Citations de Stanislas Mahé (16)
"A qui je dois des comptes, à part au Bon Dieu ? Et ça encore, ça se discute."
"Le temps faisait son oeuvre, les vies d'avant et les visages aimés s'effaçaient par blocs entiers. Il fallait résister de toutes ses forces pour ne pas oublier."
"La rumeur villageoise, si acerbe soit-elle, jamais n'atteindrait le dénigrement que je m'infligeais à fréquence régulière."
Elle se revoyait enfant, recroquevillée sur son journal intime quand la chape de chagrin s’abattait sur la maison, à copier des pages de mots magiques. Elle tanguait moins après coup, et la vie des adultes lui semblait à nouveau fréquentable. Ecrire, c’était comme déclencher ses essuie-glaces sous une pluie torrentielle. Un réflexe tardif et dérisoire, mais sans cela, la sortie de route était assurée. P119
"Certains soirs, au bal, l'excitation était palpable.
Le bonheur simple d'être en vie."
"Il n'est aucune sensation qui soit plus agréable dans la vie que d'abaisser les paupières et de s'enfoncer dans un fauteuil crapaud crème et bleu roi. Se laisser bercer par les voix des passagers et se sentir partir. Le corps las. Ne saisir plus que des bribes de conciliabules étouffés."
L'architecture du futur sera résiliente
Les ombres aussi, ont droit à leurs héros.
"J'ignorais si le retour des larmes, dix ans après que la machine s'était grippée, était de bon augure. Vivait-on mieux avec le goût des sanglots ?"
Qu’il s’agisse de Jeanne Passelaigue ou d’autre chose, toute demande maternelle rouvrait les vannes de l’exaspération et du ressentiment. Si Camille se souvenait, au plus fort des conflits de l’adolescence, avoir aperçu de la tendresse par-delà leurs emportements – autrement plus stimulants que les relations qu’entretenaient alors ses amies avec leurs parents -, la sincérité l’obligeait néanmoins à reconnaître qu’elle s’était promise, à douze ou treize ans, de ne jamais ressembler à Anna Valensi. Sa façon de prendre la vie par le colbac et d’en découdre avec les autres la heurtait. Son omniprésence physique l’asphyxiait. Elle rêvait parfois qu’on substitue à cette matrone à corps de chêne, un être fragile et délicat. Une mère de banlieues américaines cossues, distribuant les compliments comme des fournées de cookies. (p. 33)
"Je menais alors une vie tranquille, sans attache. A beaucoup d'égards, semblable au lit mobile de la rivière. En vérité, une vie atone et anesthésiée.
Dix-sept ans de bagne. Et pour quoi au juste ? Expier la mort de mes parents.
Payer pour les avoir abandonnés. Une vie en quarantaine à honorer leur souvenir en me punissant d'être vivant."
Ça me plaît assez ce concept d'une journée à rallonge. Ce n'est pas à mon âge qu'on néglige la perspective d'une vingt-cinquième heure. Je ne me suis jamais contenté de mes vingt-quatre heures, moi. J'ai toujours voulu double ration. Pas pour avoir plus que les autres mais pour vivre plus. Sortir du moule, devenir ma propre référence.
Territoire d'accueil d'une grande diversité d'activités économiques, l'île de Nantes s'est adapté aux nouveaux besoins grâce à un projet d'aménagement attentif aux acteurs économiques. Ce vaste territoire accueille également des programmes immobiliers accessible à tous grâce à une politique de l'habitat qui favorise la mixité sociale. L'ensemble du projet s'appuie sur la préservation du patrimoine industriel, le développement de la nature en ville et la culture comme moteur de la transformation urbaine.
Jeanne infliltrait la vie des autres. La jeune femme, louée pour son tact et sa déférence, n’y voyait aucune intrusion, mais le moyen le plus juste et le moins invasif d’encapsuler le réduit psychique d’un individu, d’emprunter son regard et ses mots, de se fondre dans son corps. Elle retirait de ces plongées quelques impressions, parfois même un fragment scintillant de vérité. A la différence des imitateurs et des chasseurs avec lesquels elle partageait le goût de l’affût et de l’observation, Jeanne investiguait les intérieurs avec infinie précaution et délicatesse, sans chercher à capturer une attitude ou reproduire un bon mot. Il en allait de ses portraits pour le journal comme des rencontres de l’existence. Sa reconstitution des faits des dernières semaines lui semblait particulièrement crédible (p 41)
A défaut de poursuivre la grande aventure du Canal, j'ai ouvert le premier magasin de pêche de la région. La Canne Apach. Je n'étais pas mécontent de ma trouvaille. Il n'y avait pas de raison d'abandonner aux salons de coiffure le monopole de l'humour de devanture.
Par un doux matin d’octobre, Jeanne avait gagné la gare d’Austerlitz depuis son studio de la rue d’Audubon, puis s’était engouffrée dans le premier train pour Clermont-Ferrand. L’intercités 3615 de 06h57. Elle se surprenait à retenir les numéros des Intercités Paris-Clermont, combinaisons aléatoires et poétiques de coordonnées secrètes indiquant les galeries souterraines susceptibles de la ramener à la maison. Elle affectionnait l’atmosphère ouatée des trains de l’aube, la précaution des voyageurs, les manœuvres souples des conducteurs, l’économie des annonces sonores. Les roues, soucieuses d’atténuer leurs crissements, épousaient la courbe du rail et ouvraient les campagnes de France comme un transatlantique fendait les mers éternelles, dans un mouvement parfaitement contradictoire de poussée et de retenue. Il lui semblait qu’elle percevait l’âme troublée de la machine, opposant à sa nature propulsive et expansionniste, de contemplatives réserves. (p.39).