Citations de Robert Sabatier (310)
Ecrire, c'est lire en soi pour écrire en l'autre.
On doit pas battre une femme, même avec une fleur !
A ma narration j'ordonne le silence. Pourquoi l'ai-je entreprise ? Par désir d'écrire, de témoigner, de laisser une trace, de... ? Au cours de cette randonnée écrite, je revis intensément ces heures de naguère. A défaut de pouvoir inverser le temps, je retiens ce qui s'éloigne, je prends la fugacité à mes pièges, j'éprouve un sentiment dense et fort, entre attente et plaisir, délabrement et renaissance. Il en naît un espoir insensé - comme si ces lignes pouvaient faire surgir ce que j'ai cherché toute ma vie, un monde endormi, l'autre monde, celui des possibilités d'êtres avortées.
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En ce temps là,j'habitais un jardin éblouissant.Les parterres de ma vie étaient semés de fleurs que je n'osais pas cueillir.
"Je me souviens...", dit l'homme dans son âge mûr, puis il sourit, tire sur sa pipe, regarde voler un oiseau. Une chansonnette exprime toutes les pensées de tous les philosophes de tous les temps:Rien ne rempla-aceu, Le temps qui pa-asseu.
Ce gommeux qu'on appelait "le beau Mac" monta la rue, feutre en arrière, bord rabaissé sur le devant, en veste de sport aux épaules rembourrées, pantalon avec des poches dites "à la mal au ventre", chaussures jaunes imitation crocodile.
Autre visage
Un enfant pousse un mur et c’est l’Automne
Qui vient jaillir au cœur de sa prison
Tout cerné d’or, de bois et de couronnes
Il sent la mort passer contre son front
Et se retrouve ailé dans son royaume
Lui qui luttait tout seul contre la ville
Le voici roi de la terre et des monts
Il trouve un sceptre en toute fleur qui brille
Et le cueillir est un geste si bon
Que sa blessure en est source de vie.
Un vieux palais de lierre et de feuilles
De fils tissés dans la moiteur de cieux
S’offre à ses pas – les êtres qui l’accueillent
Ont des regards venus d’un autre lieu
Où la lumière est à celui qui pleure.
Un enfant pousse un mur avec ses paumes
Il a très peur des dieux à découvrir
Tout éclairé des raisins froids de l’aube
Dans sa douleur il ne peut les saisir
Un enfant pousse un mur et c’est sa vie
Qui lentement passe d’un siècle à l’autre.
Comme la dentelle , la conversation est l'art d'orner les trous .
Un enfant lisant les épitaphes sur les tombes d'un cimetière demanda a' son père dans quel coin du cimetière on enterait les méchants .
La rue était immobile,silencieuse,vide. Elle subissait le viol d'un soleil blanc qui la décolorait,uniformisait ses immeubles,lui donnait un aspect fantomatique,comme si on avait recouvert ses façades de draps blancs. Pendant des semaines,Olivier y avait erré, sa douleur enfermée dans sa poitrine et , pour lui plaire,elle avait composé des festivals de paroles et de gestes,de rencontres et de jeux. Elle avait ajouté des notes joyeuses au triste concert qu'il portait. Plus tard, il se souviendrait de ces simples spectacles de la vie,si courants, si évidents que la plupart des hommes ne les voyaient plus.
LES FEUILLES VOLANTES
Extrait 1
Adieu mon livre, adieu ma page écrite,
Se détachant de moi comme une feuille,
Me laissant nu comme un cliché d'automne.
Je vous dédie une arche de parole
Pour naviguer, mes amis, naviguer
Dans ma mémoire où se taisent les loups.
Vole ma feuille au-dessus de la ville,
Franchis le fleuve et détruis la frontière.
Amour, amour, ô ma géographie !
…
p.114
Voilà que sans barbe, je ne me reconnaissais plus.
Le temps avait-il tenté une nouvelle sculpture ?
Quel mot magique permet d'ouvrir les portes de la vie ?
Existe-t-il une manière de communiquer sa force vitale à l'autre ?
J'employai la parole comme si elle était un baume.
Je lui réciterai, puis je lui donnerai ma démission en lui flanquant ma main sur la figure …
[La forme de cette poésie, quand elle est imprimée correctement, affecte celle... d'une bouteille. Mais ceci n'apparait pas dans Babelio]
LA BOUTEILLE
Que mon
Flacon
Me semble bon :
Sans lui
L’ennui
Me nuit,
Me suit ;
Je sens
Mes sens
Mourants,
Pesants,
Quand je le tiens,
Dieux ! que je suis bien !
Que son aspect est agréable !
Que je fais cas de ses divins présents !
C’est de son sein fécond et de ses heureux flancs
Que coule ce nectar si doux, si délectable,
Qui rend dans les esprits tous les coeurs satisfaits;,
Cher objet de mes voeux, tu fais toute ma gloire,
Tant que mon coeur vivra, de tes charmants bienfaits
ll saura conserver la fidèle mémoire.
Ma muse à te louer se consacre à jamais,
Tantôt dans un caveau et tantôt sous ma treille.
Ma lyre, de ma voix accompagnant le son,
Répétera cent fois cette aimable chanson :
Règne sans fin, ma charmante bouteille ;
Règne sans fin, mon cher flacon !
Charles-François Panard (1694-1765)
La Deuxième Guerre mondiale venait de donner un répit au
monde, perdue comme toutes les guerres par toutes les parties et gagnée
peut-être par les progrès foudroyants des sciences et des techniques.
Quand on n'a plus d'espoir, on prend le pan des sa chemise pour en faire un mouchoir.
Je lus avec avidité, je lus ce livre, un autre, un autre encore. Je lus comme on s'enivre, comme on se drogue, comme on voyage. Je lus comme on cherche un secret.
- Tu aimerais rester avec nous ?
La tête d'Olivier s'était inclinée comme une fleur trop lourde. Il aurait aimé rester, il aurait aussi aimé revoir Paris, il se serait voulu partout à la fois.
N'oublie pas que l'homme mûrit devant l'épreuve.