Le livre de la semaine : "la patiente de 17 heures" de Stéphane Rusinek éditions Thierry Marchaisse par Muriel Mingau.
Il y a le gros fauteuil en cuir et à roulettes qu'un jour je suis allée moi-même voler dans les bureaux de la présidence de l'université, parce que je trouvais injuste qu'ils aient de bons fauteuils alors qu'on devait faire cours sur une vieille chaise en bois, comme on n'en trouve même plus dans les écoles primaires du Larzac.
Sa voix tremble, elle bouge un peu plus et ses yeux semblent l'humidifier. Elle va craquer. C'est pas le moment, la séance est finie depuis quelques minutes ! J'aurai dû m'en douter, un syndrome du paillasson : c'est toujours en fin de séance, au moment de sortir du cabinet que les patients lâchent le truc important.
Quand l'on rencontre quelqu'un, il y a toujours un aspect qui nous fait penser à une autre personne. On accorde alors, sans même s'en apercevoir, les caractéristiques de la personne connue à la personne rencontrée.
Nous avions donc un chien, un chat, une belle maison dans un lotissement neuf, une grosse et une petite voiture. La vie rêvée pour plein de gens, d'après ce que j'ai compris. Un vrai stéréotype de téléfilm américain, de ceux qui passent à la télé aux périodes de Noël.
Elle retire ses lunettes et, pour la première fois, je vois ses grands yeux verts, sans une goutte d'eau, plus secs que le Sahara en période de sécheresse aride.
Mon truc c'est de faire une analyse fonctionnelle, de déterminer un "comportement-problème", comprendre ce qui le renforce et le maintient et trouver une solution pour qu'il disparaisse.
C'est impressionnant comme des événements peuvent perdre en route une partie de leur sens, suivant la manière dont on les formule.
"C'est pas facile. Cent fois je me suis répété ce que j'allais vous dire, c'était simple et limpide quand j'y pensais, mis maintenant, devant vous c'est difficile. Je ne sais même plus par où commencer.
-Ne faites pas attention à moi. Faites comme si vous étiez seule, ça ira peut-être mieux. Vous avez réussi à venir jusqu'ici, la prochaine étape est de me raconter votre histoire. Ne vous inquiétez pas, je suis une tombe, vous pouvez me raconter ce que vous voulez.
-Oui, je sais.
-Si vous le voulez, commencez par le commencement, c'est souvent le plus simple."
Une forme de psychothérapie certes, mais à peu près aussi proche de l'inconscient et du refoulement que la choucroute des spaghettis bolognaise.
Après tout, son histoire n'est pas la pire que tu aies entendu ici, la moitié de tes patients ont des histoires à dormir debout. Non, le problème ce n'est pas l'histoire, c'est celle qui la raconte.