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Citations de Revue Poésie 1 (167)


Marc-Antoine Girard de SAINT-AMANT

La pipe

Assis sur un fagot, une pipe à la main,
Tristement accoudé contre une cheminée,
Les yeux fixés vers terre, et l'âme mutinée,
Je songe aux cruautés de mon sort inhumain.

L'espoir qui me remet du jour au lendemain,
Essaye à gagner temps sur ma peine obstinée,
Et me venant promettre une autre destinée,
Me fait monter plus haut qu'un Empereur Romain.

Mais à peine cette herbe est-elle mise en cendre,
Qu'en mon premier estat il me convient descendre,
Et passer mes ennuis à redire souvent :

Non, je ne trouve point beaucoup de différence
De prendre du tabac à vivre d'espérance,
Car l'un n'est que fumée, et l'autre n'est que vent.
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Paul-Jean Toulet

L’Alchimiste

Satan, notre meg, a dit
Aux rupins embrassés des rombières :
» Icicaille est le vrai paradis
» Dont les sources nous désaltèrent.

» La vallace couleur du ciel
» Y lèche le long des allées
» Le pavot chimérique et le bel
» Iris, et les fleurs azalées.

» La douleur, et sa sœur l’Amour,
» La luxure aux chemises noires
» Y préparent pour vous, loin du jour,
» Leurs poisons les plus doux à boire.

» Et tandis qu’aux portes de fer
» Se heurte la jeune espérance,
» Une harpe dessine dans l’air
» Le contour secret du silence. «

Ainsi (à voix basse) parla
Le sorcier subtil du Grand Œuvre,
Et Lilith souriait, dont les bras
Sont plus frais que la peau des couleuvres.
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JEAN RICHEPIN

SONNET BIGORNE

— argot classique —
Luysard estampillait six plombes.
Mezigo roulait le trimard,
Et jusqu’au fond du coquemart
Le dardant riffaudait ses lombes.

Lubre, il bonissait aux palombes :
« Vous grublez comme un guichemard. »
Puis au sabri : « Birbe camard,
« Comme un ord champignon tu plombes. »

Alors aboula du sabri,
Moure au brisant comme un cabri,
Une fignole gosseline,

Et mezig parmi le grenu
Ayant rivanché la frâline,
Dit : « Volants, vous goualez chenu. »

(La Chanson des Gueux)
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Quelle voix m'appelle dans le lointain
je n'en peux rejoindre l'origine
je l'entends résonner dans mon cœur
pour réveiller des ombres endormies

Quel amour m'oblige sure la terre
quand je n'ai plus assez de foi
pour nourrir ma vie d'une lumière
dont parfois j'ai réglé mon sang

Où se cache le source qui ordonne
cette force à mes gestes consumés
tandis que mon âme demande silence
devant le mur d'une paix

Pour quel obscur dessein m'avoir donné
une part d'existence sous le soleil
à moi qui ne sais jamais vivre
que l'aigre étonnement d'être né

Le jour brûle au bout de mes doigts
sans bruit comme ferait la mort
cette usure remonte dans mes veines
le souvenir sans logis d'une tendresse.


p.20
Patrice CAUDA, France, (1925-1996)
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PROGRES EN MARCHE

Pour trouver l'antique source
De ton coeur, belle endormie
Du coudrier je prends la fourche
(Progrès entre nous, énorme)
Halte ! Le progrès est en marche
Vois-tu son membre et ses bourses ?
Aux armes, citoyens, aux armes !
Rien ne peut lui fermer la bouche
Le progrès sera l'art en larmes
Puisque la fin d'un monde approche.
Vivent les larmes ! Vive l'art !
Il y a anguille sous roche
Et dans nos pièges du lard.
Vous oubliez, Monsieur, que j'ai versé des arrhes.
Comme on fait son lit on se couche.
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Viens mon amour d'automne creuse un trou de vent
assemble les chardons et les bleuets de l'âme
pour les jeter à la mer en bouquets de désirs perdus
Longtemps nos mains reunies seront oppressées par l'angoisse
fuyant l'envoûtement d'un impossible amour.

