du développement urbanistique, il est beaucoup plus mitigé.