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Citations de Serge Daney (27)


Serge Daney
La ville est le lieu où le jeune homme perd ses idéaux et la jeune fille sa vertu.
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Serge Daney
Le cinéphile est celui qui sait que ce qu'il regarde est en train de disparaître.
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Lorsque, dans l'étrangeté du samedi après-midi, le zappeur tombe sur un gros plan de murène ou sur un plongeur téméraire en train de voler à sa mère un bébé requin (lequel se débat), il sent que, sur ces images-là, il va poser le regard (et reposer, pour un temps, la télécommande). Et il n'est pas certain qu'il faille avoir la fibre animalière et aimer, comme Bardot, les bêtes, pour tomber sous le charme de ces images qui ne veulent rien. Images sans look, images cool, images à prendre ou à laisser. C'est parce qu'elles ne veulent rien que nous pouvons les vouloir. C'est parce que leurs acteurs sont muets qu'il nous vient le désir de parler d'eux (et non pas pour eux). Combien de crabes perplexes, de bancs de maquereaux étonnés, de petits poissons colorés et de grandes raies enterrées vivantes dans le sable ne nous ont pas fait "signe" un jour? Signe de vie et preuve que la vie va.

LA TÉLÉVISION AU FOND DU BOCAL (5 octobre 1987)
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Le visuel (qui est l'essence de la télé) est le spectacle qu'un seul camp se donne de lui-même tandis que l'image (qui fut l'horizon du cinéma) est ce qui naît d'une rencontre avec l'autre, fût-il l'ennemi.
(...)
Il est clair que nous sommes trop loin de la ligne droite avant le sprint présidentiel pour avoir droit à autre chose qu'au spectacle des seconds couteaux (Méhaignerie, Lajoinie déjà), lesquels, aussi coupants soient-ils, ont le tort d'être seconds. Nous sommes dans le pré-générique d'un film d'action à venir.
(...)
Le speaker vedette n'était (...) venu de Paris que pour essayer d'être dans la même image qu'un Scud et il ne courrait qu'un risque : qu'il n'y en ait pas de tiré à ce moment-là (ou que, tiré, il lui tombe dessus). (...) Qu'il n'y ait rien de plus humain que de vouloir "être dans l'image" est une chose, qu'on profite d'une guerre pour se "faire tirer le portrait" en faisant écran à tout le reste en est une autre. Jamais le double sens du mot "écran" n'a été autant d'actualité.
(...)
Comme si Spielberg, après avoir filmé du point de vue d'un enfant voué à rencontrer E.T, s'était mis à filmer du point de vue d'un E.T. Un E.T. qui aurait mis tout son savoir dans un ordinateur afin de se refaire, de là-bas, une simulation émue de "comment c'est", chez les humains.
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Pourquoi ai-je aimé ce cinéma-là? Parce qu'au cinéma permanent s'est ajoutée l'idée de la vie permanente, d'un fond disponible sur lequel "s'enlevaient" les images. Parce que ce cinéma-là est le plus engagé socialement et qu'il me permettait de rendre au César du social ce qui lui revenait et auquel j'avais si peu d'accès. Accompagner le flux du temps, de la vie, mais aussi bien les contradictions dans leur devenir commun, un bout de temps. En finir avec ce qui ne finit pas, d'où les fins-miracles, les coups de force, les larmes à la fin. Partager du temps avec des personnages qui partagent l'image et son hors-champ. Passer le temps à le voir passer.
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"ça nous intéresse, Monsieur le président", disait Mourousi (debout) à Mitterand (assis), lequel (toujours assis) a vu récemment défiler (chez Ockrent) deux ou trois "phénomènes de société" plutôt rudes. Mais tout cela - démocratisation des rôle oblige - est normal puisqu'au même moment, on demande aux "stars" du showbiz de se prononcer sur la vie politique. Que, dans les deux cas, les réponses n'aient pas grand intérêt est secondaire puisque ce qu'on teste, ce n'est pas la réponse (avoir quelque chose à dire) mais la capacité à ne pas faire de lapsus trop voyants. Il en va pour le téléspectateur comme il en va pour le cinéphile : il va moins voir un film (expérience qui prend du temps) que vérifier qu'il correspond bien à son image. C'est ainsi que se constitue un public amateur de symptômes plus que de "messages", de plus en plus sophistiqué et de moins en moins exigeant.
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Croyance désespérée que le cinéma transcende les gouts personnels, que je préfèrerai un film hétéro-hétéro de Rossellini à un film homo mais complaisant de Reisenbach. Espoir qu'il y a dans le cinéma plus que la reconnaissance de "ses" objets. Morale: que les films servent à se coltiner ce qu'il n'est pas question de fréquenter dans la vie.