Jacques Blot
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Amour d’amour
  
  
  
  
VII
     Déchirure de ce terme
Et nos regards qui se voudraient
Toujours amis mais déjà
Si loin si loin pourtant si proches

     D’un verdict sans appel
Alors que fabuleuse
Une somme d’amour
Restait à investir
Au plus riche de nous

     Or ce baiser autant
Refusé que donné
Demeurera sur mes lèvres
Quand une autre viendrait
M’apporter le beau leurre
     D’une trêve apaisante
A cet instant où joie
Et chagrin se pénètrent
Confondus dans l’acmé
Silence de nos lèvres
Au joint de l’extase

     Sentir en nous s’apaiser
Le ressac des mers et océans
Goûter sans dire
La trêve des gouffres
Le repos des volcans

     À l’arrêt
     Une comète nous fixe
     Apaisée
     …


// André Verdet (1913 - 2004)
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COEUR AU VENTRE

Ou sont les églantines
Ou le Saint Sacrement
Les fêtes enfantines
Et le Prince Charmant ?

La mer se rappelle
Son éternité
Sa petite pelle
Ses petits pâtés.

Le sel de ses larmes
Le sel de nos pleurs
Et l'appel aux armes
Dans les haut-parleurs.

Et toute cette aventure (entre nous) vous mettra du coeur au ventre.
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Jacques Audiberti
***
À la terre

Perçante patrie, inique pâture,
à consonnes, cloc ! je t'honorerai
devant que la mort, fuie et, clic ! future,
s'abatte sur moi soudain désœuvré.

Je chanterai ta mer et ta montagne,
tes femmes avec leur, cluc ! tendre corps,
quelquefois le vol, clac ! des trimoteurs.

Tendre te dirai pour que tu tournes tendre.
Amène décrite, amène seras.
Tes tympans, milliers, sont là pour m'entendre,
ceux des chats, des femmes, de nous, des rats.

Je t'honorerai pour le clanc des gouttes,
pour la fraîche fraise et pour tant de fois
les toits, la rivière au tournant des routes,
pour avril chassant la neige des mois.

Mais que tu t'entêtes à tourner la sonde
dans la matière où tu nous découpas,
que le mal, tenant du cadran du monde,
à sortir du mur ne consente pas,

je consens, malgré ce qui saigne et souffre,
à chérir en toi, planète ! pouschta !
la furie en butte à mon propre gouffre
mais qui le fleurit pour qu'il nous flattât.

(« Vive guitare », Robert Laffont, 1946)
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Raymond Queneau

Encore l'art po

C'est mon po - c'est mon po - mon poème
Que je veux - que je veux - éditer
Ah je l 'ai - ah je l'ai - ah je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Oui mon po - oui mon po - mon poème
C'est à pro - à propos - d'un pommier
Car je l'ai - car je l'ai - car je l'aime
Mon popo - mon popo - mon pommier

Il donn' des - il donn' des - des poèmes
Mon popo - mon popo - mon pommier
C'est pour ça - que pour ça - que je l'aime
la popo - la popomme - au pommier


Je la sucre - et j'y mets - de la crème
Sur la po - la popomme - au pommier
Et ça vaut - ça vaut bien - le poème
Que je vais - que je vais - éditer

(Le Chien à la mandoline)
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L'humour ne se définit pas. Ce n'est pas une institution, mais une manière de voir et de donner à avoir dont il serait abusif de réserver la science aux Anglo-Saxons. C'est aussi une très ancienne manière de déshabiller les apparences et les idées reçues, mais il aura sans doute fallu attendre le siècle dernier pour qu'on accorde à l'humour une place à part entière dans les manifestations de l'esprit… Rabelais et Clément Marot étaient des hommes d'humour, mais assez drôlement ce qui a laissé longtemps supposer que cette qualité rare était l'apanage d'autres peuples c'est la réputation d'esprit des Français.
(p. 7)
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On devrait nourrir une immense affection pour ceux qui n'écrivent pas de poèmes, qui lisent ceux des autres, ne discutent pas d'abord la technique, ne fendent pas les mots en quatre : semblables en cela aux vrais amateurs de cinéma, ceux qui dans les ciné-clubs ne restent jamais pour la discussion, mais qui se lèvent sans un mot dès la dernère séquence, avec des gestes ralentis, un peu perdus ; et qui s'en vont, presque recueilis,parce qu'ils emportent quelque chose de fragile et d'irremplaçable, dont on ne peut pas parler, surtout pas de suite : leur propre émotion.

