Citations de Paul-Jean Toulet (220)
“La nuit, quand tu as peur,
N’écoute pas battre ton cœur:
C’est une étrange peine.”
Il y a des pluies de printemps délicieuses où le ciel a l’air de pleurer de joie.
Si tu pleures de joie, ne sèche pas tes larmes : tu les voles à la douleur.
Aimez-vous le passé
Aimez-vous le passé
Et rêver d’histoires
Évocatoires
Aux contours effacés ?
Les vieilles chambres
Veuves de pas
Qui sentent tout bas
L’iris et l’ambre ;
La pâleur des portraits,
Les reliques usées
Que des morts ont baisées,
Chère, je voudrais
Qu’elles vous soient chères,
Et vous parlent un peu
D’un coeur poussiéreux
Et plein de mystère.
(Paul-Jean Toulet, "Chansons")
En Arles
Dans Arles, où sont les Aliscams,
Quand l'ombre est rouge, sous les roses,
Et clair le temps,
Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd ;
Et que se taisent les colombes :
Parle tout bas, si c'est d'amour,
Au bord des tombes.
La vie est plus vaine une image
Que l'ombre sur le mur.
Pourtant l'hiéroglyphe obscur
Qu'y trace ton passage
M'enchante, et ton rire pareil
Au vif éclat des armes;
Et jusqu'à ces menteuses larmes
Qui miraient le soleil.
Mourir non plus n'est ombre vaine.
La nuit, quand tu as peur,
N'écoute pas battre ton cœur :
C'est une étrange peine.
Les Contrerimes LXX (publiées en 1921)
Puisque tes jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton cœur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu'y courbe un souffle amer,
- Et grave ces mots sur le sable :
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer.
“Prends garde à la douceur des choses.
Lorsque tu sens battre sans cause
Ton coeur trop lourd”
C'était sur un chemin crayeux
Trois châtes de Provence
Qui s'en allaient d'un pas qui danse
Le soleil dans les yeux.
Une enseigne, au bord de la route,
- Azur et jaune d'oeuf, -
Annonçait : Vin de Châteauneuf,
Tonnelles, Casse-croûte.
Et, tandis que les suit trois fois
Leur ombre violette,
Noir pastou, sous la gloriette,
Toi, tu t'en fous : tu bois...
C'était trois châtes de Provence,
Des oliviers poudreux,
Et le mistral brûlant aux yeux
Dans un azur immense.
Le temps irrévocable a fui. L’heure s’achève.
Mais toi, quand tu reviens, et traverses mon rêve,
Tes bras sont plus frais que le jour qui se lève,
Tes yeux plus clairs.
À travers le passé ma mémoire t’embrasse.
Te voici. Tu descends en courant la terrasse
Odorante, et tes faibles pas s’embarrassent
Parmi les fleurs.
Par un après-midi de l’automne, au mirage
De ce tremble inconstant que varient les nuages,
Ah ! Verrai-je encor se farder ton visage
D’ombre et de soleil ?
Puisque tes jours ne t'ont laissé
Qu'un peu de cendre dans la bouche,
Avant qu'on ne tende la couche
Où ton coeur dorme, enfin glacé,
Retourne, comme au temps passé,
Cueillir, près de la dune instable,
Le lys qu'y courbe un souffle amer,
- Et grave ces mots dans le sable :
Le rêve de l'homme est semblable
Aux illusions de la mer.
Apprends à te connaître: tu t'aimeras moins; et à connaître les autres, tu ne les aimeras plus.
C’est Dimanche aujourd’hui. L’air est couleur du miel.
Le rire d’un enfant perce la cour aride :
On dirait un glaïeul élancé vers le ciel.
Un orgue au loin se tait. L’heure est plate et sans ride.
ME RENDRAS-TU, RIVAGE BASQUE
Me rendras-tu, rivage basque,
Avec l'heur envolé
Et tes danses dans l'air salé,
Deux yeux, clairs sous le masque.
Pâle matin de février
Couleur de tourterelle
Viens, apaise notre querelle,
Je suis las de crier;
Las d'avoir fait saigner pour elle
Plus d'un noir encrier...
Pâle matin de février
Couleur de tourterelle.
"Un Jurançon 93
Aux couleurs du maïs,
Et ma mie, et l'air du pays :
Que mon coeur était aise.
Ah, les vignes de Jurançon,
Se sont-elles fanées,
Comme ont fait mes belles années,
Et mon bel échanson ?
Dessous les tonnelles fleuries
Ne reviendrez-vous point
A l'heure où Pau blanchit au loin
Par-delà les prairies ?"
Mon coeur, si doux à prendre
Entre tes mains,
Ouvre-le, ce n’est rien
Qu’un peu de cendre.
Nuit d’amour qui semblait fuir entre deux dimanches.
Tel un grand oiseau noir dont les ailes sont blanches.
Douce plage où naquit mon âme ;
Et toi, savane en fleurs
Que l' Océan trempe de pleurs
Et le soleil de flamme ;
Douce aux ramiers, douce aux amants,
Toi de qui la ramure
Nous charmait d'ombre, et de murmure,
Et de roucoulements ;
Où j'écoute frémir encore
Un aveu tendre et fier -
Tandis qu'au loin riait la mer
Sur le corail sonore.
Aimez-vous le passé
Et rêver d'histoires
Évocatoires
Aux contours effacés?
Les vieilles chambres
Veuves de pas
Qui sentent tout bas
L'iris et l'ambre ;
La pâleur des portraits,
Les reliques usées
Que des morts ont baisées,
Chère, je voudrais
Qu'elles vous soient chères,
Et vous parlent un peu
D'un coeur poussiéreux
Et plein de mystère.
(" Chansons")