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La parenthèse (morale) du cinéma moderne étant finie, le cinéma (ou ce qu'il en reste) redécouvre une question de fond: d'ou viennent les corps de reve? Comme si les hommes et les femmes (et les enfants) des spots publicitaires, une fois décrochés du "social" et libérés des histoires "communes", flottaient dans un éther sans histoire et qu'il fallait, héritant d'eux, leur inventer une génèse, un mythe, une origine. Ce serait le sens du plongeur du "Grand Bleu", bien beau garçon incapable de partager une histoire avec qui que ce soit et à qui il faut, du coup, trouver un mythe-programme, celui qui le départage d'avec les dauphins.
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cela se dit : l'arbitrage de Roland-Garros serait désastreux.
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L'affaire Mediamétrie (le soupçon sur les indices d'écoute est une des choses les plus gaies qu'on puisse imaginer) et ce qu'on sait sur les techniques à venir du contrôle du téléspectateur vont toutes dans le même sens : l'écran du téléviseur n'est plus une frontière qui - comme tout écran - sépare et réunit des êtres anonymes mais un miroir dans lequel, idéalement, l'émetteur et le récepteur se comptent et se voient. Effet du "village global" dont parlait MacLuhan : on fait une émission pour voir ceux grâce à qui elle marche. Pour les voir et pour les compter. On ne va plus voir quelque chose, on y va "pour voir".
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De tout temps, il a existé un étrange plaisir à dire que la télé était nulle. Une façon de sous-entendre que d'une télé meilleure nous ne saurions pas trop quoi faire. Qu'il n'y a pas de raison pour que, médium du quotidien, elle l'emporte en intérêt sur le quotidien de nos vies. Que la télé, c'est toujours mieux ailleurs (en Angleterre, par exemple) et que, de toute façon, on n'ira pas y voir de plus près. La télé est mauvaise comme la météo peut être mauvaise, c'est-à-dire naturellement, comme un environnement météorologique de plus.
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[...] Je me souviens aussi, cette fois à Hong-Kong, de ma seule rencontre avec l'inrencontrable Chris Marker. C'était un jour de canicule et nous avons envisagé (un peu trop crânement, quand j'y pense), la disparition pure et simple du cinéma, sa dilution heureuse, sa perte frivole, comme s'il se fût agi du rêve du seul XXe siècle et qu'il ne survivrait pas à notre réveil désenchanté, au seuil du XXIe. Nous y voilà.
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On reconnait le cinéma filmé au fait que les morceaux de cinéma (scènes, genres, citations) sont livrés avec émotion incorporée. L'émotion n'est pas le résultat (aléatoire) de la scène, elle est le matériau de départ.
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Si la personne était un noeud de forces dans un réseau, l'homme un cercle avec un noyau et une périphérie, l'individu est une sorte de polyèdre à facettes, exposé sous plus de facettes à plus de stimulations de l'extérieur, capable de plus de branchements mais plus superficiels. Notre monde est plus superficiel parce qu'il y a plus de surfaces qui sont autant d'interfaces. Le coeur est dégarni, le noyau non pas dur mais vide.
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le présentateur zappe à sa façon, donnant et retirant la parole, exactement comme on pianote sur une télécommande. Sage comme des images, les invités (venus vendre leur image, même en solde) ne protestent pas, sourient à tout hasard et font masse faute de mieux.
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L'élégance a donc disparu à mesure que, du tennis, l'oeil du téléspectateur attendait antre chose que de l'élégance. C'est ainsi que l'infernal Connors et l'aberrant MacEnroe furent aimés en raison même de leurs mauvaises manières, parce qu'elles étaient finalement plus intéressantes que la classe guindée des derniers stylistes (de Clerc à Gomez). Tout cela, au demeurant très humain, creusait la scénographie du tennis d'une dimension supplémentaire, celle du gros plan après l'échange, du replay désarticulé, de la trivialité stroboscopique du ralenti, du micro à hauteur de court. c'est ainsi que le nombre d'évènements à la seconde s'est gonflé de tous les affects, tics, pulsions et rages muettes dont un corps est capable.
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Nous sommes bien au pays où informer n'est pas un plaisir mais un devoir.
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les voix off des journalistes retrouvent cette façon de faire sentir que tout cela est grave mais doit être dit.
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On ne privatise pas la consommation des images sans reconnaître au consommateur le droit au caprice et l'irresponsabilité.
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Les bons films, de nos jours, viennent souvent d'une capacité de solitude, plus ou moins bien subie et assumée. Cela leur confère une tonalité propre, une rage sourde ou une musique désolée, comme une obligation de "faire avec" le peu qui leur est laissé. Car il pèse désormais une menace sur le contrat minimum qui veut qu'un film soit, malgré tout, tourné vers le dehors. Un dehors qui soit le lieu de l'autre, altérité dont le "public" n'est que la forme la plus traditionnellement désirable. Autrement dit : le principe de non-suffisance reste au cœur du cinéma, même à l'époque où les auteurs se drapent trop facilement dans l'autonomie du "Ça me suffit". Justement, ça ne suffit jamais.
(p.113)
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