Surtout pas. On n'oublie pas Jan. On se force à ne plus penser à lui lorsqu'on comprend que l'on ne peut rien faire contre son absence et son silence incompréhensibles. On se force à ne plus pleurer, on se force à ne plus parler au vide à côté de soi - les gens se demandent très vite si l'on ne s'est pas échappé de l'asile. On se force à oublier tout ce qui fait mal. On se réfugie dans une masse de futilités. On va au ciné, on achète des cahiers et des classeurs. Mais rien n'y fait : on n'oublie pas Jan pour autant.
Stop ! On revient en arrière ! Je ferme ma grande gueule et toi, Jan, tu me lâches ton Vrai Grand Secret. Je l'accepte, quel qu'il soit. J'y prends part, je prends part à ta terrible réalité, à ton abominable et complexe monde alternatif : ton monde invisible s'insinue dans le mien, un monde ensoleillé. [...] Allez, Jan ! On fait un nouvel essai ! On ouvre la cinquième dimension, on abandonne cette fichue alternative et on en prend une autre dans laquelle tout ira bien !
Nous venions d'écrire un nouveau chapitre, Jan. A-t-on une fois pleuré avec quelqu'un, le monde en est totalement transformé.
Tu n'as rien raconté et ça a changé beaucoup de choses. Je dois tout reconstruire moi-même et ça change beaucoup de choses. Maintenant, il est trop tard pour comprendre.
Si j'avais appris la manière de vivre pour de vrai - comme tout le monde - la manière d'écouter et de voir, je t'aurais compris beaucoup plus tôt.
Mais que faire avec toute cette douleur qui se déversait sur moi comme un torrent noir ?
J'ai peur, Jan, j'ai tellement peur de fermer les yeux et de tomber.