Les rapports de Raymond Aron avec le gaullisme pendant la seconde guerre mondiale
INA
Vous admettez des miracles, ces exceptions aux lois naturelles : pour moi, tout est miracle. Vous opposez sacré et profane : pour moi, tout est sacré. Vous opposez le prêtre et le laïc : pour un juif, tout laïc est prêtre.
![](/couv/cvt_Les-grands-dossiers-de-lhistoire-contemporaine_8026.jpg)
Le jour où Pierre Pucheu décida d’entrer dans la vie politique est ce 6 février 1934 où, pour la première fois depuis 1871, le sang français a coulé au cours d’une insurrection dans les rues de la capitale. Une partie de l’opinion, écœurée par des scandales qui n’ont pas épargné les milieux parlementaires, irritée que partout au monde la France fasse figure de pays sclérosé, mal administré, mal gouverné, en face des régimes neufs qui, en Allemagne comme en Italie, comme en Russie, ont sacrifié la liberté au bénéfice de la force - une partie de l’opinion veut rénover les structures et réformer les institutions. Les uns, qui sont totalitaires, louchent en direction du fascisme ou du communisme. Les autres, qui sont malgré tout partisans de la démocratie, croient en la vertu d’un rassemblement des éléments populaires. Au 6 février, journée des anciens combattants qui se situent à droite. Va répondre le 8 février, journée des partis de gauche.
Pierre Pucheu, lui, n’a pas encore manifesté de vocation politique : il est un technicien épris d’efficacité. De méthode et de rendement : «Quel que soit le futur régime, me déclara-t-il un Jour, on aura besoin de moi et ma place y est assurée.» ...
49
A la ligne frontière; la barrière se lève, les voitures entrent en France; s’arrêtent.
Quelques soldats et des gendarmes hésitent, ne sachant pas s’ils doivent ou non présenter les armes. Un général s’avance et dit au Maréchal de descendre de sa voiture : c’est le général Koenig, que Pétain ne connaît pas:
Ayant mis pied à terre; le Maréchal lui tend la main. Koenig refuse.
Ainsi s’accomplit le retour du Maréchal, ancien Chef de l’Etat Français.
Le premier correspondait à l'aventure exaltante, mais d'apparence désespérée, dont Charles de Gaulle est l'annonciateur. Le second à l'épreuve lente et douloureuse dont Philippe Pétain ne prévoyait ni le durée ni la fin.
Tous les deux étaient également nécessaires à la France. selon le mot que l'on prêtera successivement à Pétain et à de Gaulle : « Le Maréchal était le bouclier, le Général l'épée. » Pour l'instant, le Maréchal parut avoir raison ; pour l'avenir, le général a vu plus juste. […]
![](https://images-eu.ssl-images-amazon.com/images/I/51r0h1nQG1L._SX95_.jpg)
Il se peut que, à certains égards, ces esclaves d’autrefois soient moins déshumanisés, tout au moins dans leur travail, que les prolétaires d’aujourd’hui. Les gestes qu’ils accomplissent constituent sensiblement la répétition ou le prolongement de gestes naturels. Comme l’a écrit Adrien Tilgher, « la technique antique, en général, ne va pas au-delà du plan de la nature dont elle est seulement un prolongement et une amplification quantitative ». Ceci est vrai également pour l’utilisation technique de l’esclavage. Au contraire, la technique moderne rompt avec les rythmes naturels et se donne de plus en plus pour base des opérations artificielles qui s’appliquent à la réalité, mais qui n’en procèdent pas. Elle devient une « pure abstraction inventive », ce qui est le signe de nos sociétés modernes. Le travailleur actuel, assujetti aujourd’hui à la loi d’airain du plus fort, c’est-à-dire, selon les cas, d’un patron, d’un organisme, d’un système ou de l’État, subit ainsi une double aliénation, alors que l’esclave antique n’en connaissait qu’une. L’esclave perdait sa liberté mais demeurait dans la vie. Le prolétaire perd le contact avec la réalité, il vit dans l’abstraction, en même temps qu’il aliène sa liberté. Double aliénation qui s’accentue à mesure que s’effectue l’évolution de l’habitat humain depuis la hutte individuelle jusqu’à la cité moderne. (pp. 32-33)
Dans le cours de ce volume ,nous avons eu maints exemples de ces jugements sommaires,contraires aux traditions humanistes françaises .Il était assurément inévitable qu'au moment de la libération ,dans la succession des représailles et contre-représailles qui se produisaient alors ,de telles erreurs dussent se perpétuer et s'accentuer.