818 - [p. 7]
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Hélas jamais ne recommence
pour notre sang la longue année
et bien heureuse les branches
qui portent fleur à chaque mai
Hélas nulle récréance
ne remonte de l'ombre tombée
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SOUS VOTRE ENCLUME


L'oiseau qui bat sous votre enclume
Devient du vent sous mon marteau
Belles et buts ouvrez vos plumes
Comme un maçon répand sa chaux

Ouvrez vos plumes d'âge en âge
Pour que j'entende par les rues
Les marteaux des belles sans but
Sur les enclumes du voyage

Et que le mur qui tombe en poudre
Dans un plumage de minutes
Fasse briller comme la foudre
La belle morte sur son but


p.390-391
//Georges Neveux PROVERBIALES
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Charles CROS
1842 - 1888

Le hareng saur
A Guy.

Il était un grand mur blanc - nu, nu, nu,
Contre le mur une échelle - haute, haute, haute,
Et, par terre, un hareng saur - sec, sec, sec.

Il vient, tenant dans ses mains - sales, sales, sales,
Un marteau lourd, un grand clou - pointu, pointu, pointu,
Un peloton de ficelle - gros, gros, gros.

Alors il monte à l'échelle - haute, haute, haute,
Et plante le clou pointu - toc, toc, toc,
Tout en haut du grand mur blanc - nu, nu, nu.

Il laisse aller le marteau - qui tombe, qui tombe, qui tombe,
Attache au clou la ficelle - longue, longue, longue,
Et, au bout, le hareng saur - sec, sec, sec.

Il redescend de l'échelle - haute, haute, haute,
L'emporte avec le marteau - lourd, lourd, lourd,
Et puis, il s'en va ailleurs - loin, loin, loin.

Et, depuis, le hareng saur - sec, sec, sec,
Au bout de cette ficelle - longue, longue, longue,
Très lentement se balance - toujours, toujours, toujours.

J'ai composé cette histoire - simple, simple, simple,
Pour mettre en fureur les gens - graves, graves, graves,
Et amuser les enfants - petits, petits, petits.

(Le Coffret de santal)
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CE N'EST PAS
PARCE QUE TU ES DANS UNE PRAIRIE


Ce n'est pas parce que tu es dans une prairie
Plus haute que la tête des homes
Que tu es mort
Le vent entraîne les feuilles à la terre
Comme un rivage et comme un soupir

J'annonce à ceux que tu as connus
Ton obéissance à la solitude
Et ton passage avec des animaux
Sur une montagne
Où le bruit est éternel quand on le touche

Et rappelle-toi ce qu'ici-bas faisaient
Le charme
Les saisons et la femme sans innocence
En vérité peu de chose à dire aux ombres
P mémoire de la vie…


p.404-405
//Georges SCHEHADÉ
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Fermoir

Tableau transformable
au mobile écran
le prisme des fables
sert les quatre sens ;
l’espace qui bouge
en ta profondeur
filiforme touche
l’esprit créateur
violet et rouge
métamorphoseur,
tout se multiplie
silhouette, l’art,
son et poésie,
le ciel qu’on déplie
retour et départ :
à chacun son rêve
œuvre, liberté
de tout transposer
la vie est trop brève,
il faut l’inventer.

(p. 57, Géo Libbrecht, in Abstrachromie)
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A quoi sert de jouer, si la triche est admise
Je ne suis pas joueur.
A jouer avec vous, je perdrais la chemise
Qui me cache le cœur.

Jouez, régnez, mourez, croyez à votre époque !
Vous avez réussi !
Mais mon silence de vos vacarmes se moque
Je ne suis pas d'ici.

1676 - [p. 70]
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Laveuse de vaisselle à Padoue, de Gabriel Cousin

Frêle petite jeune fille, je te voyais laver ce que j'avais sali.
Dans ton coin, tes mains récuraient les assiettes et les verres et tu regardais notre joyeux couple manger.
Les tendres couples enlacés, les couples inquiets serrés, les couples confortables, les tristes couples déjà perdus, les gentils couples qui t'ignoraient.
Pour sortir, nous passions près de toi. Tes grands yeux sombres s'éclairaient dans ton visage transparent.
Tu étais si belle et si fine de fatigue, de tristesse et si pâle que je chargeai mes yeux d'amour pour toi et tu souris.

501 - [p. 15]
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Tu as des mains
à émerveiller mes saisons
Tes doigts sourciers
trouvent ce point d'eau
où les délices vont boire.
C'est un monde de voyages
où les mouettes sont prises
dans les filets du vent.

Anne-Marie Derèse
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